- sam, 07/04/2012 - 20:50
LE SOFT INTERNATIONAL N° 1159 DATÉ 2 MARS 2012
Nul doute, les scrutins du 28 novembre 2011 ont connu moult ratés et jour après jour un consensus paraît se dégager sur l’incompétence sans nom de l’institution organisatrice - la Commission électorale. La poursuite du processus électoral annoncée par le Président de la République qui passe par la tenue des élections provinciales et locales requiert un processus de recrédibilisation de l’institution qui passe par la reconceptualisation de l’organe et par l’appel à un comité plus à l’écoute parce que peu arrogant et moins affairiste et sans doute politiquement moins chargé.
On ne saurait - comme c’est plus facile - incriminer le seul personnel de la Majorité que la CENI compte ou comptait en son sein. Il faut tout aussi voir du côté de celui désigné par l’opposition guère au-dessus de tout soupçon.
Trop affairiste, la CENI s’est révélée indigne à être défendue même par ceux qui par opinion, affinité ou amitié, auraient pu prendre son parti tellement elle nous laisse d’ahurissantes casseroles.
A la demande insistante de réforme faite par l’opposition tout comme par la société civile ou l’extérieur participant à son budget, le secrétaire général de la Majorité présidentielle, le PPRD Aubin Minaku Ndjalandjoku a répondu en fin de semaine qu’«il s’agit d’une porte ouverte».
Cela dit, nombre de commentaires seraient à classer dans le panier des «récits simplistes» que dénonce l’Américaine Séverine Autesserre («Dangerous tales of the Congo», «Les dangereux récits sur le Congo», Le Soft International n°1158, 1ère éd. vendredi 28 mars 2012).
C’est le cas de certains passages du rapport à la Timisoara - puisque trop convenant, ne pouvant moins faire que le rapport devancier de l’institut Carter - publié jeudi 29 mars à Kinshasa par la Mission d’observation de l’Union Européenne, MOEUE (Rapport final, Élections présidentielle et législatives 28 novembre 2011). Quand il s’agit de la R-dC, l’extérieur s’est facilement habitué à charger et à foncer tête baissée sans précaution d’usage, ni de style, ni diplomatique.
LA MOEUE FONCE IMPRUDEMMENT.
Arrêtons-nous sur les deux provinces emblématiques du Katanga et du Bandundu qui constituent, écrivent les rédacteurs usant du procédé d’«analyse politico-électorale approfondie», la plus virulente démonstration des résultats outrés tant qu’ils sautent par leurs incohérences et attestent de flagrantes manipulations.
Selon ces experts, dans ces deux provinces, «l’écart creusé par le président sortant avec son adversaire de l’UDPS est tout à fait impressionnant et surtout irréversible (2.601.312 voix d’avance au Katanga et 1.041.437 au Bandundu, soit un total de 3.642.749 voix). Une étude comparative avec le deuxième tour de l’élection présidentielle de 2006 révèle que l’écart entre Kabila et Bemba était de 2.263.594 voix au Katanga et que Bemba devançait Kabila de 305.719 voix au Bandundu, soit une avance au profit du candidat Kabila de 1.957.875. En 2011, Joseph Kabila est donc parvenu à augmenter son avance de plus de 1,6 millions de voix dans deux provinces où le nombre de suffrages exprimés n’a lui progressé que d’un million, ce qui signifie que le million de nouveaux électeurs se sont tous prononcés en sa faveur et qu’en plus 600.000 électrices et électeurs qui avaient choisi l’opposition en 2006 ont cette fois fait un choix inverse et rallié le camp de la majorité. L’analyse des chiffres affichés par la CENI pour le Katanga et le Bandundu montre que, dans ces deux provinces très symboliques pour le pouvoir en place et tout à fait décisives pour le résultat final, toute tentative d’explication politique des motivations des électeurs demeure problématique. Même si ce type d’étude mériterait d’être étendu à d’autres provinces, l’illisibilité politique des résultats que l’on constate, vient accroître le doute concernant la crédibilité du scrutin présidentiel du 28 novembre».
DES CONCLUSIONS SIMPLISTES.
Sur le Bandundu, les rédacteurs européens écrivent: «Cette progression (ndlr du Candidat de la Majorité Présidentielle) s’est faite dans un contexte où le PALU, parti de gouvernement depuis 5 ans, apparaissait traversé par de graves divisions entre des cadres ayant largement profité de leur proximité avec le pouvoir et des militants déçus par le maigre bilan des Premiers Ministres du PALU. Dans une province où les cadres du régime ont le plus souvent fait leur campagne législative en évitant d’apparaître sous la bannière du PPRD et après que le candidat Kabila ait mené une campagne électorale discrète et plutôt morne, les scores réalisés par le président sortant atteignent pourtant des sommets».
Puis: «Au Bandundu, qui a voté à plus de 73% pour M. Kabila, le PALU, principal parti de la province et artisan annoncé du triomphe électoral du président sortant, perd 14 sièges, passant de 25 en 2006 à 11 en 2011, ce qui atteste de l’existence, dans cette province, d’un véritable vote sanction qui a, bizarrement, épargné Joseph Kabila».
La MOUE serait mieux inspirée si elle n’avait mis «débâcle» PALU au Bandundu face au triomphe Kabila. Si le PALU a enregistré une défaite reconnue dans ce qui fut son fief en 2006, cela conforte la thèse de tous les observateurs.
En effet, contrairement à ce qu’écrit la MOEUE, le PALU n’est pas «l’artisan du triomphe électoral» de Kabila ni dans le Bandundu, ni dans sa diaspora kinoise. Il en va de la vérité politique et historique.
A Kinshasa, dans la Tshangu considérée comme bastion bandundois, le seul député PALU en 2011 vient de... l’Equateur! Quand on sait que l’élection était - la MOEUE le reconnaît elle-même - tribale et technique, comment expliquer ce phénomène? Mieux, la MOEUE devrait se pencher sur le cas de Gungu et s’interroger sur la démission en bloc du comité CLCR et où pourtant le PALU fait son meilleur score, à en croire la CENI... Usant de mauvais éléments de départ - ou d’«éléments simplistes», il est normal que les conclusions soient biaisées.
Le PALU n’a pas joué un «rôle clé» ni en 2006, ni en 2011 dans le résultat de Kabila dans le Bandundu.
En 2006, après l’avoir houspillé durement au 1er tour, le PALU n’avait pu apporter l’appui que la Majorité attendait à la candidature de Kabila au second tour. Les chiffres l’attestent.
D’où la grogne ressentie dans les rangs de la Majorité plus fortement dans ceux du PPRD qui a toujours soutenu qu’on lui a volé sa Primature! Ce fut le grand débat du Congrès de Kisangani. La MOEUE l’ignore-t-elle?
En 2011, le succès de Kabila tient à l’image que le Bandundu se fait du président sortant, un homme d’honneur, respectueux de la parole donnée (certes, celle donnée au patriarche Antoine Gizenga en maintenant au pouvoir son parti toute la législature durant), qu’il est resté un homme simple et humble, proche de la population du Bandundu qu’il visite sans cesse, qui a rouvert la route nationale nourricière n°1. Ce qui a donné des arguments à la campagne forte menée en sa faveur non par le seul PALU mais par des fils talentueux de la province.
LA ROUTE NOURRICIERE.
La réouverture de la route nourricière a fait reculer misère et pauvreté dans la province, la population écoule désormais le long de la route auprès des voyageurs «fortunés» les produits de la collecte: feuilles et lianes comestibles, champignons et chikwangues, etc., alors que des produits de commerce venant plus facilement de Kinshasa à commencer par le pain pénètrent désormais jusque dans les villages les plus reculés des centres commerciaux. C’est le cas du pain Victoire... Outre les produits agricoles acheminés plus vite, là où en 2006, ils mettaient un mois avant d’être écoulés dans la Capitale. Sans doute privilégiée plus que n’importe quelle autre province, la province sait qu’elle le doit à Kabila...
C’est abusif de poser que la débâcle du PALU devrait entraîner celle de Kabila dans le Bandundu. Aucun politologue de terrain ne l’affirmerait. Ce serait oublier qu’en 2006, dans nombre de circonscriptions électorales de l’ouest de la province, nul n’avait vu l’ombre d’un PALU...
En l’espèce, le pays doit encore se faire entendre.
T. KIN-KIEY MULUMBA