- jeu, 02/10/2025 - 08:29
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1646 | JEUDI 2 OCTOBRE 2025.
L’ancien président congolais a été condamné à mort à Kinshasa par la justice comme l’ancien président français a été condamné une semaine avant par la justice à Paris.
Condamné le 25 septembre 2025 par le tribunal correctionnel de Paris à 5 ans de prison ferme, il s'agit de Nicolas Sarkozy, un ancien président de la République française. Condamné le 30 septembre 2025 par la Haute Cour militaire de Kinshasa à la peine de mort, il s'agit de Joseph Kabila Kabange, un ancien président de la République. Deux procès politiques à les à croire. Quid de la matérialité des faits, difficilement contestables - d'un côté le financement par Kadhafi de la campagne présidentielle de Sarkozy en France, de l'autre, le fait d'être le chef de la coalition rebelle AFC/M23 soutenue par le Rwanda - qui conduit logiquement à une condamnation ? Quid des délits commis qui sont pourtant si avérés ? Parler de procès « politique » ne revient pas à contester non seulement les faits contenus dans la décision des juges, mais aussi à les nier? S'agissant de l'ex-président congolais, le 27 mai 2025, quatre jours après la diffusion par les médias de son discours qui ne prêtait à aucune confusion sur ses intentions de retrouver «son» trône, @kkmtry postait un texte sur son compte X (ex-Twitter) que voici : «J’aurais été @kikayabinkarubi @NehemieMwilanya @RamazaniShadary pour @josephkabila01, j’aurais proposé un discours à la Mandela : « On m’a tout renié : mon père, ma femme, mes enfants, ma sœur, mon Église, mon pays, pour le Congo, je tends la main à Félix ». Il aurait été applaudi». Quel succès récolté par ce texte : 25.000 vues (24,4k) en quelques heures.
Condamné à Paris le 25 septembre 2025 par le tribunal correctionnel de la capitale française à 5 ans de prison ferme, il s'agit d'un ancien président. Condamné à Kinshasa le 30 septembre 2025 par la Haute Cour militaire de la capitale congolaise à la peine de mort, il s'agit d'un ancien président. Deux procès politiques ?
Condamné jeudi 25 septembre 2025 à cinq ans d'emprisonnement ferme pour association de malfaiteurs avec mandat de dépôt à effet différé et exécution provisoire dans l’affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, l'ex-président français Nicolas Sarkozy accusé de faits d'«une gravité exceptionnelle» et «de nature à altérer la confiance des citoyens», convoqué le 13 octobre par le Parquet national financier, qui doit fixer la date du début de sa détention, a fait, aux côtés de sa femme Carla Bruni, à sa sortie du tribunal correctionnel de Paris, une déclaration virulente dénonçant une décision «d’une gravité extrême pour l’État de droit, une injustice insupportable. Cette injustice est un scandale. Je ne m'excuserai pas de ce que je n'ai pas fait (...) Ceux qui me haïssent à ce point pensent m'humilier. Ce qu'ils ont humilié aujourd'hui, c'est la France. C'est l'image de la France (...). Sans doute devrai-je comparaître les menottes aux mains devant la cour d'appel. Je suis innocent. (...) J'assumerai mes responsabilités. Je déférerai aux convocations de la justice. Et s'ils veulent absolument que je dorme en prison, je dormirai en prison, mais la tête haute».
Nicolas Sarkozy qui devient ainsi le premier ancien président en France à aller en prison, en a appelé aux Français. « Je demande aux Français, qu'ils aient voté ou non pour moi, qu'ils me soutiennent ou non, d'apprécier ce qui vient de se passer. La haine n'a donc décidément aucune limite ».
Depuis, l'homme ne décolère pas. «Je m’attendais à tout, mais pas à cela (...). C’est allé encore plus loin que ce que je pouvais imaginer. Toutes les limites de l'État de droit ont été violées. (...). Je me battrai jusqu'à mon dernier souffle pour faire reconnaître mon honnêteté ».
PROCES POLITIQUE ?
Le mardi 30 septembre 2025 à Kinshasa, a-t-on vécu la même scène avec la condamnation par contumace par la Haute Cour militaire de Kinshasa au terme d'un procès de l'ex-président de la République Joseph Kabila Kabange qui a dirigé le pays de 2001 à 2019 ? Poursuivi pour « crimes de guerre », « trahison » et « organisation d'un mouvement insurrectionnel» pour ses liens avec les rebelles de l'Alliance Fleuve Congo AFC et du M23 soutenus par le Rwanda, Joseph Kabila, 54 ans, a, lui, été condamné à la peine de mort. L'ancien président « est le chef de la coalition AFC/M23», a déclaré la Haute Cour militaire après près de quatre heures pendant lesquelles les juges ont motivé leur décision. Un verdict historique car Joseph Kabila est le premier président congolais à être ainsi condamné.
L'ancien président devra aussi verser d'importants dommages et intérêts : plus de 33 milliards de $US à l'État congolais, aux provinces du Nord et du Sud-Kivu et à des associations d'aide aux victimes.
Secrétaire permanent du parti PPRD, le parti de l'ancien président, Emmanuel Ramazani Shadary a qualifié ce procès de « vaste blague. Nous avons toujours dit qu'il s'agit d'un procès politique ».
Pour Raymond Tshibanda N’Tungamulongo, le président de la cellule de crise du FCC, le Front Commun pour le Congo, le regroupement politique pro-Kabila, qui a signé un communiqué daté du même 30 septembre, cette « condamnation qui, au terme d'une procédure illégale de bout en bout, vient d'être prononcée contre (son) Autorité Morale, n'est pas seulement celle d'un homme, ancien
Président de la République soit-il. C'est aussi et surtout celle de l'État de droit et de toutes les conquêtes démocratiques obtenues de haute lutte par notre peuple depuis bientôt deux décennies. C'est en cela qu'elle est inacceptable. C'est pour cela qu'elle doit et sera combattue. Sans répit. Avec détermination. Jusqu'à ce que la tyrannie soit vaincue. Et elle le sera ! Ce n'est pas une option. C'est un devoir constitutionnel. (Ce fut une) chronique d'un meurtre annoncé». Faut-il vraiment y voir un jugement politique ?
Quid de la matérialité des faits, difficilement contestables, qui conduit logiquement à une condamnation ? Que dit-on des délits commis qui sont pourtant si avérés ? Parler d’un procès « politique » ne revient pas à contester non seulement les faits contenus dans la décision des juges, mais aussi à les nier?
S'agissant de Sarkozy, il faut rappeler que l'homme n’était pas président au moment des faits incriminés, mais ministre de l’Intérieur.
Selon Olivier Beaud, professeur de droit public à l’Université Paris Panthéon-Assas, « c’est précisément pour cette raison qu’il n’a jamais bénéficié de l’immunité prévue par l’article 67 de la Constitution de sorte qu’il a pu être poursuivi et jugé. C’est le citoyen Sarkozy qui a dû répondre devant la justice des faits qui lui étaient reprochés.
En d’autres termes, la justice n'a pas condamné un ancien président, elle a condamné un citoyen qui a commis un délit (...). Parler d’« association de malfaiteurs » peut choquer lorsqu’il s’agit d’un ancien président, mais dès lors qu’un ministre ou un chef d’État commet un délit, il se comporte comme un délinquant. Il ne peut plus invoquer sa fonction politique pour se prémunir contre une action en justice. Il devient justiciable comme n’importe quel citoyen. C’est ce qu’on pourrait appeler la théorie de « l’imposture » (formule du philosophe Kojève) : un responsable politique qui franchit la ligne de la criminalité cesse d’être un homme d’État pour devenir un délinquant. Et un délinquant ne peut s’opposer à ce que des juges ordinaires le condamnent, y compris pour une participation à « une association de malfaiteurs».
Doit-on s'attendre à une arrestation de Joseph Kabila par la justice congolaise ? À ce stade malgré sa condamnation, celle-ci paraît peu probable. Par ailleurs, un moratoire sur l'exécution de la peine capitale en vigueur depuis 2003 a été levé en 2024 mais aucune exécution n'a eu lieu depuis. Certes, un recours en justice est encore possible devant la Cour de cassation mais uniquement pour tenter de faire valoir une irrégularité dans la procédure mais pas pour réexaminer le fond. Selon Ithiel Batumike, chercheur à l'institut congolais Ebuteli cité par l'Afp, par cette condamnation, Kinshasa a envoyé « un message fort auprès des rebelles sur son intransigeance » mais a aussi « fragilisé un adversaire » qui a tenté de « fédérer l'opposition ».
D. DADEI.