Tshibala piteux état
  • mer, 14/03/2018 - 05:53

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Un tweet d’un Congolais de la diaspora basé à Londres: «D’avoir passé 35 ans dans l’opposition ne vous confère aucune compétence». Ce tweet, en moins de quelques minutes, a été liké 400 fois! Depuis, il caracole les 500 likes... Les likes viennent des partisans de l’opposition approuvant une prise de position courageuse mais aussi du camp de la majorité présidentielle. Pour une rare fois ces derniers mois, opposition et majorité se retrouvent dans un débat. Ce mercredi 7 mars 2018, au réveil, @kkmtry poste le texte qui suit: «La clarté et la pertinence du tweet ci-dessous de @MichaelTshi dont les prises de position publiques étaient à ce jour proches de l’opposition radicale du Rassop m’interpellent hautement en tant que Congolais. Tout est possible pour réconcilier le Congo. #StockDeCompétence». L’affaire commence la veille 6 mars lorsque peu après 22h00’, @kkmtry depuis son compte Tweeter diffuse ce texte qu’il veut des plus officiels puisqu’il le met en quotation: «Le Président Joseph Kabila Kabange a ordonné l’arrestation immédiate de tous ceux qui ont scandalisé la République par des bagarres à la Primature» (officiel). Peu après, la twitosphère s’enflamme. Opposants et Majorité présidentielle approuvent, retweetent, commentent. Sentant que tout en approuvant la décision attendue, d’aucuns s’interloquent sur la légitimité de cette décision - question de savoir si l’intervention présidentielle saluée relève du domaine présidentiel - @kkmtry rapplique: «Sans être juriste ou constitutionnaliste de haut vol, j’évoque l’art 69 de la Constitution de la République: «le Président de la République (...) assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des Institutions ainsi que la continuité de l’Etat». Il clôt le débat.
T. MATOTU.

Comment Michael Tshibangu, ce pro-Katumbi radicalisé a eu le courage de ce tweet qui met Bruno Tshibala Nzhenze en bien piteux état, vide de toute légitimité l’un des hommes les plus proches du défunt opposant historique Étienne Tshisekedi wa Mulumba adulé, accélère et assoie son éviction de la Primature?
D’abord une révocation d’un conseiller. Le départ de ce collaborateur du cabinet du Premier ministre «le plus légitime de l’opposition» sonna comme une alerte.
L’homme protestait contre le calvaire imposé à certains collaborateurs à la Primature: salaires et primes versés par le Trésor Public qui n’atteignaient jamais ou atteignaient leurs destinataires défalqués.
Certains recevaient la précieuse enveloppe déduite à la résidence du Premier ministre, des mains de l’épouse.
Puis, un échange épistolaire d’une violence rarissime au sein du plus haut cabinet du Gouvernement dont les réseaux sociaux se régalent et, voilà qu’arrive ce qui devrait arriver: une bagarre à la tombée de la nuit, entre deux hommes encadrée par une femme - la fille du DirCab Michel Nsomue Nsomue qui vante la compétence de sa fille contre la fratrie de son Premier ministre - dans les bureaux de la Primature. Le beau-fils du Premier réclamait un ordre de mission pour l’étranger et des frais de mission, ce que n’acceptait pas le DirCab...
Le beau-fils invoque le beau-père, l’alerte au téléphone. Le Premier ministre intercède pour le beau-fils. Trop tard, le DirCab a vu rouge. Dénonçant la présence de 800 «Conseillers engagés sans son accord et payés à l’humanitaire», il ordonne qu’on jette dehors l’intrus avec fracas.
Scène filmée par un complice du DirCab, livrée peu après sur les réseaux sociaux qui s’en délectent comme jamais. CongoBashing fait son œuvre certes mais si jamais, à ce jour, les médias sociaux n’avaient en l’espèce manqué de quoi se mettre sous la dent, jamais, à ce jour, ces médias alternatifs n’avaient été aussi copieusement servis par le pouvoir lui-même, et avec quelle naïveté!
En clair, jamais un politique n’avait à ce jour autant offert aux médias aussi généreusement et lui-même le fusil pour l’abattre?

ECROULE.
Dans la semaine, déjà, des images avaient alimenté la toile montrant un énorme immeuble écroulé sur trois étages. Il appartiendrait au Premier ministre Bruno Tshibala. Construit nuits et jours en trois mois. Pressés par le temps, les architectes n’auraient oublié les plus élémentaires précautions.
Mais la question sous-entendue est sur toutes les lèvres: voici un homme qui, il y a peu, accumulait des arriérés de loyers mais qui, aussitôt nommé Premier ministre, explose en millions de dollars étalés dans la rue, distribués aux femmes et enfants subitement métamorphosés de la peau et de la démarche et jouent les Kardashian! Si cela pouvait constituer une prime au travail rendu à la République, Tshibala Nzhenze jouirait des circonstances atténuantes.
Or, si le deuxième Premier ministre de l’opposition peut envoyer tout son gouvernement en mission à l’étranger et le plus souvent trois ou quatre ministres dans une même délégation oubliant que le Gouvernement s’exprime par une seule et même voix, l’homme se rend à son cabinet de travail plusieurs fois par jour, le temps de valider une multitude de missions créées par ses collaborateurs sans disposer guère d’une minute pour lire un dossier et émettre un avis.

IL BAT BADI.
Si son prédécesseur Samy Badibanga Ntita passait deux heures à son bureau, le temps de s’envoyer quelques flûtes de Champagne Laurent-Perrier avant de s’en aller dans son nouvel et vaste appartement CTC surplombant le fleuve, acquis à prix d’or, lui, fait mieux: il passe ses journées sur la banquette arrière de son énorme 4x4 de couleur noire, vitres baissées, distribuant des dollars aux passants quand il s’arrête à l’un de ses multiples chantiers parsemés à travers la ville. Le 25 février, jour d’une des manifs du CLC, le Comité des laïcs catholiques, le Premier ministre se vautre dans l’hinterland kinois avec une suite d’une trentaine de personnes dont d’imposants gardes de corps armés.
Dans une totale insouciance, l’homme mange, boit, danse à la musique d’un orchestre dont le rossignol décline ses exploits, quand le pays s’enfonce chaque jour un peu plus au fond du gouffre à l’appel des laïcs catholiques instrumentalisés.
On est surpris qu’un tel jour, le Premier ministre de la République n’ait pas convoqué une réunion de crise avec tous les services de l’Etat en vue d’évaluer l’état du pays.
Ce Tshibala est Chef du Gouvernement et la Constitution de la République lui confère d’énormes pouvoirs.
«Le Gouvernement (...) est dirigé par le Premier ministre, chef du Gouvernement (art. 90) ... (qui) conduit la politique de la Nation. La défense, la sécurité et les affaires étrangères sont des domaines de collaboration entre le Président de la République et le Gouvernement (qui) dispose de l’administration publique, des Forces armées, de la Police nationale et des services de sécurité. Le Gouvernement est responsable devant l’Assemblée nationale...» (art. 91).
Mais Tshibala comme son prédécesseur fait face à un problème. Aucun d’eux n’avait jamais auparavant occupé le moindre poste dans un service de l’Etat. Pourtant, l’impossible n’existe pas.
Ils auraient dû s’y mettre et apprendre le job. Ni l’un, ni l’autre n’ont disposé d’une minute pour les affaires de l’Etat.
Contraint par les accords politiques - ceux de la Cité de l’UA et ceux du Centre inter-diocésain dits aussi de la Saint-Sylvestre - le Président de la République en est à son deuxième opposant à l’Hôtel du Conseil.

MARGE DE MANŒUVRE.
Regrette-t-il, comme tous les Congolais, cette passe à laquelle il ne peut rien? Le constituant, dans sa sagesse, lui a néanmoins laissé une bonne marge de manœuvre. C’est cet article 69. Aux termes duquel, «le Président de la République (...) assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des Institutions ainsi que la continuité de l’Etat».
En clair, il est le garant du bon fonctionnement des Institutions de l’Etat.
Véritable bombe atomique, cette disposition lui donne le pouvoir d’arrêter, par tous les moyens qu’il juge utiles, le déclin de l’Etat.
Ce 5 avril 2017, il y fait grandement recours quand il annonce contre toute attente, lors d’un discours devant les deux Chambres parlementaires réunies en Congrès, le renvoi du Premier ministre Badibanga.
«Tenant compte du fait que le pays ne doit plus être l’otage d’intérêts personnels et de lutte de positionnement des acteurs politiques, le Premier ministre sera impérativement nommé dans les 48 heures», tranche-t-il sous de retentissantes pétarades.
Il appartenait au Rassop de lui présenter une liste de trois noms de laquelle il tirerait le nouveau Premier ministre. Ne l’ayant pas fait, voici comment l’ancien locataire du CPRK, la prison centrale de Kinshasa, passa de son étroite cellule de prisonnier de Makala à ce qui est le plus historique lieu de l’Etat congolais, l’Hôtel du Gouvernement où siégea Patrice-Emery Lumumba, restauré comme jamais par le Premier ministre Augustin Matata Ponyo, après des années de dégradation extrême.
Où, confie un habitué des lieux, il ne fut pas rare, en plein jour, d’apercevoir dans le jardin de plantureuses mamans parlant Kikongo préparer une bonne pâte de manioc.
En l’espèce, la plus croustillante anecdote reste celle de la représentante résidente d’un organisme financier international qui ne se rendait jamais en ces lieux sans avoir pris au préalable des précautions: y rester le moins longtemps possible, ne pas être tenté par ses lieux d’aisance afin de ne pas découvrir des eaux verdâtres qui dégoulinent de toutes parts...
Après cet intermède, Matata fit remettre tout à niveau à prix d’or. Une fois par semaine, le Premier ministre se plaisait d’y recevoir des groupes d’écoliers afin qu’ils voient que «du bien, du beau, du bon»... au Congo. Il y reçut ses prédécesseurs Premier ministre en vie et présents à Kinshasa afin qu’ils redécouvrent ces lieux où des odeurs nauséabondes avait fait place à la chlorophylle.
De même que ce Jardin des Premiers ainsi que la Place des évolués toute proche. Depuis, on est revenu des années en arrière, au capharnaüm. La bagarre du 5 mars a emporté des pots de fleurs auxquels Matata tenait tant. Et que le public admirait.
D. DADEI.


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