- mar, 17/05/2016 - 08:36
Le ministre de la Culture est parti le jour et l’heure où l’artiste de théâtre regagne la maison…
Il a rendu l’âme. Samedi 14 mai 2016, Baudouin Banza Mukalay Nsungu a quitté la terre des hommes.
Il était environ 21h00’ à Kinshasa, jour et heure où l’artiste de théâtre regagne la maison, où l’artiste de musique s’apprête à aller donner un concert.
C’est le jour et l’heure que le ministre de la Culture et des Arts choisit pour s’en aller. Il a tiré sa révérence à la veille du jour où il a quitté le pays - un certain 17 mai - pour un long exil difficile, une errance africaine, alors qu’il était l’un des proches sinon le premier de Mobutu.
Il venait d’être conduit en urgence à Ngaliema Center, un centre médical kinois suite à un malaise auquel il n’a pas survécu.
Il avait dit son ultime discours, avec élégance et puissance, il y a un mois, aux obsèques d’un artiste, un grand, Papa Wemba né Jules Shungu Wembadio Pene Kikumba.
Au Palais du Peuple. Devant le Chef de l’Etat. Devant le Premier ministre. Devant les notabilités du pays. Devant certainement le pays et le monde...
Ignorait-il que le prochain à être pleuré en cet endroit serait lui Baudouin Banza Mukalay Nsungu et que cela viendrait plus vite? Certainement pas, lui qui profondément croit au destin, s’est remis ces derniers mois à l’écriture - «il nous faut écrire; il nous faut témoigner, tant qu’il est encore temps», ne cessait-il de confier à celui qu’il n’avait eu de cesse d’appeler son «complice de toujours», le professeur Tryphon Kin-kiey Mulumba.
L’une de ses dernières écritures furent consacrées à Bengalore, cette ville indienne lointaine où il se rendait tant, sans doute pour se guérir du mal qui l’a emporté. Dans ce livre «Entre Kinshasa et Bengalor» -, il raconte ce mal. Avant qu’il ne parte, il s’était replongé dans une autre écriture. Mais ses camarades de l’UDCO lui seront redevables pour leur avoir laissé l’histoire de ce parti - qu’il a créé avec Tryphon Kin-kiey Mulumba - ou, mieux, et comme il l’écrit - ce parti UDCO qui a vu le jour grâce aussi à Tryphon Kin-kiey Mulumba, «Professeur», comme il aimait l’appeler. Comme il écrit dans son histoire de l’UDCO.
Extraits.
Baudouin Banza Mukalay Nsungu vient de réunir dans son fief électoral de Lubumbashi - qui ne lui a jamais fait défaut - un congrès réussi de son parti UDCO. Occasion pour ce licencié en langue et littérature française de l’Université de Lubumbashi (actuellement ministre de la Culture et des Arts) de publier un énième fascicule (éd. Mabiki (Bruxelles, Wavre, Kinshasa, 86 pages) sur son parti UDCO, Union pour le Développement du Congo, à la création duquel nombre de ses amis prirent part dont «son complice de toujours», comme il l’appelle amicalement et avec qui il devise généralement, le professeur Tryphon Kin-kiey Mulumba:
«Voici déjà 7 ans depuis l’existence légale de l’UDCO, et 6 ans depuis sa sortie officielle, au bâtiment du 30 juin à Lubumbashi, République Démocratique du Congo. J’ai estimé impérieux d’en retracer l’itinéraire, d’en évoquer les succès, les embûches et les obstacles. Impérieux aussi de souligner les efforts, le courage, l’abnégation et la détermination de ses membres. (...)
Au-delà des réunions qui se sont succédées, nous avons entamé des tournées à travers la République. Nous avons commencé par le Katanga dont nous avons sillonné toute la partie Nord.Au commencement, était la parole, disent les Ecritures. Au départ l’idée m’était venue de lancer un Parti politique. Tout est parti des élections pluralistes de 2006. J’y ai participé comme candidat indépendant à la députation nationale (...). J’ai été élu député national de la circonscription électorale de la Ville de Lubumbashi. En effet, j’avais installé depuis longtemps une structure des jeunes dénommée Forum des jeunes en sigle «Forjeunes», un regroupement, un rassemblement des jeunes de différentes tendances. (...)
J’ai observé que de nouvelles forces politiques qui n’avaient pas autant d’atouts que moi, avaient placé ça et là, leurs partisans.
Or, à notre âge, on ne se pérennise qu’en semant ça et là, en servant ses disciples. Ma propre position compte peu. Si je ne réussis pas à ouvrir des voies à d’autres, je m’efface moi-même.
Je ne siège pas au Bureau Politique, organe de l’AMP qui oriente, inspire et décide.
D’où l’idée de lancer un Parti politique. J’en parle à quelques amis, au Katanga, notamment à l’ancien Directeur Général de la SNCC, Ilunga Luanza, à l’Honorable Kabongo Ngoy, à Me Kabulu dit Pasteur et à mon entourage immédiat. A savoir, feu Tshikuej a Kazumb, Jean Marie Mukombo, Me Nkulu Emmanuel. Avec l’Honorable Kabongo Ngoy, qui est mon beau-fils, mari de feu ma nièce, Célestine. On a des rencontres presque quotidiennes, chaque fois que je suis à Lubumbashi. Je maintiens le rythme d’une fois par semaine. Tous les week-ends.
Au-delà de simples réflexions, nous passons à l’acte: rédaction des Statuts, du Règlement Intérieur et du Projet de Société.
Nous convoquons la première réunion constitutive dans la salle de réunion de l’immeuble du commerçant Mukalay Sonkwe qui nous la prête gracieusement. Les textes sont adoptés à l’unanimité. Des démarches auprès du Notaire sont menées par les deux Avocats cités ci-haut.
J’ai ensuite pris contact avec Monsieur Mwamba Yelumba, Ministre honoraire de la Santé sous la transition du Maréchal Mobutu et aussi avec Me Joseph Mudumbi qui me présente à son tour Monsieur Shamba Balthazar du N ord- Kivu, ancien du Cabinet du Président L.D. Kabila et actuellement Inspecteur à la Direction Générale des Douanes et Accises (DGDA).Pour l’ex-Province du Bandundu, je devise avec mon complice de toujours le prof. Kin-kiey Mulumba, député indépendant, et Vice-Président du GPI. Je compte aussi sur Monsieur Firmin Muzungu, le jeune frère de Venant Muzungu, qui avait quelques activités commerciales à Bulungu. Le caractère national étant ainsi établi, nous nous lançons sur l’orbite. Mais comme le siège du Parti, c’est à Lubumbashi et que tous les documents administratifs nécessaires s’obtiennent là-bas, la plupart de ceux que j’ai cités plus haut n’ont pas eu l’occasion de signer sur ces documents.
C’est avec le Prof. Kin-kiey Mulumba que nous avons introduit notre demande d’agrément au Ministère de l’Intérieur, dirigé alors par le Général Kalume
Denis.
Une anecdote, les services du Secrétariat Général me font venir pour me dire que le sigle UDC, qui était notre sigle au départ était déjà utilisé par un autre Parti. Que faire? Reprendre à zéro? C’est alors que me vient l’idée d’ajouter un «O», à UDC, qui deviendra UDCO. Les services du Secrétariat Général agréent le changement du sigle que nous ferons ensuite authentifier à l’Office du Notaire de Lubumbashi. Quelques jours après, nous obtiendrons notre Arrêté d’agrément, et une note de notification. L’UDCO est ainsi juridiquement né comme Parti Politique.
Le premier obstacle fut d’ordre matériel. Le Parti est certes là. Il faudra trouver des matériels, des drapeaux, des tee-shirts, des chapeaux et un siège. En attendant de trouver un siège, les premières réunions se tenaient à la résidence de l’Honorable Kabongo Ngoie, sur l’avenue Kabalo à Lubumbashi.
Dans l’entre-temps, je me suis battu pour trouver un peu d’argent, que je confierai à une commerçante pour nous acheter des drapeaux, des pagnes, et des casquettes (en Chine). Elle a gracieusement ajouté des foulards, et des stylos portant la marque «UDCO».
Dès que nous avons reçu ces matériels, nous étions alors prêts à faire notre première sortie au Bâtiment du 30 Juin, salle mythique, symbole de la démocratie au Katanga.
Avant cette sortie, nous avions reçu des menaces de tout genre, au motif que le Président ne serait pas content que nous ayons créé ce Parti qui risquait de concurrencer le PPRD, considéré comme le Parti présidentiel. Beaucoup de nos cadres sont ainsi intimidés, Mudumbi, Kin-kiey, Vano, pour ne citer que ceux-ci. Il a fallu le courage du Prof. Kin-kiey Mulumba qui, profitant d’une audience lui accordée par le Chef de l’Etat, lui posera clairement la question de savoir s’il était vraiment mécontent du fait que lui (Kin-kiey) et moi avons créé un Parti politique pour le soutenir.
Le Président lui a dit clairement non, c’est faux! De l’éperon du Palais de la Nation où il était, le Prof. Kin-kiey Mulumba m’a appelé pour me rassurer. C’était donc l’œuvre des concurrents qui avaient peur de nous voir sur le même terrain politique.
Le Soft International n°1352, 25 mars 2016.