La police judiciaire des parquets fait une rafle des directeurs au sein des régies financières
  • mar, 11/08/2020 - 16:19

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1494|LUNDI 10 AOUT 2020.

Une vraie terreur? Une rafle? Dans les régies financières du pays, services du ministère des Finances, DGI et DGDA, deux grands directeurs - l’un, Dieudonné Lokadi Moga, originaire de l’ex-province Orientale - a été des années durant, au moins un peu plus de quatre ans, sous le Premier ministre Augustin Matata Ponyon Mapon dont il fut condisciple, Directeur Général de la Direction Générale des Impôts, l’autre, Symphorien Kasindi Yimba, issu du Grand Kivu, fut PCA de la Direction Générale des Douanes et Accises au sortir du Dialogue inter-congolais de Sun City - se sont vus ouvrir un dossier, à la police judiciaire des parquets, soupçonnés de corruption de fonctionnaire. Dénoncés?

MINORATIONS DES
PROFITS ET CORRUPTION DE FONCTIONNAIRE.

Invité par courrier déposé à son bureau à la DGI, le premier a eu plus de chance. Expert apprécié par ses formateurs, il a passé trois nuits dans un nauséabond cachot du parquet de la police judiciaire, dans une aile du vaste complexe du Palais de Justice qui abrite aussi le ministère de la Justice.

Professeur d’Université où il dispense des enseignements des douanes et accises, le second y était encore dimanche 9 août après quatre jours de détention et, après avoir été présenté la veille à un magistrat, il ignorait son sort. Va-t-il être «mapé» (mandat de dépôt ou de détention provisoire au CPRK, le Centre pénitentiaire et de Rééducation de Kinshasa, la prison centrale de Makala) ou sera-t-il libéré comme le réclament ses avocats?
Plusieurs jours après que ces arrestations eurent fuité sur les réseaux sociaux, la Police judiciaire des Parquets a montré ses crocs en diffusant un communiqué de presse parvenu sur les réseaux sociaux.

«La Police Judiciaire des Parquets a documenté plusieurs faits infractionnels et constitué cinq équipes d’Inspecteurs Judiciaires qui sont à pied-d’œuvre depuis trois semaines. Il se trouve que parmi les dossiers phares, il y a des cas où certaines entreprises et sociétés minières, pétrolières et de commerce général ont, d’une part, minoré leurs productions pour amenuiser leurs Impôts sur les bénéfices, et d’autre part, ont déclaré des pertes pour ne pas payer conséquemment les Impôts par rapport aux bénéfices et profits réalisés, alors que les investigations menées par les Inspecteurs Judiciaires, sur le plan international, étant entendu que celles-ci font partie des consortiums, démontrent qu’elles ont réalisé des gros bénéfices. Curieusement, les enquêtes ont permis de découvrir que parmi les administrateurs et auditeurs internes de ces entreprises et sociétés, il y a des personnalités politiques congolaises qui occupent actuellement des très hautes fonctions dans les Institutions du pays et qui ont même touché des dividendes pour les exercices déclarés sans profits.

En outre, la Police Judiciaire des Parquets a cerné certains procédés mis en place par les importateurs, exportateurs, commissionnaires en douane et contribuables avec la complicité des agents et cadres des régies financières, aux fins de priver l’Etat de ses ressources. La Police Judiciaire des Parquets travaille sereinement pour débusquer tous ces mécréants».
Communiqué daté 7 août 2020, signé Albert Kibwe Kasau, Directeur administratif et services généraux relevant du service de presse de la police judiciaire des parquets.

Problème : nombre d’officiels dans la Capitale ne comprennent pas ces descentes musclées par un service qui «a cessé d’exister» alors qu’au même moment, l’IGF, Inspection Générale des Finances sous tutelle du Président de la République dévale salles des réunions et bureaux de l’Etat afin de trouver de quoi se mettre sous la dent, prendre et coffrer du fonctionnaire indélicat. D’autres, tout en reconnaissant l’existence de dérapages au sein de grands services de l’Etat, assurent que cette matière relève de la compétence de la Cour des comptes, le législateur, dans le souci de préserver le prestige de la fonction et de permettre aux hauts fonctionnaires d’assumer la continuité de l’Etat, a disposé d’autres forces de répression et de contrôle.

CAMPAGNE DE DELATION A LA VEILLE DES NOMINATIONS.
Si la police judiciaire des parquets reproche à Dieudonné Lokadi redevenu directeur à la DGI, d’avoir fait payer en 2015, au titre d’impôt sur le bénéfice, un contribuable du secteur minier Mutanda Mining, une somme de 100 millions de $US libérée en deux tranches par deux banques, une locale et une étrangère, l’ex-DG explique qu’il s’agit d’une pratique courante instruite par le ministre des Finances de l’époque Henri Yav Mulang et demande de savoir si ce paiement retracé au Compte général du Trésor par un avis de crédit de la Banque Centrale du Congo, a fini par atterrir dans ses poches pour qu’il ait pu être détenu comme un vulgaire individu.

«En 2015, l’Etat congolais faisait face à d’importants besoins financiers en vue des dépenses de souveraineté dont les préparatifs des élections et du recensement général. Des négociations ont eu lieu pour des paiements anticipatifs et cette opération s’est déroulée normalement. Sur instruction du Gouvernement, le paiement est effectué en US$ exceptionnellement. Il existe des traces indélébiles de ce paiement à la Banque centrale qui avait émis un avis de crédit. Il restait à clôturer l’opération et que la BCC puisse comptabiliser la contrevaleur et enregistrer dans le compte du trésor de la DGI», explique un proche du dossier.

Quant à Kasindi Yimba en charge désormais de Trésorerie, ses avocats reconnaissent que ce haut fonctionnaire de l’Etat a en charge de signer des lettres de procédure adressées aux inspecteurs des douanes, dans le cadre des paiements échelonnés ou de compensation en exécution d’une instruction écrite du Directeur général - en l’espèce, feu Déo Ruguiza Magera - agissant sur ordre du ministre de tutelle. «Un fonctionnaire peut-il désobéir à une instruction prévue par le code des douanes venant de sa hiérarchie dans le cadre des facilités légales?», s’interroge un observateur.

Dans les régies financières qui comptent des fonctionnaires et agents menant un grand train de vie, disposant d’immenses propriétés immobilières dont des établissements hôteliers dont on peut soupçonner l’origine délictueuse, de très forts soupçons font état d’une campagne de délation à la veille des nominations attendues dans le cadre d’un partage FCC-CACH alors que le nom de Symphorien Kasindi Yimba aurait figuré sur la short list de nominés à la tête de la DGDA.
D. DADEI.


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