- ven, 14/07/2017 - 05:22
L’hivers kinois s’envenime dangereusement.
Y est-il pour quelque chose dans la montée de fièvre politique dans la Capitale en dépit de la fraîcheur exceptionnelle des nuits kinoises en ce mois de juillet? Beaucoup y croient. Tirant profit de son carnet d’adresses, un trio d’opposants frais et émoulus de la Majorité Présidentielle exploite dans les chancelleries, dans les médias, sur les réseaux sociaux une météo politique nationale difficile avec la vague d’évasions de prisonniers, l’annonce des sanctions ciblées de l’Union Européenne et des Etats-Unis d’Amérique, la situation sécuritaire dans le Kasaï, la polémique née après les déclarations du président de la Commission Electorale Nationale Indépendante.
Ni la glace des nuits kinoises d’une saison sèche particulièrement rude pour le mois de juillet, ni les vacances qui mettent sous la couette le débat politique et le renvoient, sauf force majeure, à la rentrée septembre, n’y ont rien fait. Au contraire, le débat politique s’est brutalement ravivé comme jamais et même s’est dangereusement envenimé avec des médias étrangers - radio, télé, agences, sites en ligne - désormais accrochés à l’Afrique comme des sangsues, là où ça consomme tout avec un appétit de glouton et dévore tout avec une avidité juvénile, où le retour sur investissement est fabuleux, quand lectorat et pub se dessèchent sur le Vieux Continent conduisant les médias inexorablement à la fermeture.
TOUT EST A L’EXTIRPATION.
L’Afrique, vous dites? Le Congo essentiellement qui n’a jamais cessé, hier comme aujourd’hui, d’être un sujet qui enflamme chancelleries, médias avec ses scandales vrais ou faux, classe politique friande et à la légendaire et incendiaire incontinence verbale.
«Trop de chaleur, peu de lumière», hélas!, avait noté Melissa Wells, l’ambassadeure américaine.
Car ici, tout est prétexte à l’extirpation.
Le tout dernier à leur en avoir fourni le beau prétexte est le président de la Commission Electorale Nationale Indépendante. Alors qu’il était invité à Paris à prendre la parole à une réunion de haut niveau portant évaluation du processus électoral congolais, Corneille Nangaa Yobeluo rejoint par l’OIF, l’Organisation Internationale de la Francophonie dont la compétence en la matière est universellement reconnue, explique, comme il n’a eu de cesse de le répéter, depuis les deux dialogues, les «contraintes» sécuritaires et législatives auxquelles son institution fait face et qui ne permettent pas de tenir dans cinq mois, avant le 31 décembre 2017, les trois scrutins combinés tel que le prévoit l’accord du 31 décembre 2016.
LA SCENE SE RAIDIT.
Rien qu’un avis technique qui n’engage, dans le débat congolo-congolais, que la Commission Electorale Nationale Indépendante et nul autre et, en aucun cas, ni la classe politique libre de s’exprimer dans sa diversité comme elle le fait, ni, encore moins, le gouvernement dont Nangaa ne fait pas partie et qui doit s’en tenir à l’écart...
L’Accord de la Saint-Sylvestre institue un «glissement». C’est à la suite des réserves de la CENI formulées aussi bien au dialogue de la Cité de l’UA qu’à celui de la CENCO que la classe politique, si elle s’est accordée sur un compromis qui prévoit «l’organisation des élections en une seule séquence présidentielle, législatives nationales et provinciales au plus tard en décembre 2017», a inscrit dans le texte que «le Conseil National de Suivi de l’accord et du processus électoral CNSA, le Gouvernement et la CENI peuvent unanimement apprécier le temps nécessaire pour le parachèvement desdites élections».
«Déclaration de guerre» ici, «faute lourde» et «crime de haute trahison» là, «institution de sape de la démocratie», «incapacité à conduire le processus électoral» sinon «volonté de pérennisation de l’illégitimité des institutions» et, le meilleur, appel à la démission de Nangaa, mise en place d’une «transition sans Kabila».
Puis, pourquoi pas, en langage de diplomate qui en dit assez, «motif supplémentaire de préoccupations». Les déclarations politiques, les unes aussi populistes et cinglantes que les autres n’en finissent de tomber de toute l’opposition et de raidir une scène politique qui a besoin de sérénité mais qui ne l’aura sans doute jamais tant qu’aucune explication démocratique n’aura eu lieu dans le pays.
DROIT VERS LE PRECIPICE.
C’est à croire que l’expert qu’est le président de la Commission Electorale, au titre de premier responsable du pouvoir organisateur électoral congolais, aurait dû la boucler ou endormir ses interlocuteurs à Paris - envoyés spéciaux onusien, unionafricain, unioneuropéen, américain, etc. - dont nul n’ignore le rôle crucial qu’ils jouent dans ce processus.
Dans cet indescriptible désordre, comment entrevoir le nécessaire apaisement quand, sur un autre plan, l’économie nationale se dégrade, que l’on assiste au retour au galop d’une «vie au rythme du taux du jour»?
Mieux, comme l’alerte la Banque Centrale du Congo, alors que les finances publiques piquent du nez au point où l’effroyable hiver n’épargne plus un foyer dans la Capitale avec ses conséquences qu’un trio d’opposants frais et émoulus de la Majorité Présidentielle (José Endundo Bononge, Moïse Katumbi Chapwe, Olivier Kamitatu Etsu) sait exploiter dans les chancelleries, grâce à un impressionnant carnet d’adresses, dans les médias et sur les réseaux sociaux décidés et fiers d’une identité qui rapproche et cimente le groupe. Partant d’un casting en marche, le groupe a recruté son quatrième homme, le précieux marchand d’art Sindika Dokolo, très lié à l’élite au pouvoir à Luanda pour être le beau-fils du président destiné à la retraite Edouardo Dos Santos et l’époux d’Isabel Dos Santos, née en Azerbaïdjan, la fille du Président, la première fortune féminine du Continent...
Dans son dernier rapport économique daté de juin 2017, l’institut d’émission annonce un précipice. D’avril 2017 à mai, le moral des chefs d’entreprise a chuté de 14 points passant de +4% à -9,3% et, côté monnaie, la Banque Centrale du Congo dit s’attendre à une situation imprévisible avec une aggravation des malaises sociaux. Sans que nul ne sache comment l’arrêter, la dégradation du franc se poursuit, le dollar déferle les 1.700 CDF quand il y a peu, il s’échangeait à 950 CDF. Déjà, il a mis le cap sur les 2.000 CDF!
PAS DE POINT DE NON-RETOUR.
Que faire? Les populistes va-t-en-guerre auront toujours un écho dans des centres urbains. Comment ne pas comprendre? Ils auront à enflammer par toute voie qu’autorise la démocratie. Qui saurait les en blâmer.
Mais l’Etat doit retrouver sa parole publique crédible perdue. Il doit expliquer, mobiliser, rechercher toute voie de sortie. Jamais le pays n’a atteint le point de non-retour. Jamais, il ne saurait rompre aucun contact. Ni avec le pays réel, ni avec ses partenaires. Le Congo doit rétablir les ponts rompus. Avec le pays, avec ses partenaires. L’objectif est de sauver le Congo.
T. MATOTU.