- lun, 21/03/2016 - 16:17
Nul ne sait de quoi sera fait la session parlementaire.
Dans notre Congo de tous les dangers, il n’y a jamais eu de rentrée parlementaire à proprement zen. A chaque rentrée, l’électricité couve dans l’air. Mais celle de la semaine prochaine, qui tombe mardi 15 mars, risque, selon toute vraisemblance, de se dérouler si on n’y fait pas attention, au sein d’une centrale hydro-électrique.
Certes, la majorité reste majoritaire au Parlement. Et rien n’indique que si des élections avaient lieu aujourd’hui, elle perdrait la majorité. Tout comme rien n’indique que si une présidentielle se tenait aujourd’hui, l’opposition l’emporterait.
Si les grandes villes comme partout dans le monde sont connues pour caresser des idées d’instabilité, de changement voire d’insurrection, l’arrière-pays ici comme ailleurs, reste un havre de sagesse et de paix. Au Congo, toute analyse montre que si deux, trois voire quatre villes peuvent être balayées par des mouvements contestataires (Bukavu, Goma, Mbuji Mayi, etc.,), le reste du territoire national est généralement zen.
PAIX, INTERET NATIONAL.
Contrairement au discours politique incendiaire repris dans les médias étrangers et les réseaux sociaux, le Congolais veut et réclame la paix, seule à mesure de contribuer à l’œuvre de reconstruction entreprise.
Dans leur écrasante majorité, les Congolais appellent à ce rendez-vous de la classe politique où des questions qui touchent à l’avenir du pays doivent être débattues et trouver des réponses. Le Congolais apprécie la stabilité instaurée dans le pays, qui seule permet la relance de l’économie. Il entend et le sent par lui-même jour après jour que ce pays se sort de la zone grise tel ce gain de 11 points gagnés en un an, à l’IDH, l’Indice du développement humain du PNUD, le Programme des Nations Unies pour le Développement.
Mais des politiques dont c’est le métier ne l’entendent pas de cette oreille. Chaque jour reste un jour d’opportunités. Qui s’en plaindra? La démocratie c’est (aussi cela) .
A notre époque, à proprement parler, il ne peut exister d’Etat qui ne soit gouverné par des principes démocratiques. Ces principes incluent liberté d’expression publique et contestation verbale. Mais en même temps capacité d’écoute - de l’autre - et mise en avant de l’intérêt national… Ainsi, par exemple, comment expliquer une lecture aussi erronée d’une disposition constitutionnelle précise, claire et limpide comme celle-ci: «Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois» (art. 70, al. 1). «A la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu» (art. 70, al. 2). Plus grave, cette lecture biaisée est faite par des hommes qui, la veille, soutenaient affectueusement le contraire, expliquant qu’«aussi longtemps que pour diverses raisons, politiques ou techniques, une Présidentielle n’a pas été organisée, le Président de la République en exercice demeure en fonction».
Les voilà désormais ferrailler et décréter la vacance du pouvoir du fait à leurs yeux de la carence du pouvoir. Pour ce faire, ils prenent l’exemple de Haïti. Pourtant, la Constitution hatienne est loin de ressembler à celle du Congo. La Constitution de la République d’Haïti promulguée le 29 mars 1987 dispose: «Le Président de la République est élu au suffrage universel direct à la majorité absolue des votants. Si celle-ci n’est pas obtenue au premier tour, il est procédé à un second tour» (art. 134, al. 1er). «Seuls peuvent s’y présenter les deux (2) candidats qui, le cas échéant, après retrait de candidats plus favorisés, se trouvent avoir recueilli le plus grand nombre de voix au premier tour». (art. 134, al. 2). Puis: «La durée du mandat présidentiel est de cinq (5) ans. Cette période commence et se terminera le 7 février suivant la date des élections» (art. 134. 1).
Puis: «Les élections présidentielles ont lieu le dernier dimanche de novembre de la cinquième année du mandat présidentiel» (art. 134. 2). Enfin: «le Président de la République ne peut bénéficier de prolongation de mandat. Il ne peut assumer un nouveau mandat, qu’après un intervalle de cinq (5) ans. En aucun cas, il ne peut briguer un troisième mandat» (art. 134. 3).
Puis: «Si le Président se trouve dans l’impossibilité temporaire d’exercer ses fonctions, le Conseil des Ministres sous la présidence du Premier Ministre, exerce le pouvoir exécutif tant que dure l’empêchement» (art. 148). Puis: «En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit, le Président de la Cour de Cassation de la République ou, à son défaut, le Vice-Président de cette Cour ou, à défaut de celui-ci, le juge le plus ancien et ainsi de suite par ordre d’ancienneté, est investi provisoirement de la fonction de Président de la République par l’Assemblée Nationale dûment convoquée par le Premier Ministre. Le scrutin pour l’élection du nouveau Président pour un nouveau mandat de cinq (5) ans a lieu quarante-cinq (45) jours au moins et quatre-vingt-dix (90) jours au plus après l’ouverture de la vacance, conformément à la Constitution et à la Loi Electorale» (art. 149).
Puis: «Ce Président provisoire ne peut en aucun cas se porter candidat à la plus prochaine élection présidentielle» (art. 149).
LA LOI CONGOLAISE EXCLUT LE VIDE.
En instaurant une date (7 février) et un jour (dernier dimanche de novembre) dans la Constitution de Haïti, le constituant avait clairement envisagé l’hypothèse d’un vide au poste de Président de la République qui est en effet arrivé avec la démission le 7 février du président sortant Michel Martelly après que le CEP (Conseil électoral provisoire) ait annoncé un nouveau report du second tour de la présidentielle, à moins de 48 heures du scrutin qui devait avoir lieu dimanche 24 janvier quand des manifestations de protestation contre «la mascarade électorale» s’intensifiaient dans le pays. Président du CEP, Pierre-Louis Opont, a justifié sa décision par «la détérioration de l’environnement sécuritaire et les menaces qui pèsent sur le processus électoral». Le candidat de l’opposition Jude Célestin arrivé second au premier tour, selon les résultats officiels contestés, avait annoncé qu’il boycotterait le scrutin tant que le CEP ne serait pas remanié! Selon une commission d’évaluation indépendante, le premier tour avait été entaché «d’irrégularités graves assimilables à des fraudes». Seul Jovenel Moïse, le poulain du président sortant, Michel Martelly, qui ne peut se représenter, a fait campagne pour le second tour, initialement prévu le 27 décembre. Le CEP avait fait état de plusieurs incendies ou tentatives d’incendie de bureaux électoraux dans le pays. Alors que le CEP annonçait ce nouveau renvoi, plusieurs milliers de manifestants, dont certains très excités, remontaient de Port-au-Prince en direction de la banlieue de Pétionville, où se trouve le siège du CEP.
Dans sa sagesse, le constituant congolais interdit un vide de pouvoir à la tête de l’Etat puisque «à la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu» (art. 70, al. 2). Il n’empêche que ce débat va cristalliser sinon pourrir la session de mars 2016 même si la lecture de la Constitution congolaise ne donne lieu à aucune équivoque aux yeux de certains membres de de la Communauté internationale que partout au Congo où la paix et l’intérêt national priment. Outre ce débat, celui tout aussi délectrique de la CENI («à réqualifier», selon la dernière trouvaile) sera à suivre tout comme les élections annoncées dans la territoriale.
D. DADEI.