Un moment de Gouvernance démocratique
  • mer, 31/08/2016 - 05:32

Le Premier Recueil National des Edits Provinciaux met une boussole à la disposition des autorités politiques provinciales. Ministère dont l’une des missions régaliennes consiste à veiller à la constitutionnalité des lois provinciales, les Relations avec le Parlement viennent de doter le pays de son tout premier Recueil National des Edits Provinciaux. Un événement rendu possible grâce à un partenariat tissé entre le Ministère et le Programme des Nations Unies pour le Développement dans son volet Gouvernance démocratique.
La cérémonie de vernissage de ce recueil de 1040 pages s’est déroulée vendredi 19 août à l’immeuble du Gouvernement en présence d’une quinzaine de présidents des Assemblées provinciales et d’une dizaine de gouverneurs des provinces qui ont fait, pour l’occasion, le déplacement.
En neuf ans et en termes de volume de production, nos Assemblées provinciales ont voté 163 lois, une moyenne de 20 lois par an, soit 2 lois en moyenne par an, par province, ce qui est loin d’être une performance. Sur ces 163 Edits, 30 ont été déclarés non conformes à l’épreuve de conformité et tombent en nullité. Ces Edits illégaux sont pourtant en application! D’où les remous au sein de la population et parmi les opérateurs économiques obligés de se plier à des lois provinciales anticonstitutionnelles. Le constituant à venir instaurera un régime d’avis préalable du juge constitutionnel comme c’est le cas pour les lois nationales.

A l’occasion de cette cérémonie, le Ministre des Relations avec le Parlement, le professeur Tryphon Kin-kiey Mulumba a prononcé un discours ci-après en intégralité:
En mémoire de nos compatriotes innocents de Beni en province du Nord-Kivu, victimes d’un carnage perpétré par des fous de Dieu à la solde d’un fanatisme aveugle et sauvage, je vous prie de vous lever et de garder une minute de silence.
Merci!
Je vous remercie infiniment d’avoir trouvé ce moment de votre précieux temps pour vous rendre à cet Immeuble du Gouvernement, assister à cette cérémonie de vernissage du Recueil National des Édits provinciaux adoptés et promulgués par nos Pouvoirs Provinciaux.
Je remercie plus particulièrement ceux de nos invités - Présidents des Assemblées Provinciales, Gouverneurs de province, ministres provinciaux - qui ont fait un long voyage pour ce moment.
Je ne cache pas ma joie au terme de ce qui a été un vrai marathon, intense et passionnant, de plus d’un an, qui se voit couronner aujourd’hui par la présentation du tout premier Recueil National des Édits provinciaux de notre pays.
Le rêve longtemps nourri devient ce jour réalité!
Ce moment historique restera gravé dans les annales des Institutions politiques de notre pays.
C’est pour la toute première fois qu’une production législative provinciale fait l’objet d’une compilation nationale, par ailleurs de haute valeur scientifique, pédagogique et porte un message politique sans équivoque.
Je rends hommage à S.E. Monsieur le Président de la République, Chef de l’État, Joseph Kabila Kabange, pour avoir impulsé la démocratie dans notre pays, renforcé les missions régaliennes du Ministère des Relations avec le Parlement, Ministère de souveraineté, dans son rôle d’interface entre l’Exécutif et le Législatif.
Ce faisant, le Chef de l’État a résolu de faire de la gouvernance démocratique l’enjeu majeur de la stabilité des Institutions et de l’équilibre entre l’Exécutif et le Législatif, ce dont se charge jour après jour ce Ministère.
Que l’Autorité suprême de notre pays daigne trouver ici l’assurance de ma déférence et l’expression de mon plus parfait dévouement.
J’exprime ma gratitude à Son Excellence Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, Augustin Matata Ponyo Mapon, pour avoir accepté de préfacer cet ouvrage, et pour le patronage et la présidence de cette cérémonie, ce qui prouve l’intérêt qu’il accorde à la promotion de la gouvernance démocratique.
Son Excellence Monsieur le Premier Ministre avait voulu être ici présent personnellement et m’a fait part de l’impossibilité d’être parmi nous ce matin, retenu, comme tout le monde le sait par ce douloureux dossier de Beni, en province du Nord Kivu, dont, au nom du Gouvernement, et sous l’Autorité du Commandant Suprême des Forces Armées Congolaises, avec les différents Services de l’Etat, il travaille à la recherche des solutions définitives à ces crimes terroristes.
Je remercie le PNUD, le Programme des Nations Unies pour le Développement, à travers son Programme Gouvernance Politique, son Projet PAIDS, Projet d’appui aux Institutions démocratiques et aux Organisations de la Société Civile, et son partenaire le Gouvernement du Royaume de Belgique, qui ont permis la matérialisation de cette initiative de mon Ministère grâce à un partenariat solide et fructueux entrepris et noué dès mon arrivée à la tête de ce Ministère.
A cet instant, je pense plus particulièrement à la Directeur-Pays du PNUD, Madame Priya Gajraj qui, aussitôt qu’elle eût franchi la porte de mon cabinet, pour la toute première fois ce jeudi 16 juillet 2015, à 10h30’, à mon invitation empressée, comprit qu’elle ne s’était pas trompée de porte, qu’elle était au bon Ministère, et que c’est ce Ministère des Relations avec le Parlement qui s’occupait de gouvernance démocratique.
A quoi servirait d’organiser des élections, d’avoir à débourser des millions de dollars du Trésor public, d’élire des Députés - représentants du peuple souverain -, de verser émoluments et autres indemnités si les lois votées et les recommandations adressées à l’Exécutif pour une vie meilleure de chacun des Citoyens et, in fine, de la Cité, meurent dans des placards encombrés, parce que non exécutées par le Gouvernement national ou provincial?
A cet sujet, je suis heureux d’affirmer que l’Exécutif National, dirigé par S.E Monsieur Augustin Matata Ponyo Mapon, sous le leadership de S.E Monsieur le Président de la République Joseph Kabila Kabange, suit, de très près, l’exécution par chacun des membres du Gouvernement des Lois votées par les Chambres et des recommandations issues des Chambres, adressées au Gouvernement, et en dresse régulièrement un rapport déposé à chacune des Chambres. C’est le devoir de redevabilité!
Dans le cadre des Pouvoirs provinciaux, comment, s’agissant des lois votées par les élus provinciaux, éviter abus et excès de pouvoir, s’agissant d’expériences législatives qui s’engagent et qui doivent être, disons-le, encadrées, par un ministère ombusdman?
C’est toute la pertinence de cette Ordonnance, l’ordonnance présidentielle n°15/015 du 21 mars 2015 qui dispose, s’agissant des attributions des Ministères du Gouvernement de la République, que le Ministère des Relations avec le Parlement a, entre autres missions, de «s’assurer de la conformité à la Constitution et à la législation nationale des Édits des Assemblées Provinciales en collaboration avec le Ministère ayant l’Intérieur dans ses attributions».
En clair de veiller à ce qu’aucune loi votée et promulguée en province ne heurte la Constitution de la République ou les Lois nationales.
Ce qui, du coup, fait, de ce Ministère, le gendarme constitutionnel.
S’agissant de la collaboration du Ministère ayant l’Intérieur dans ses attributions, je voudrais rassurer qu’elle n’a jamais fait défaut.

Honorables,
Excellences,
Mesdames et Messieurs en vos titres et qualités, tous protocoles respectés,
Dès le lendemain de ma prise de fonction à ce Ministère, j’ai dépêché, en mars 2015 et jusqu’en mai de la même année, en cohérence avec cette Ordonnance présidentielle et mes prérogatives ministérielles, des missions dans les chefs-lieux des onze Provinces d’avant la Réforme, dans le but de collecter les différents Édits produits par les Assemblées provinciales et promulgués par nos Gouverneurs, pour la période allant de 2006, date d’installation de nos Assemblées délibérantes, à mai 2015.
Ce travail qui n’avait rien d’une sinécure, permit, pendant trois mois, aux Experts de mon Ministère, de toucher du doigt le contexte qui conduisit à l’adoption et à la promulgation de chacun des Édits.
La Constitution de la République fixe, en son Article 197, les attributions de l’organe délibérant provincial, dans le domaine des compétences qui lui sont réservées et de contrôle du Gouvernement provincial ainsi que des services publics provinciaux et locaux, la Loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces définit les rapports de collaboration entre le Pouvoir central et le Pouvoir provincial.
Il en découle que l’organe délibérant provincial, à savoir l’Assemblée provinciale, ne saurait légiférer sur les matières relevant de la compétence exclusive du pouvoir central.
De même, l’organe délibérant national - l’Assemblée Nationale et le Sénat - ne saurait légiférer sur les matières relevant de la compétence exclusive d’une province (Art. 205 alinéa 1er de la Constitution et 33 al. 1er de la Loi sus évoquée).
Le Parlement national peut, cependant, par une loi d’habilitation, charger une Assemblée provinciale à prendre des édits sur des matières relevant de la compétence exclusive du pouvoir central (Art. 205 alinéa 2 de la Constitution et 38 de la Loi).
Lorsque l’Assemblée nationale et le Sénat mettent fin à la délégation de pouvoir ainsi accordée à l’Assemblée provinciale, les dispositions des Édits provinciaux promulgués dans les matières relevant de la compétence exclusive du pouvoir central, en vertu de cette délégation de pouvoir, demeurent en vigueur dans la province intéressée jusqu’à ce qu’une loi nationale ait réglé ces matières.
En même temps, une Assemblée provinciale peut, par un Édit, habiliter l’Assemblée Nationale et le Sénat, à légiférer sur des matières de la compétence exclusive de la province (Art. 205 alinéa 3 de la Constitution et 38 de la Loi).
Dans les matières relevant de la compétence concurrente du pouvoir central et des provinces, tout Édit provincial incompatible avec les lois et règlements d’échelon national, est nul et abrogé de plein droit dans la mesure où il y a incompatibilité (Art. 205 alinéa 4 de la Constitution et 34 de la Loi).
En clair, la loi nationale prime sur la loi provinciale (Art. 205 dernier al. de la Constitution).
Voilà le contexte légal et il n’en existe pas un autre!
Sur pied de cette Ordonnance présidentielle n°15/015 du 21 mars 2015 et grâce au soutien logistique né du partenariat conclu avec le PNUD, j’ai organisé en décembre 2015 deux Ateliers sur les Édits collectés, le premier examinant leur conformité à la Constitution et aux lois de la République, le second en charge de validation du rapport de cette étude de conformité.
La démarche entreprise par ces Experts de haut niveau du Gouvernement rejoints par des Délégués venus de nos pouvoirs provinciaux, a consisté à vérifier et à authentifier la conformité, disons-le tout de go, à vérifier et à authentifier la constitutionnalité, donc la légalité de ces Édits, du coup, leur validité et donc leur opposabilité aux tiers.
Ce qui en soi fut une simple opération technique au regard du contexte légal ci-haut tracé. Quitte à la Cour Constitutionnelle d’en décider en dernier ressort du retrait.
A la suite de ces deux Ateliers furent produits ce Recueil des Édits fort de 1040 pages, et le Rapport des Ateliers qui l’accompagne, documents de référence et
outils didactiques majeurs de l’expérience de la production législative provinciale de notre pays.
Quel enseignement principal en tirer?
Nos Assemblées provinciales ont consacré une large part de leur travail aux lois provinciales portant mobilisation des ressources financières.
Elles ont priorisé l’élaboration des budgets annuels, la fixation des différents taux d’impôts et taxes dans les secteurs aussi bien des mines que de l’agriculture, de la pêche ou de l’élevage, tout comme elles se sont focalisées sur la codification des normes relatives à l’octroi des marchés publics d’intérêt provincial, dans le souci bien compris de voir leurs jeunes entités prendre de l’envol.
Une mince part de ces Edits s’est intéressée au domaine de l’ordre public, au secteur de l’aménagement du territoire, des transports, de l’environnement et des nuisances sonores, de la protection des enfants et de la culture et arts.
Des secteurs vitaux entiers de la vie provinciale telles la santé, l’éducation au niveau provincial, les affaires foncières, la salubrité publique, etc., ont été laissés en friche.
En termes de production, en neuf ans d’exercice parlementaire, nos Assemblées provinciales ont voté 163 lois, une moyenne de 20 lois par an, soit 2 lois en moyenne par an, par province. Ces chiffres sont loin d’être une performance.
Reconnaissons cependant que d’une province à une autre, la moisson est inégale.
En résumé, tous les autres détails étant à trouver dans le Recueil et dans le Rapport qui l’accompagne, si, en neuf ans, l’ex-Province du Kasaï Oriental a enregistré la plus forte production législative (35 Édits au total), celle de l’ex-Bandundu brille par le taux le plus faible, 6 lois provinciales en neuf ans d’exercice législatif, soit moins d’une loi par an!
En l’occurrence, on peut se demander ce qui n’a pas fonctionné!
Mais à l’épreuve de la conformité, c’est l’ex-Bas Congo et l’ex - Katanga qui réalisent le plus beau score, aucun des Édits de ces Assemblées provinciales n’est invalidé.
Signe de grande qualité législative dans ces provinces.
Par contre, si, en neuf ans d’exercice parlementaire, l’ex-Equateur a produit 13 Édits, 10 de ces 13 lois provinciales ont été déclarées non conformes.
De ce fait, 4 Édits restent d’application, de l’avis des Experts de haut niveau du Gouvernement et des Délégués de nos Pouvoirs Provinciaux. Aux juges de la Haute Cour, saisis formellement par le Gouvernement de la République, de déclarer illégales ces neuf lois provinciales pourtant paradoxalement d’application!
C’est à la Cour Constitutionnelle, dans sa mission de contrôle de la constitutionnalité des Lois, que revient en effet cette charge en dernier ressort.
Il reste à savoir, s’agissant de la cohérence juridique, s’il ne faut pas en l’espèce instaurer un régime d’avis préalable de la Cour Constitutionnelle s’agissant de la constitutionnalité des lois provinciales avant leur promulgation et leur mise en application comme c’est le cas des lois nationales.
Une question à poser, comme d’autres, au Constituant à venir.
En l’occurrence, on comprend les résistances et remous constatés dans le chef de populations et des opérateurs économiques obligés de se plier à des lois provinciales anticonstitutionnelles et dont l’iniquité est un fardeau pour la concorde au niveau de la province.

Monsieur le Président de la Cour Constitutionnelle,
Honorables, Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais formuler un vœu et partager une conviction.
Le vœu, celui de voir ce Recueil National des Édits provinciaux être utilisé comme boussole entre les mains des autorités politiques provinciales qui ont la lourde charge de doter nos Provinces des textes législatifs les mieux appropriés et les plus conformes, les plus légaux, en vue de booster le développement de nos Entités provinciales.
La conviction, celle que cette première expérience de production législative coulée dans nos deux documents - le Recueil et le Rapport - va, dans le cadre de nos vingt-six provinces, servir à corriger les imperfections, créer l’émulation dans l’initiative législative, améliorer la qualité de celle-ci. Dans le cadre de la bonne gouvernance institutionnelle, le Ministère des Relations avec le Parlement, en exécution de ses attributions régaliennes, en l’espèce, celles qui consistent à veiller à la légalité de la loi provinciale, entend pérenniser cette activité de recueil et d’examen des Édits afin de prévenir abus et excès de pouvoir. Les balises de la production législative future des vingt-six Provinces étant ainsi posées, au regard du travail de nos onze anciennes Assemblées provinciales.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie.
Prof. Tryphon KIN-KIEY MULUMBA.


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Tryphon Kin Kiey Mulumba