- lun, 26/09/2022 - 16:04
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1561|LUNDI 26 SEPTEMBRE 2022.
Espace qui plongea tôt dans la rébellion et dans l'horreur absolue au lendemain des troubles survenus à Léopoldville après l'assassinat en janvier 1961 du premier ministre Lumumba suivi de la désertion et de l'incarcération à la prison de Bula Mbemba du vice-premier ministre Gizenga, le Bandundu a été longtemps préservé des tensions politiques récurrentes de la Capitale.
Grâce à l'esprit de cohabitation entre ses ethnies, grâce à son élite politique soucieuse de paix.
DÉMÊLER LE VRAI DU FAUX.
Lors de «la jeunesse muleliste», la rébellion Simba, qui fit fureur de 1961 à 1964 dans les territoires de Gungu et d’Idiofa à l'Est de la province, sur la route nationale n°1, des contrées du Kwilu aidèrent à sauvegarder la paix dans la capitale et à sauver le régime d’une chute programmée. Elles érigèrent des barrières infranchissables à leurs frontières.
Cette paix est-elle en train de s'écrouler avec la tragédie qui se déroule à Kwamouth, à une centaine de kilomètres de Kinshasa, dans le Maï-Ndombe qui oppose, depuis août, les communautés Teke et Yaka et qui, depuis peu, migrerait vers le Kwilu, dans les territoires de Masimanimba, Bagata et Bulungu, opposant, cette fois, les peuples frères Mbala et les Yansi ?
Dans le Maï-Ndombe, où plusieurs établissements ont arrêté de fonctionner, depuis New York où il séjournait dans le cadre de la 77ème session ordinaire de l'Assemblée générale des Nation Unies, le président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, dans une interview à deux médias français, France 24 et Rfi, diffusée les 23 et 24 septembre, a dénoncé «une main noire», «des forces obscures» qui, par ces violences, «ne veulent pas des élections».
«Des personnes ne parlant aucune langue du pays ont été arrêtées» au... Maï-Ndombe, a également déclaré le Président de la République, évoquant une tentative de coup d'état».
Cette situation tragique qui prévaut dans le Grand Bandundu, «à l'ouest aujourd'hui ressemble presque comme deux gouttes d'eau aux violences qu'on voit à l'Est, il y a une main noir qui veut saboter » les scrutins, a déclaré le Chef de l'État.
Que le président de la République fasse une telle déclaration publique n'est pas à prendre à la légère. C'est signe qu'il dispose des informations des services.
Un récent comptage macabre à Kwamouth fait état des centaines de personnes horriblement tuées ou gravement blessées en effet à l’arme de guerre ou à l'arme blanche. Précisément le même modus operandi des massacres dans les Kivu et dans l'Ituri à la frontière rwandaise et ougandaise.
Des sources ont compté 200 personnes tuées, souvent décapitées et dépecées parmi lesquelles des femmes et des enfants, des chefs coutumiers emblématiques, plus de 20.000 personnes déplacées dont près de 300 enfants et de nombreux villages incendiés.
Parmi les personnes tuées, on compte des militaires «envoyés par le gouvernement provincial pour rétablir l’ordre», déclare un élu, Guy Musomo.
Le chef coutumier Patrice Isiala Ipali dit Depacha fait état de 100 personnes tuées le 13 septembre au village Fadiaka.
La RN17 conduisant à la ville de Bandundu depuis la cité de Mongata, à Batshiamba où des travaux de bitumage avaient été annoncés en août grâce à l’appui de la Banque Africaine de Développement, vivrait, selon divers témoignages, une situation sécuritaire des plus chaotiques avec des têtes de morts le long du chemin.
Sur cette route, des informations non vérifiées parlent d'une vingtaine d'enseignants et enfants tués. Si, entre les peuples des provinces de Maï-Ndombe et du Kwango, le conflit aurait pour prétexte la « redevance coutumière » qu'exigent les Teke originaires et propriétaires des terres aux Yaka, acquéreurs des terres arrivés du Kwango, ce que les Yaka n'auraient pas acceptée - redevance coutumière passée «d'une cinquantaine de mesurettes de maïs à 150 mesurettes et d'un sac de cossette de manioc à cinq sacs» -, qu’est-ce qui explique que la province voisine du Kwilu restée paisible prenne feu à son tour?
En dehors d'une communication officielle, à l'ère des réseaux sociaux qui, trop souvent, recherchent le buzz, des images, des audios, des vidéos souvent manipulés, comment désormais rationnellement se retrouver ?
Quand des postings bien agencés parlent « d'avions A320 (d'une compagnie aérienne...) qui, pendant des mois, auraient déversé dans la capitale des tueurs aux silhouettes élancées facilement reconnaissables (...)», qui «auraient suivi un cycle d'apprentissage en dialectes bantous dans un centre spécialisé ouvert et fonctionnant discrètement (…)», outre «des vaches zébu menées par des bouviers aux apparences innocentes», comment démêler le vrai du faux sans une capacité de communication officielle structurelle ?
LE SPECTRE DE YUMBI.
Comment ne pas y voir en effet une main noire, politique ou financière, mais laquelle et pour quel but ? En l'espèce, où sont (que font) nos services d'intelligence en charge d'anticipation? Que fait la Justice ? Où est l'État ?
Comment ne pas rappeler les événements de Yumbi, dans le même Maï-Ndombe, opposant les Batende et les Banunu où, à la veille des élections présidentielle et législatives, entre 3.00 et 4.000 hommes armés ont attaqué la cité, massacrant au moins 890 personnes entre le 16 et le 18 décembre 2018 et qui firent, selon un rapport documenté des Nations-Unies, 535 morts et 111 blessés et qui attend l'épilogue ?
À l'origine de ce qui fut l'un des plus grands carnages dans l'histoire récente du Congo, les Banunu accusés d'avoir voulu enterrer un de leurs chefs coutumiers sur une terre ancestrale interdite. Des événements tragiques quand, dans un an, le pays va aux élections.
D. DADEI.