- jeu, 02/05/2024 - 11:10
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1604|VENDREDI 22 MARS 2024.
On ne contrôle jamais vraiment les surnoms que l’on nous donne. Le peuple, les medias, vos amis et vos ennemis les inventent - et l’Histoire a le soin de les retenir ou pas. Je suis Félix Tshisekedi, fils de l’opposant historique Étienne Tshisekedi. Mais certains m’appellent Fatshi - diminutif de Félix- Antoine Tshisekedi, mon nom complet.
Mon père, lui, c’était pour beaucoup le sphinx de Limete. Limete car c’était le nom du quartier où, au domicile familial, j’écoutais dès le plus jeune âge mon père parler avec passion de la République Démocratique du Congo. De valeurs et de concepts comme la liberté et la démocratie. Dès lors qu’il évoquait ces mots sacrés, une flamme brillait dans son regard. Et que représente le sphinx dans nos mythologies sinon la ruse, la sagesse, la connaissance et la puissance?
Autant de qualités qui nourrissaient le feu animant mon père ; et de qualités que tout politicien ambitionne de posséder. Cette flamme, je le pense et je l’espère, a été mon héritage. C’est grâce à elle que j’ai commencé ma carrière en politique. Mon parcours n’a pas toujours été facile. L’exil s’est rapidement imposé à nous. Un choix forcé, mais nécessaire pour assurer la sécurité et l’avenir de notre famille. Pendant mes années en Belgique, j’ai non seulement poursuivi mes études, mais j’ai également été témoin des dynamiques politiques mondiales.
Cette expérience s’est avérée cruciale pour forger ma vision politique et renforcer mon engagement envers la République Démocratique du Congo. Cette période a été pour moi comme un temps de gestation au cours duquel j’ai observé de près les systèmes démocratiques européens, leur fonctionnement et leurs valeurs. Vivre en exil a également aiguisé ma détermination à œuvrer pour le changement dans mon pays d’origine. (...).
Mon retour a marqué le début d’un nouveau chapitre dans ma vie, une période où j’ai dû concilier mon expérience d’exile avec les réalités complexes de la RDC. Et la politique - comme partout, mais surtout en RDC - est une voie semée d’embûches. Mais à l’instar de mon père, j’ai une conviction : celle que notre pays mérite mieux, que notre peuple mérite mieux. Au terme d’une campagne effrénée arrive le jour du 24 janvier 2019. Un jour historique. Un jour rêvé par tous les hommes et les femmes qui ont porté notre beau pays dans ce qu’il avait de plus noble. Un grand jour pour notre volonté commune de franchir ensemble les rivages de notre destin. Ce jour, c’est celui de ma prestation de serment constitutionnel.
À ce moment, pour moi, il s’agit de ne surtout pas célébrer la victoire d’un camp contre un autre, mais plutôt d’honorer un Congo réconcilié.
La République Démocratique du Congo que nous formons ne saurait être le Congo de la division, de la haine ou du tribalisme. Mon espoir, c’est de construire un Congo fort dans sa diversité culturelle et son attachement à la mère patrie. Un Congo tourné vers son développement dans la paix et la sécurité. Un Congo pour tous dans lequel chacun mérite sa place. (...).
Nos citoyens sont le cœur de notre nation, mais les premiers garants de notre cohésion nationale sont nos forces de défense et de sécurité. Leur rôle a été primordial dans la protection territoire, ainsi que celle des personnes et de leurs biens. À cet égard, j’ai voulu leur offrir un cadre de travail digne de leur mission, faisant de nos forces une institution véritablement républicaine. (...). J’ai tenu à ce que la gestion de nos forces de défense et de sécurité se fasse sans la moindre discrimination ethnique ou sociale. À compter de ce jour, elles ont dû se sentir pleinement intégrées dans la nation par leurs actes.
J’ai cherché à valoriser, par une plus forte responsabilité, l’attachement de nos compatriotes aux valeurs républicaines qui régissent notre nation. Car nous sommes unis, nous sommes le Congo, et ensemble nous avons bâti un avenir plus fort, plus serein et plus prospère. Ma vision pour la République Démocratique du Congo, c’est celle d’un pays réconcilié, unifié, où chaque citoyen a sa place et où chaque voix compte. C’est celle d’un Congo prospère, où l’abondance de nos ressources naturelles profite à tous et où l’éducation et la santé sont des droits pour tous et non des privilèges pour quelques-uns.
C’est celle d’un Congo en paix, ou les conflits et la violence sont des vestiges du passé. Mon élection à la présidence, en décembre 2018, a été un moment inoubliable. Malgré les défis et les controverses, j’ai été élu sur la base d’un mandat clair et d’une vision pour le pays. J’ai senti le poids de l’histoire sur mes épaules et l’espoir dans les yeux de mes compatriotes.
Ce mandat, je l’ai reçu du peuple congolais. Et c’est à lui que je le dédie. À ceux ont cru en moi, à ceux qui ont lutté avec nous, à ceux qui rêvent d’un Congo meilleur. À tous les autres, aussi, qu’il me reste à convaincre. (...).
C’est lorsque j’ai franchi le seuil de la présidence que j’ai vu devant moi ce fameux fleuve qu’il me fallait remonter. Avec comme perspective une cascade de défis : chaque vague une décision à prendre, chaque marée une politique à installer. Toutes au service de la RDC. Et sur ce point, il faut louer les résultats des efforts et du travail considérable que nous avons effectué dans de nombreux domaines.
Pour rappel, le pays revient de loin. J’ai hérité d’un passé emmaillé d’impunité des violations massives et graves des droits démocratiques, à grande échelle des anciens régimes, où les droits n’étaient pas une priorité. J’ai stoppé la politique de terreur, d’intimidation, de représailles et d’expéditions punitives, contre les opposants et activistes. Ce jour, les crimes, les bavures et abus sont commis à titre individuel, par erreur, excès de zèle ou abus: ils ne relèvent plus d’une politique délibérée d’intimidation et de représailles, comme par le passé.
J’ai insisté sur la promotion de la protection des droits humains conformément aux standards internationaux ainsi qu’aux engagements souscrits par notre pays. J’ai favorisé le contrôle citoyen, la fin de l’impunité, l’émergence de l’État de droit, ou les libertés civiles et politiques sont exercées autour des préoccupations de la population.
Sous mon 1er mandat, les libertés d’opinion et d’expression, de pensée et de religion, d'association et de réunion, d’affaires publiques et de procès équitable sont mieux exercées. Sauf les limites légales dictées par les impératifs de préserver l’ordre public, les droits d’autrui et les bonnes mœurs. En 2021, 2022, 2023, la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République Démocratique du Congo (MONUSCO), par son Bureau Conjoint des Nations Unies pour les Droits humains (BCNUDH), a salué l’amélioration constante des droits humains en RDC et la diminution successive de violations perpétrées par les forces de défense et de sécurité ainsi que les groupes armés, dont les violences sexuelles. En 2022, ce même Bureau Conjoint des Nations Unies pour les Droits humains a constaté la diminution de 15% des violations et atteintes aux droits humains, par rapport à 2021, grâce à la baisse des abus et infractions afférents.
Car en 2019, il y a certes la victoire, mais elle est teintée par une atmosphère complexe. Pour la comprendre, il faut revenir en arrière et explorer la complexité de l’histoire politique de la République Démocratique du Congo. À la fin de la Seconde Guerre mondiale s’amorce la décolonisation de l’Afrique. Notre pays alors connu sous le nom de Congo belge obtient son indépendance le 30 juin 1960.
Un moment historique, certes, mais également propice à l’ouverture d’une période de grande instabilité. En septembre 1960, le président Joseph Kasa-Vubu destitue et arrête Patrice Lumumba - un des héros de l’indépendance et premier Premier ministre de la RDC. Il est exécuté en janvier 1961 - un épisode sombre de notre histoire qu’il faut ne jamais oublier. C’est après qu’arrive le général Joseph-Desiré Mobutu, s’emparant du pouvoir lors d’un coup d’État en 1965. Il instaure une dictature pendant plus de trois décennies. Elle sera marquée par une corruption endémique, une répression politique sans mesure et une gestion économique désastreuse. Mon père, Étienne Tshisekedi, a été une figure de proue de l’opposition à Mobutu.
L’élection de 2019 est donc contestée. Les controverses tombent comme des averses. Le monde observe, critique, commente. On parle de fraude électorale. C’est le premier test. D'abord pour notre démocratie, mais aussi pour mon âme d’homme politique. « Légitimité ». Ce mot résonne en permanence.
Mais ces circonstances particulières ne pouvaient pas m’empêcher de débuter mon action politique. Et c’est cette détermination qui m’a guidé à travers cette année 2019. La volonté de faire la lumière sur cette période tumultueuse de notre nation. De clarifier, et de donner ma version sur ces fameuses élections qui ont été beaucoup commentées par des gens qui ne connaissent pas mon pays et l'observent de loin, à travers les verres déformants des réseaux sociaux ou de certains médias militants.
Il faut se rappeler l’état dans lequel se trouvait la RDC avant mon élection. Un voile de répression étouffait inéluctablement les libertés fondamentales, engendrant une atmosphère étouffante qui empêchait toute opposition de s’exprimer librement. Dans cette atmosphère lourde, où le moindre murmure de protestation était étouffé dans l’œuf, j’ai trouvé la force de m’élever et de déchirer ce voile. De restaurer les libertés d’expression et de mouvement qui sont les piliers d’une société démocratique saine.
Je me souviens avec une clarté bouleversante de ces jours sombres où défier le gouvernement était synonyme d'une effusion de sang. Mais je savais, profondément en moi, que cela ne pouvait perdurer. J’ai donc pris la décision cruciale de mettre fin à cette chape de plomb, de libérer mes compatriotes de la peur constante qui les entravait.
Ce fut un signal fort, un signe indubitable que les temps changeaient. La prise de contrôle presque totale de la classe politique par le parti au pouvoir avait créé une sorte de dichotomie dangereuse : vous étiez soit avec le pouvoir, soit réduit au silence dans l’opposition. Ce n’était pas une façon de gouverner, et je l’ai compris dès mes premiers jours au sein de cette coalition malheureuse avec le Front commun pour le Congo (FCC).
Mais ma proposition de former l’Union Sacrée de la Nation a déclenché un véritable raz-de-marée. Une révolution. Un basculement qui a surpris même les plus sceptiques. Je me souviens des appels anxieux de mes pairs africains, anticipant un bain de sang, une tension qui pourrait dégénérer en violence insensée.
Mais j’étais sûr de moi. J’avais mon doigt sur le pouls de la nation. Je percevais les désirs non exprimés de mon peuple. J’ai donc pris l’initiative de les apaiser, de les assurer que la situation était sous contrôle. Ce qui a suivi a été un revirement historique, une transformation profonde de la perception nationale et internationale de notre pays.
Depuis toujours, j’ai cherché à comprendre et à percevoir les nuances et les complexités de chaque individu. J’ai donc travaillé sans relâche pour gagner la confiance et la sympathie de ceux qui, au début, me considéraient comme un simple pion, un gardien temporaire du siège du pouvoir en attendant le retour de Kabila.
Mais grâce à ma persévérance, à ma foi inébranlable dans un avenir meilleur pour notre nation, j’ai réussi à renverser cette perception. J’ai prouvé que j’avais un véritable projet, une vision basée sur l’amour profond de mon pays, et non sur la peur. Et quand viennent les accusations, je les accueille avec une résolution calme, sachant que la vérité se révélera d’elle-même.
Ma victoire électorale, saluée par une explosion de joie populaire, en est la preuve vivante. Malgré les tentatives de manipulation, la majorité a vu clair dans le jeu politique et a choisi l’avenir et l’espoir plutôt que le passé et la peur.
J’ai vu dans cette opposition fragmentée une alliance de circonstances formée par la manipulation de quelques individus déterminés à préserver leur pouvoir. Ils n’ont pas cru en leur propre victoire, parce qu’au fond, ils savaient que leur temps état révolu.
Dans les premiers moments de mon mandat, j'ai bien compris qu’à chaque accusation, à chaque jugement porté, il incombe à l’accusateur de fournir la preuve de ses dires. Que ceux qui veulent encore aujourd’hui affirmer que mon élection est invalide apportent donc les preuves de ce qu’ils avancent !
Je me rappelle encore au jour où les résultats de l’élection ont été annoncés, une élection que d'aucuns prétendaient frauduleuse. Mais ce dont je me souviens surtout, c'est la réaction du peuple, une réaction qui transpirait la joie pure, une liesse populaire qui se répandait dans chaque coin et recoin du pays. Oui, il y a eu des tentatives de manipulation d’une portion de la population, mais elles n’ont pas tenu bien longtemps. Et c’est à ce moment que j’ai compris que mon élection n’était pas une usurpation, mais plutôt le reflet de la volonté du peuple. L‘opposition, elle, semblait en proie à une confusion profonde. Leur prétendue victoire, je l’ai perçu, était construite sur des sables mouvants.
Avec le temps, bon nombre de ces opposants ont vu mes actions et ont compris mes intentions. Ils se sont ensuite ralliés à ma cause et devenant mes piliers les plus solides, mes partisans les plus fervents. J’ose dire aujourd’hui, sans un brin de fausse modestie, mais avec une humilité profonde, que la stabilité que connaît la RDC aujourd’hui est la preuve palpable de l’adhésion populaire dont j’ai bénéficié dès le début (...).
Avec ces nouvelles élections à venir, j’ai à cœur d’optimiser tous les aspects de notre processus politique et électoral, d’instaurer une transparence et une rigueur renouvelées qui ne laisseront place à aucune magouille. J’ai confiance en la direction de la Commission électorale nationale indépendante (CÉNI), confiant que l’homme à sa tête ne cherchera pas à ternir sa réputation par des actions indélicates.
Ce premier mandat a été une période d’apprentissage intense, marquée par des revirements significatifs, comme le renversement pacifique de la majorité et les tensions croissantes avec le Rwanda. (...).
Prenez des photos satellites de notre planète lorsqu’elle n’est pas éclairée par le soleil : l'Afrique est plongée dans le noir, sous une Europe étincelante de mille feux. Selon un récent rapport de l’Agence Nationale de l’Électrification et des Services Énergétiques en milieux Rural et périurbain (ANSER), à peine 19% des habitants du Congo ont accès à l’électricité. Dans les zones rurales, ce chiffre chute dramatiquement à 1%. Ceci place la RDC comme le second pays au monde ou l’électricité est un luxe rare.
L’électricité est au centre de toutes nos préoccupations, qu’elles soient économiques, sociales ou environnementales. Sans une source d’énergie fiable, aucun secteur ne peut se développer de manière optimale. Par exemple, l’absence d’électricité stable pénalise lourdement les entreprises qui doivent faire face à des surcoûts considérables pour se fournir en énergie hors réseau. (...). De plus, notre potentiel minier considérable dépend entièrement d’un approvisionnement énergétique stable. Sur le plan social, l’absence d’électricité a un impact direct sur la qualité de vie des ménages. Nos femmes et nos enfants sont particulièrement touchés, contraints de parcourir des dizaines de kilomètres chaque jour pour chercher du bois de chauffage.
Et le bilan humain est effrayant : chaque année, six cent mille Africains meurent des suites d’intoxications dues à l’utilisation de charbon de bois. Les personnes à faibles revenus sont les plus pénalisées, car le coût unitaire de l’énergie du charbon de bois ou des bougies est plus élevé que celui de l’électricité du réseau. Enfin, sur le plan environnemental, il faut souligner que plus de 90% de notre énergie provient du bois, posant un risque direct pour nos forêts. Si rien ne change, et compte tenu de la croissance démographique et de nos besoins en énergie, nos forêts pourraient disparaître d’ici 2100. (...).
Partons d’un constat simple : la RDC, c’est quatre-vingts fois la taille de la Belgique, le pays qui l’a colonisé. Pour la traverser du nord au sud, imaginez prendre votre voiture pour relier Athènes depuis Copenhague. Sauf que le Congo, ce n’est pas l’Europe.
Nous avons beaucoup de rivières, mais peu de routes et peu de ponts. Nos régions sont disloquées de la cohésion nationale. J’ai donc cherché un projet pour répondre à cette problématique. Et je me suis penché sur ce qui constituait le déclencheur du développement : l’Homme, avec un grand H. J’ai examiné cet homme congolais et je me suis demandé si, même avec la meilleure volonté du monde, il était en mesure de développer son pays. Ne soyons pas naïfs. La réponse est non.
Lorsque je regarde l’Europe où j’ai habité pendant très longtemps, je vois un continent qui a déjà atteint de nombreux sommets du développement - éducation, transport, santé. Il y a toujours des problèmes, certes, mais elle est bien en avance sur nous. Nous, au contraire, nous profitons d’un « retard » qui nous offre une marge de manœuvre et d’apprendre des erreurs de nos voisins du nord. Apprendre pour mieux agir. La transition politique survenue en janvier 2019 représente selon moi une opportunité cruciale pour redéfinir radicalement notre chemin en tant que nation.
Il est de notre devoir de rebâtir notre État sur des fondations solides et d’ouvrir des avenues prometteuses pour notre population, qui a endure de longues périodes de privations multiples et complexes. En plongeant dans les profondeurs de nos difficultés actuelles, nous ne pouvons ignorer que les phénomènes persistants de corruption, de pauvreté profonde, d’inégalités flagrantes et des menaces exacerbées par les changements climatiques sont des défis titanesques.
Ces maux ont le potentiel de perpétuer un cycle de pauvreté et d’instabilité institutionnelles et politique, alimenté par une gouvernance défaillante qui a pris racine et s’est épanouie au fil des années. Alors que nous nous tenons au seuil d’une nouvelle ère, près de soixante ans après avoir accédé à la souveraineté internationale, une introspection profonde est requise.
Malgré la richesse inouïe de nos ressources naturelles, la diversité captivante de notre population, et notre position géostratégique centrale sur le continent africain, notre nation a échoué jusqu’à présent à initier un mouvement vers un développement durable et autonome. Cette dynamique aurait dû, en théories améliorer de manière significative les conditions de vie de notre population. De surcroît, bien que diverses stratégies aient été adoptées dans le passé, visant à atténuer la pauvreté et à encourager une croissance soutenue, les progrès ont été décevants.
Aujourd’hui, une majorité écrasante de la population congolaise vit encore dans des conditions de pauvreté multidimensionnelle, une situation qui est encore plus prononcée dans les régions rurales. Il s'agit là d'un paradoxe cruel, car c’est précisément dans ces zones rurales que résident la majorité de nos compatriotes les plus affectés par cette pauvreté et par des inégalités socio-économiques criantes. Face à cette réalité, ma mission est claire : engager une démarche de justice sociale, qui aspire non seulement à consolider la stabilité sociale, mais aussi à instaurer une sécurité durable et une paix tant désirée. Pour y parvenir, une refonte radicale de notre modèle de gouvernance est impérative.
Car il faut affronter un constat amer. Nous ne sommes pas encore prêts à propulser notre nation vers un avenir prospère. Il nous manque des fondations essentielles. De quoi a besoin le Congolais pour pouvoir développer son pays. Des garanties d'éducation. Un accès fiable à la santé. Et des ressources et des infrastructures décentes. Récemment au cours de délibérations intensives avec mes conseillers, l’attention s’est d’abord portée sur le développement des provinces. Il ne faut pas oublier que certaines d’entre elles sont équivalentes en taille à des nations entières, certaines étant plus grandes que nos pays voisins.
Mais c’est lors d’une rencontre avec le président actuel du Sénat que j’ai pu façonner ma vision. Les provinces, c’était trop grand comme concept. Il fallait que je concentre nos efforts sur les territoires individuels. Il m’a suggéré une injection financière significative dans chaque territoire, un investissement que nous sommes capables d’assumer. La somme d’un million de dollars a été évoquée. Après une conversation rapide, mais fructueuse avec le ministre des Finances, nous avons trouvé un terrain d’entente et décidé d’aller encore plus loin. De consacrer dix millions de dollars par territoire. Cent-quarante-cinq territoires, c’était donc un milliard et demi à trouver.
Le but est de redonner à ces territoires, autrefois le cœur vibrant de nos régions rurales, mais désormais dépouillés de leur essence, une réelle attractivité. Leurs populations ont migré vers les villes ou à l’étranger, en quête d’une vie meilleure. Une vie meilleure qu’ils n’ont d’ailleurs parfois pas trouvée, errant dans les centres périurbains vainement.
Résultat ? Ces régions jadis prospères sont maintenant dépourvues de compétences intellectuelles et d’une administration solide, ce qui entrave gravement toute tentative de développement. Nous voulons faire revivre l’attrait de ces régions, incitant ainsi au retour des émigrés. Au cœur de ce plan se trouvent les infrastructures vitales : écoles, hôpitaux, cliniques, logements décents et une administration efficace.
Mais nous savons que pour retenir les habitants, nous devons également aborder les questions cruciales de l’accès à 1'eau et à l‘électricité. La revitalisation des routes agricoles délabrées est l’un de nos objectifs principaux. Promouvoir l’agriculture, et, par conséquent, résoudre le problème endémique de la faim. Nous envisageons une réintégration complète des cent-quarante-cinq territoires dans le giron national, facilitant ainsi non seulement la circulation des biens, mais aussi celle des personnes, et stimulant la création de richesses. (...). La place de la RDC sur l’échiquier du monde (...).
Sous mon leadership, la RDC a quasiment triplé les ressources propres de son budget passant de 3.131.692 milliards $US en 2017 à 16,6 milliards $US en 2024 grâce à la rigueur dans la gestion des finances publiques. Après avoir renoué le partenariat avec le FMI et la Banque Mondiale, rompu sous l’ancien régime, le gouvernement a obtenu sous mon impulsion et dans un temps record l’approbation du programme du FMI, octroyant ainsi une facilité élargie de crédit à hauteur 1,5 milliard de dollars. (...). Aujourd’hui, je peux être fier et affirmer que nous connaissons une renaissance sur la scène Internationale. Une révolution silencieuse, mais profonde qui s’opère grâce aux voyages diplomatiques que j’ai entrepris.
Il est important de comprendre que ces emplacements ne sont pas des fins en soi, mais des moyens, des ponts construits pour reconnecter le Congo au monde, pour placer notre nation au centre des dialogues cruciaux qui façonnent notre temps. Par le passé, nous étions en quelque sorte en isolement, immergés dans nos propres enjeux, au point que notre voix était quasiment éteinte sur la scène internationale. Même si nous parlions, nous étions devenus invisibles, inaudibles. Preuve en est: lorsque j’ai élevé la voix contre l’agression rwandaise, en septembre 2022 aux Nations-Unies, j’ai rencontré des interlocuteurs qui semblaient découvrir pour la première fois l’étendue de la situation. Mais nous avons persisté, car le Congo se présente désormais comme un pays solution, un leader mondial qui aspire à jouer son rôle légitime. Nos voisins, le Congo voisin et le Gabon avaient pris les devants. Ce n’est pas normal, puisque nous détenons une richesse incommensurable, tant en termes de ressources naturelles qu’en héritage culturel.
Oui, nous sommes les propriétaires de 65% du bassin du Congo qui fait la fierté de notre continent. Nous sommes une réserve de minerais stratégiques qui nous place en position de force dans les négociations mondiales. Grâce à ces voyages, nous sommes revenus au centre de l’échiquier, prêts à réclamer notre place légitime, à l’instar des géants environnementaux que sont le Brésil et l’Indonésie. Car nous sommes, à nous trois, les poumons du monde. Je suis également heureux de vous annoncer que notre économie témoigne d’une vigueur renouvelée. Le budget de l’État a quadruplé, une prouesse qui n’était pas envisageable il y a encore quelques années. (...).
La démocratie, c’est simple : c’est donner le pouvoir au peuple. C’est le pouvoir de choisir ses leaders. C’était d’ailleurs déjà pratiqué bien avant la colonisation. Nos anciens chefs tribaux écoutaient leurs notables qui faisaient remonter jusqu’à eux cc qui se passait dans la société. (...).
L’Occident ne doit pas nous imposer ses vues. Car nous avons nos propres valeurs. Il est essentiel d’être tolérant, mais nous ne pouvons pas oublier nos propres convictions.
En Occident, il n’est plus question de liberté. Cela fait bien longtemps que les libertés fondamentales y ont été acquises. L’Occident aujourd’hui est affligé par la fièvre de la liberté à tout prix. On voit le résultat : une perte de repères pour des générations entières. Des générations qui s’égarent et se tournent vers d’autres identités. Beaucoup d’observateurs pensent que c’est cette fièvre des libertés à tout prix qui précipite la civilisation occidentale sur son déclin.
Car elle a perdu ses valeurs. Je me souviens jadis d’un Occident avec des partis politiques sociochrétiens. Leurs philosophies étaient basées sur un système de valeurs solides. Mais ils ont troqué ces valeurs pour l’humanisme. Ils ont séparé l’humain du divin. Mais à mon sens, l’homme sans spiritualité un être perdu. C’est là que 1’Occident a dévié. Et nous ne devons pas les suivre.
Je le dis sans dramatisme : j’ai peur pour nos futures générations. Peur qu’elles suivent ce chemin-là par capillarité ou par mimétisme. (...).