Le retour de la patrouille financière de l’IGF dans la gestion publique
  • jeu, 08/05/2025 - 13:29

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1635 | LUNDI 5 MAI 2025.

S’il s’agit d’un domaine stratégique national, la capacité de partager la connaissance - en clair de communiquer - s’en trouve décuplée.

Dans un contexte de liberté voire de chaos de la liberté qui hante le monde aujourd’hui, qui veut pourfendre quelqu’un le fait avec loisir. Qui a les mains propres n’a pas les mains. Sauf que sur l’IGF, l’Histoire est calée : jamais à ce jour ce service n’avait connu un marqueur de ce type.

DES SIGNES QUI EN DISENT LONG.

Cet Inspecteur Général des Finances-Chef de service passera dans l’Histoire comme l’homme qui a su doter sur fonds propres un service de l'État d’un immeuble qui inspire respect. Ce qui rappelle un homme : Gilbert Tshiongo Tshibinkubula wa Tumba. Il n’existe pas un individu qui longe le 30-Juin sans que sa vue ne s'arrête sur ce gigantesque bâtiment, là où l’avenue des Huileries disparaît dans ce boulevard, là où Tshiongo commença sa vie comme petit employé à la Régideso avant d’atteindre le toit de l'entreprise nationale de référence comme Président-Directeur Général pour glisser sa marque indélébile et aller ensuite ailleurs : Gouverneur de province, ministre de l’Énergie, député national.

Certes, nul ne peut prédire de quoi demain sera fait. Il n’empêche ! Jules Alingete Key s'écrit aujourd'hui comme l’une des figures les plus emblématiques que l'IGF aura connues. Cet immeuble à huit étages surplombe un quartier et une avenue des Forces Armées (ex-Haut Commandement) qui n’en connaissent à ce jour pas un autre.

La communication ? Alingete la maîtrise. On n’allume pas sa télé et tomber sur la chaîne nationale par exemple sans voir une dizaine de fois une scène de théâtre de chez nous : un ministre ordonne à un D-G d’une entreprise publique sous sa tutelle ; il l'instruit d’activer l’achat avec des fonds publics d’un immeuble surfacturé, et pour cause ? Si l’immeuble se négocierait à la haute de 8 millions de $US, le ministre a son prix : 28 millions ! Si le D-G, parent par alliance du ministre, n'en croit pas ses oreilles, il fait semblant d’écouter jusqu'à la fin l'histoire troublante de son ministre de beau-frère sans le suivre cependant. Quand il l’apprend, le ministre tremble de colère. Que dire ? Belle leçon d’éducation publique.  

Autre leçon que partage Alingete avec ses compatriotes : elle est visible sur le profil de ses comptes Whatsapp. On y voit le patron de l’IGF tenant d’une main décidée une énorme loupe, les yeux grands ouverts, le regard perçant, avançant le pas assuré à la recherche de « délinquants financiers en débandade », prêt à l’affrontement. Image forte : « Délinquants financiers, où que vous soyez, vous n'êtes pas à l'abri de ma Patrouille. Vous êtes à la merci de la loi du pays ».

 

EXIGENCE DU CONTRAT TRUMP.

Il reste que jamais Alingete n’aurait été aussi loin sans le contreseing du Président de la République. Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo qui n’a jamais arrêté de citer en exemple cet IGF-CS. À chacune de ses prises de parole, comme devant les deux chambres parlementaires réunies en congrès quand il s'agit d'une question de gestion des finances publiques, Chef de l’État prend l'IGF comme référence.

Le 8 octobre 2024, à l’inauguration de l'immeuble de l'avenue des Forces Armées, quand le débat sur les enquêtes de l'IGF, dans des médias stipendiés et sur une Toile avec des influenceurs en dérive, n’avait jamais été aussi haut porté, le Président de la République a le regard ailleurs. Il s’y est rendu, accompagné des chefs des Institutions du pays, y a passé 4 heures, y a partagé un repas. Signes qui en disent long.

Alors que la Patrouille financière de l'IGF, sans que l'on ne sache pourquoi, avait été un moment priée de faire ses bagages et de dégager des services et des établissements de l'État, des entreprises publiques, des chaînes de la dépense publique, des régies financières, de la gestion des provinces, etc., mettant vent debout des ONG du secteur dont l'ODEP, l'Observatoire de la Dépense Publique, partenaire de l'IGF, qui, dans la foulée, annonçait la rupture de son partenariat avant de se relancer en appelant, le 9 janvier 2025, le Chef de l'État à rétablir la patrouille financière, voici la Patrouille financière qui fait son grand retour.

Est-ce en lien avec le deal Trump ? L'amélioration de la gouvernance financière, la lutte contre la corruption qui gangrène les Institutions congolaises, la fin de l'impunité, etc., sont au cœur du contrat minerais stratégiques du Congo contre sécurité américaine à ce jour estimé à 500 milliards de $US sur quinze ans.

Pour que Donald Trump donne le go aux sociétés américaines de s’essayer au Congo, le pays doit au préalable redresser sa gouvernance financière. Des personnalités politiques fichées à Washington à la suite de nombre de scandales sont désormais indésirables aux fonctions de l’État. Nettoyage des écuries d'Augias réclamé par Washington pour la sérénité de l'accord Trump.

De là l'instruction du Président de la République donnée à son bureau conduit par son Directeur de cabinet Anthony Nkinzo Kamole au grand complet, de convoquer sans délai une réunion avec les mandataires publics, les Présidents des Conseils d'Administration des Entreprises du Portefeuille de l'État et des Établissements publics, les Directeurs Généraux et les Directeurs Généraux Adjoints de ces structures de l'État, soit une soixantaine, l'Administrateur Secrétaire Exécutif de l'ANEP, l'Association Nationale des Établissements Publics et Entreprises du Portefeuille. Une réunion tenue mardi 4 mars 2025 en fin de matinée dans un cadre somptueux qui fut tout un message : la salle de Congrès du Palais de la Nation, siège de la Présidence de la République. Étaient aussi présents le Directeur Général de la DGDA (douanes et accises), le Directeur Général de la DGI (impôts), le Directeur Général de la DGRAD (Recettes Administratives, Judiciaires, Domaniales et de Participations) et - c'est loin d'être un hasard -  l'Inspecteur Général des Finances-Chef de Service, Jules Alingete Key. Présence de relégitimation ? Le très craint patron de l'IGF fut au cœur, mieux, le sujet de la réunion. Et la place qu'il occupa ne fut pas aux côtés des mandataires mais face aux mandataires. Tout dans la forme...  

 

RETOUR DE LA PATROUILLE DE l'IGF.

À l'issue du Conseil des Ministres présidé le 28 février 2025 par le Président de la République, les observateurs notèrent un passage de sa communication portant sur les Entreprises du Portefeuille de l'État particulièrement sur « la nécessité de préserver les intérêts de l’État ».

Aux dires du porte-parole du Gouvernement, Patrick Muyaya Katembwe, lors de ce Conseil des ministres, « le Président de la République était revenu sur une récente réunion tenue avec les membres de l’Union Sacrée de la Nation samedi 22 février 2025 et au cours de laquelle, il avait annoncé un remaniement, en envisageant un Gouvernement d’union nationale et une restructuration de la direction de l’Union Sacrée de la Nation ». Il avait chargé son Conseiller Spécial en matière de Sécurité « d’entamer les consultations nécessaires avec la classe politique, la société civile et les autres forces vives afin de dégager un large consensus pour y parvenir ».

Muyaya avait précisé, citant le Chef de l'État, « que cette annonce ne signifie pas la démission formelle du Gouvernement actuel. Les institutions doivent continuer de fonctionner normalement (...). Dans cette période charnière, le Président de la République a appelé l’ensemble de membres du Gouvernement à faire preuve de responsabilité. Il leur a strictement interdit d’engager des actions allant à l’encontre des intérêts de la République, notamment la cession, le transfert ou l’aliénation des actifs de l’État ; la signature précipitée d’arrêtés en cascade ; l'engagement, la liquidation et le paiement inopiné de dépenses publiques ; le recrutement, la nomination ou la promotion désordonnée de personnel dans les entreprises du Portefeuille, les établissements publics et autres structures étatiques. Ces pratiques risqueraient de fragiliser notre administration et de compromettre la stabilité de l’État ».

Puis : « Le Président de la République a engagé la Première ministre ainsi que son Directeur de Cabinet à prendre des dispositions qui s’imposent pour que chaque membre du Gouvernement continue à exercer ses fonctions avec rigueur et responsabilité, dans la stricte observance des Lois et Règlements pour assurer la bonne marche des services publics et garantir les intérêts de l’État ».

Il faut rappeler que l'IGF est un service non de la Présidence de la République mais du Président de la République.

Lors de la réunion de la salle de Congrès du Palais de la Nation, le sujet était de « sensibiliser les parties prenantes sur la nécessité de renforcer la mobilisation des recettes, la bonne gouvernance financière et d'assurer un meilleur suivi des politiques publiques en matière de gestion des finances publiques dans les Provinces et dans les Entités Territoriales Décentralisées ainsi que dans les Entreprises du Portefeuille et les Établissements publics », selon la correspondance du Directeur de Cabinet du Chef de l'État adressée aux mandataires publics.

En prenant parole, l'Inspecteur Général des Finances-Chef de Service Jules Alingete Key avait indiqué d'entrée de jeu les cinq secteurs d'activités qui intéressent «le programme de contrôle a priori de l'IGF en 2025» qui vont de la mobilisation des recettes fiscales et douanières à la chaîne de la dépense en passant par la lutte contre le blanchiment d'argent, les avantages des mandataires publics, l'acquisition, la vente immobilière, les marchés publics, le paiement des fournisseurs et prestations, les soins médicaux, les missions à l’extérieur, les taux des frais des missions, les soins médicaux à l’extérieur, l'audit du personnel, le recrutement, etc.

Il faut rappeler que cette patrouille financière avait été suspendue peu avant les scrutins du 20 décembre 2023 et il semble que beaucoup de mandataires publics dont certains étaient candidats à ces élections en avaient profité pour s'en mettre plein les poches.

À la rencontre du 4 mars 2025, les mandataires publics se furent rappelés, par le Directeur de cabinet du Chef de l'État Anthony Nkinzo Kamole et par l'un de ses adjoints, André Lolo Wameso des principes de gestion : « les Conseils d'Administration participent à la vie des Entreprises ; ils participent à cette nouvelle vie des Entreprises publiques»; «l'IGF ne saurait être un «point bloquant» pour une entreprise publique qui respecte les règles de bonne gestion ; une entreprise publique bien gérée n'aura à terme nul besoin de l'IGF»; « les Conseils d'Administration et les Directions Générales doivent travailler en harmonie, dès lors que le Directeur Général est d'abord membre du Conseil d'Administration ; une faute commise par un membre du Conseil d'Administration aura des implications sur tous les autres ; en clair, cette faute emporterait tout le Conseil d'Administration»; « il faut plus que jamais respecter les règles de gestion de l'Entreprise » ; « il faut faire montre de beaucoup plus de professionnalisme, de beaucoup plus de responsabilité ; il faut faire son travail en respectant les règles techniques de procédure en ne réfléchissant qu’à ça car l'Histoire est sévère; elle nous rattrape tous un jour»; « des conflits entre les Conseils d'Administration et la Direction Générale agacent le Président de la République » ; «il faut promouvoir la compatibilité des membres, rechercher la compatibilité avant les nominations » ; « s'il y a intrusion de la tutelle («intrusion malveillante»), le dossier est appelé à remonter jusqu'au Cabinet du Président de la République dont c'est le rôle aussi».

Depuis ce 4 mars, le go head acquis, la patrouille financière est sur les traces des «délinquants financiers en débandade » avec les premières prises. Telle cette détection d'un total de 11.717 opérateurs économiques « sans adresse connue », «sans activité déclarée » pourtant très actives sur le plan économique, interpellant quant à leur conformité fiscale. Déjà, le ministère des Finances a fixé une échéance ferme - le 5 mai - en vue de la régularisation des dossiers fiscaux de ces opérateurs. À l'IGF, le travail a repris plus que jamais.


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