- lun, 17/09/2012 - 13:18
Citoyen français, l’aventurier baroudeur a été conduit sous bonne garde vers un avion en direction de Paris. Au centre d’un imbroglio diplomatique, le pestiféré sème ses compatriotes et s’échappe au nez et à la barbe de ses poursuivants qui le réclamaient
LE SOFT INTERNATIONAL N° 1189 DATE LUNDI 17 SEPTEMBRE 2012
Nul doute si Roger Lumbala Tshitenge n’était pas un sujet français, les services burundais n’auraient pas accepté de le laisser partir à bord d’un avion à destination de Paris et l’Hexagone ne l’aurait pas accepté. Celui qui est désormais un ex-Député est arrivé à l’aéroport international de Bujumbura samedi 15 septembre à 11 heures locales, 10 heures à Kinshasa, accompagné d’une flopée de diplomates de l’ambassade sud-africaine au Burundi las de cette présence encombrante, et d’un haut fonctionnaire du bureau du Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à Bujumbura. Puis il est monté dans un avion de Kenya Airways qui a fait escale à Nairobi, avant d’être transvasé à bord d’un autre avion, direction Paris, où il est arrivé dimanche 16 septembre...
Dans la soirée, sur Radio Okapi, il a nié être du M23. «Je ne suis pas en contact avec les amis du M23» expliquant que «Roger Lumbala est libre d’aller partout, où il veut en tant que citoyen du monde. Mais, cela ne veut pas dire que je suis allé à Kigali».
On peut imaginer que Lumbala disposait au moins d’un titre de séjour français de longue durée, 5 ou 10 ans renouvelable, qui lui permettait de vivre en France comme réfugié politique.
Mais selon des services d’immigration, face à l’imbroglio de la situation dans laquelle le Député s’était trouvé, s’il disposait du statut d’étranger, les services d’immigration français n’auraient pas donné leur quitus à ce que le Député parte vers la France. Sauf intervention du HCR qui aurait pu faire valoir son statut de réfugié politique et certainement lui a remis un... sauf-conduit.
UN STATUT DESORMAIS PEU ENVIABLE.
On sait que le Député ne disposait plus d’aucun document de transport. Selon diverses sources, son passeport diplomatique (propriété de l’Etat r-dcongolais et devant être retourné au Ministère des Affaires étrangères à chaque voyage officiel) a été confisqué par les douaniers burundais et remis à la chancellerie des Affaires étrangères à Kinshasa.
C’est donc clair, l’élu RCD-N de Miabi a dû activer parents et amis à Paris pour obtenir un titre de transport français qui a facilité son départ vers Paris...
Se trouvant à Bujumbura au sein de l’ambassade sud-africaine, suspecté d’avoir fait des va-et-vient entre Bujumbura et Kigali, soupçonné d’être de connivence avec l’ennemi - le mouvement rebelle M23 - et donc de haute trahison, on peut imaginer le rôle joué par divers pays dans la conclusion de cet imbroglio diplomatique. Réclamé par Kinshasa, Kigali n’aurait pas beaucoup apprécié l’hypothèse de son extradition vers son pays où, pris dans la nasse de la justice, poussé à s’expliquer, il aurait craqué facilement et craché des vérités sur le but exact de sa présence à Bujumbura et Kigali et sur le M23.
En même temps, Kigali ne pouvant donner un droit d’asile à cet homme encombrant, préférant négocier son éloignement dans un pays tiers, loin de ses compatriotes poursuivants...
Il reste que si la R-dC n’a pu faire diligence pour délivrer les documents qui auraient pu faciliter l’extradition du Député vers Kinshasa, le pays peut faire jouer tous les instruments internationaux en engageant une action en direction de la France...
Reste que la situation personnelle de celui qui est quasi désormais un traître à la Patrie est peu enviable.
MARTYRISE COMME RAREMENT PAR KAZINI.
Les terribles «Bana Congo» verraient bien mal la présence en France de ce «Citoyen français» d’un autre genre et en faire une proie facile. Il reste au pestiféré à raser les murs ou, mieux, à se terrer pour ou moins une plus ou moins longue durée. En attendant que l’air devienne respirable..
Ceux qui le connaissent savent que cet homme politique hautement incohérent, l’un des multiples porte-parole de l’UDPS en France dans les années 1990, qui s’éloigna de Tshisekedi avant de l’approcher pour s’en éloigner davantage (cas de la candidature au bureau de la CENI, la Commission électorale nationale indépendante, du fils aîné de Tshisekedi, offerte puis rejetée), qui se fit nommer général dans l’ex-rébellion du MLC avant de créer son propre mouvement le RCD-N (qui deviendra Rassemblement des Congolais Démocrates et Nationalistes, parmi au moins trois autres, RCD-Goma, RCD-KML) est aussi un vrai baroudeur.
Ayant quitté la rébellion du RCD-Goma dont il fut l’un des «ministres» en charge de la mobilisation et de la propagande pour rejoindre l’aile de Kisangani animée par Ernest Wamba dia Wamba et Mbusa Nyamwisi, il rejoint, de sa propre initiative à Bafwasende, en province Orientale, feu général major James Kazini (1957-2009) alors chef d’état-major de l’armée ougandaise UPDF, Uganda People’s Defense Force. Celui-ci le prenant pour un espion, lui fit infliger un traitement de cheval, le fit rouer de coups plusieurs fois par jour et séjourner dans un trou en pleine jungle congolaise...
Après ce martyre, Kazini offra à Lumbala de quitter les lieux et de rejoindre sa famille en Europe. Le R-dCongolais choisit de rester auprès de son tortionnaire. Surpris par cette bravoure peu «congolaise» pour un «BMW (Beer, Music, Wife) comme les Ougandais qualifient les «Congomani», Kazini le récompensa et lui offrant un «lopin de terre»: c’est ainsi que naquit le RCD-N qui prit ses quartiers dans l’une des mines de diamants de Bafwasende.
Né le 13 avril 1958, à Mweka, Kasaï-Occidental, marié et père de cinq enfants, l’homme blanchi sous le harnais de l’exil où il a survécu grâce à des petits métiers, est devenu ministre du Commerce extérieur après le dialogue inter-congolais dans le fameux gouvernement de transition 1+4 avant d’en être limogé en janvier 2005 à l’issue d’un scandale de gestion. Il y fit nommer néanmoins sa propre épouse dont il devint DirCab. Ainsi fonctionnait le 1=4...
En 2006, il se présenta comme candidat à l’élection présidentielle de juillet 2006, ne réussit à collecter qu’un peu plus de 0% mais se fit élire à la fois Député de la circonscription de Miabi et Sénateur à la même législature avant d’opter pour la Chambre basse laissant sa suppléante d’épouse siéger au Sénat.
A la Chambre basse, on lui connut pour compagnons de route les Députés MPCR Jean-Claude Vuemba et Lisanga Bonganga avec qui il avait créé sous la dernière législature le groupe parlementaire de l’opposition Ordre des Démocrates Républicains, ODR. En 2007 il présida la commission parlementaire Kahemba sur le différend frontalier entre la R-dC et l’Angola et en 2008 devint président de la commission parlementaire des députés séquestrés par des ressortissants libanais.
T. MATOTU
LEGENDE :
L’ex-Député baroudeur élu de Miabi, a débouché dimanche matin à Paris. DRESERVES.