Matata Ponyo, la justice se ressaisit
  • mar, 15/04/2025 - 11:44

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1634|MARDI 15 AVRIL 2025.

On dit des avocats qu'ils sont des génies créatifs. Eux seuls peuvent convaincre le public en présentant le tableau noir d'une classe comme étant de couleur rouge. Les élèves peuvent beau protester, si le public ne prend pas garde, les avocats lui feront avaler des couleuvres.

Car en effet, comment comprendre une thèse mille fois défendue par Me Raphaël Nyabirungu Mwene Songa, Professeur Émérite, Doyen Honoraire de la Faculté de Droit de l'Université de Kinshasa, Avocat près la Cour de Cassation et le Conseil d'État que le législateur congolais ait pu imaginer qu'un homme sur terre ne puisse jamais être poursuivi devant aucune cour congolaise ? Même si une telle présentation - une telle thèse, une telle défense - pour un avocat, n'a jamais été gratuite, qu'elle se paie cash, et souvent, des millions de $US quand le client pèse lourd comme c'est le cas.

Quand de part le monde, en France, aux États-Unis, en Corée (du Sud), des Dirigeants en place ou non, sont déférés devant un juge, entendus, condamnés ou pas, le législateur congolais aurait-il été si plaisantin pour envisager «l'homme libre éternel», quoi qu'il en coûte ?

Les articles de la Constitution de la République auxquels se réfère le Professeur Émérite Me Raphaël Nyabirungu Mwene Songa? Ils vont de l'art. 163 à l'art. 168 : «La Cour Constitutionnelle est la juridiction pénale du Chef de l’État et du Premier ministre dans les cas et conditions prévus par la Constitution», art. 163 ; «la Cour Constitutionnelle est le juge pénal du Président de la République et du Premier ministre pour des infractions politiques de haute trahison, d’outrage au Parlement, d’atteinte à l’honneur ou à la probité ainsi que pour les délits d’initié et pour les autres infractions de droit commun commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. Elle est également compétente pour juger leurs co-auteurs et complices», art. 164 ;

«Sans préjudice des autres dispositions de la présente Constitution, il y a haute trahison lorsque le Président de la République a violé intentionnellement la Constitution ou lorsque lui ou le Premier ministre sont reconnus auteurs, co-auteurs ou complices de violations graves et caractérisées des Droits de l’Homme, de cession d’une partie du territoire national. Il y a atteinte à l’honneur ou à la probité notamment lorsque le comportement personnel du Président de la République ou du Premier ministre est contraire aux bonnes mœurs ou qu’ils sont reconnus auteurs, co-auteurs ou complices de malversations, de corruption ou d’enrichissement illicite.

Il y a délit d’initié dans le chef du Président de la République ou du Premier ministre lorsqu’il effectue des opérations sur valeurs immobilières ou sur marchandises à l’égard desquelles il possède des informations privilégiées et dont il tire profit avant que ces informations soient connues du public. Le délit d’initié englobe l’achat ou la vente d’actions fondée sur des renseignements qui ne seraient jamais divulgués aux actionnaires.

Il y a outrage au Parlement lorsque sur des questions posées par l’une ou l’autre Chambre du Parlement sur l’activité gouvernementale, le Premier ministre ne fournit aucune réponse dans un délai de trente jours», art. 165 ; «la décision de poursuites ainsi que la mise en accusation du Président de la République et du Premier ministre sont votées à la majorité des deux tiers des membres du Parlement composant le Congrès suivant la procédure prévue par le Règlement intérieur (...)», art. 166 ;

«En cas de condamnation, le Président de la République et le Premier ministre sont déchus de leurs charges. La déchéance est prononcée par la cour constitutionnelle.
Pour les infractions commises en dehors de l’exercice de leurs fonctions, les poursuites contre le Président de la République et le Premier ministre sont suspendues jusqu’à l’expiration de leurs mandats. Pendant ce temps, la prescription est suspendue», art. 167. «Les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et sont immédiatement exécutoires. Ils sont obligatoires et s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires ainsi qu’aux particuliers. Tout acte déclaré non conforme à la Constitution est nul de plein droit», art. 168.

ON A BEAU TOURNER ET RELIRE.
On a beau lire et relire ces textes écrits en français, on a beau tourner et retourner la Constitution de la République (version modifiée par la Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006), nulle part, le législateur ne laisse entendre que jamais un ancien Premier ministre ne pourrait être poursuivi par une cour au Congo.

Où donc ce Professeur Émérite Raphaël Nyabirungu a été trouver cette invention qui a fait la honte de la justice de notre pays en faisant tant traîner cette affaire de détournement de fonds publics décaissés par le Trésor public dans le cadre d'un projet de parc agro-industriel qui n'a jamais vu le jour ?

Bukanga Lonzo ? Un contrat signé de gré à gré, n’ayant pas, comme plusieurs autres, respecté la loi sur la passation des marchés publics, n’ayant jamais sollicité, ni requis l’autorisation de la DGCMP, la Direction Générale de Contrôle des Marchés Publics, sortant très souvent, des cadres légaux. Un projet pourtant présenté comme «majeur, structurant, devant pousser le Congo à l’émergence économique et sociale».

Un total de 287.050.817,91 $US (deux cents quatre-vingt-sept millions de $US), 285.939.621,87 US$ décaissés et liquidés par le Trésor public congolais, 1.115.196,04 US$ déboursés par le FPI, le Fonds de Promotion de l’Industrie.
Qui a géré ces deux cents quatre-vingt-sept millions de $US? Nul autre sinon le Premier ministre de l'époque, Son Excellence Augustin Matata Ponyo Mapon. Par qui sont passés ces deux cents quatre-vingt-sept millions de $US?

Par un homme d'affaires d'origine sud-africaine, Grobler Kristo Stephanus et la société Africom. Qui a procédé au paiement de ces fonds deux cents quatre-vingt-sept millions de $US? Le gouverneur de la Banque Centrale du Congo de l'époque, Déogratias Mutombo Mwana Nyembo. Les trois prévenus ont été appelés lundi 14 avril 2025 par la Cour Constitutionnelle. Me Raphaël Nyabirungu Mwene Songa a fait résonner sa musique trop entendue.

Lorsqu'en 2021, l'IGF, l'Inspection Générale des Finances éclabousse l'affaire, Augustin Matata Ponyo Mapon est Conseiller du Président guinéen Alpha Condé. Le 7 mai 2021, Matata annonce son retour à Kinshasa sans donner de date précise. Il a décidé d’écourter son séjour à Conakry où il dit s’être trouvé en « séjour de travail (…) au service de l’Afrique » ; il rentre « à Kinshasa pour faire face à une justice politiquement instrumentalisée », écrit-il sur son compte Twitter, assurant être « fier d’avoir servi (son) pays dans la transparence » et croit « en la force de la vérité ».

À son arrivée à l’aéroport de N’Djili, l’ancien Premier ministre est sur le même registre, sur son compte Twitter : «Je viens d’arriver à Kin pour répondre à la Justice. Je remercie les Congolais qui, par amour pour la RDC, m’ont prié de ne pas revenir au pays. Je leur dis: par amour pour la RDC, certains d’entre nous doivent avoir le courage de braver l’injustice.

Les jeunes surtout en ont besoin». Peu après, dans la tour Kiyo Ya Sita, le long des Champs-Élysées congolais, au 364, 5ème étage, où il abrite aussi son projet phare Congo Challenge, Matata réunit un parterre d’amis journalistes triés sur le volet, étale sa ligne de défense. «Il n’a jamais rien signé. Tout l’était par ses ministres sectoriels. Il n’a jamais rien décidé. Tout l’était en Conseil des ministres.

Et l’on sait par qui il est présidé». Il noie l’ex-Président de la République Kabila. Oubliant que si celui peut être poursuivi, il le sera difficilement en cette matière, étant donné son irresponsabilité devant le Parlement. Encore que beaucoup de décisions, lors de cette période, avaient été prises, à l’Hôtel du Conseil lors des réunions « des groupes thématiques », et, en l’espèce, dans le groupe « secteurs productifs ».

Depuis mais 2021, rien ! Lundi 14 avril 2025, le président de la Haute Cour Dieudonné Kamuleta Badibanga a entendu le Professeur Émérite Nyabirungu mais a sonné le tocsin : «Allons sur le fond ». Prochaine audience : mercredi 23 avril.
ALUNGA MBUWA.


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