- lun, 10/02/2025 - 11:24
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1629|LUNDI 10 FÉVRIER 2025.
Au moins 3.000 morts au lendemain de la prise de la ville de Goma par les RDF, les Forces de défense rwandaises et leurs supplétifs. Toutes les sources confirment ces chiffres même les Nations unies. Le Haut Commissaire des Nations unies aux Droits de l’Homme, l’Autrichien Volker Türk a fait monter la pression.
« Le risque d'escalade de la violence dans toute la sous-région n’a jamais été aussi élevé », a-t-il déclaré annonçant un embrasement régional.
Le Secrétaire général des Nations unies, le Portugais Antonio Guterres s’est invité pour la énième fois ces jours-ci. « Faites taire les armes; arrêterez l’escalade. Nous sommes à un moment critique et il est temps de s’unir pour la paix.
Il n’y a pas de solution militaire », a-t-il déclaré annonçant se rendre cette semaine à Addis Abeba, en Éthiopie où il prendra part au sommet de l’Union Africaine où la question du Congo sera au cœur des discussions. « Le conflit continue de faire rage au Sud-Kivu et risque de se propager à toute la région », a poursuivi Guterres, s'inquiétant de la situation humanitaire « dangereuse à Goma et autour.
Des centaines de milliers de personnes sont en train de se déplacer, alors que des sites accueillant des déplacés au nord de la ville ont été pillés, détruits ou abandonnés». Il décrit un système de santé « submergé » et d’autres services «très limités », l’eau, l’électricité ou Internet.
« Nous avons d’innombrables informations faisant état de violations des droits humains, notamment des violences sexuelles et basées sur le genre, des recrutements forcés, des perturbations de l’aide vitale».
QUEL PAYS NE S'INTERROGE PAS?
Trois mille morts à Goma. Carnage ? Massacre? Jour après jour, le nombre de morts ne fait qu’augmenter. À Goma, des corps jonchent les rues sans que personne ne s’en préoccupe. Si le coordonnateur de la coalition pro-rwandaise, M23-AFC, Corneille Nangaa Yobeluo, ancien président de la Centrale électorale nationale, crie victoire lors de ses meetings dans le Kivu, proclame son objectif de prendre la Capitale Kinshasa en s'emparant du pouvoir, Kinshasa parcourt les capitales du monde où il vend au mieux l’image du pays. Et les réactions ne manquent pas.
Washington, qui réfléchit sur des sanctions contre le Rwanda même si, interrogé sur la paix au Congo, Donald Trump a préféré botter en touche. Que préparerait l’imprévisible président républicain?. Le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, a, lui, condamné l'assaut sur Goma du M23, soutenu par des troupes rwandaises. Dans un appel téléphonique au président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, il a affirmé la souveraineté du Congo.
« Le secrétaire d'État Marco Rubio a condamné l'assaut sur Goma du M23, soutenu par le Rwanda, et affirmé le respect des États-Unis pour la souveraineté du Congo», a déclaré la porte-parole du département d'État Tammy Bruce dans un communiqué.
Le Royaume-Uni ne s’était jamais aussi exprimé sèchement sur le Rwanda. Le 30 janvier, Londres a demande le retrait immédiat de tous les RDF du territoire congolais.
Le 26 janvier, le ministre des Affaires étrangères Lord Collins a déclaré au président rwandais qu’une attaque contre Goma provoquerait une forte réaction de la communauté internationale. Le 29 janvier, Lord Collins a clairement indiqué au Haut Commissaire rwandais que les actions du Rwanda dans l’est du Congo étaient inacceptables et s’est dit profondément préoccupé par les informations selon lesquelles le M23 et les RDF progressaient à travers le Sud-Kivu vers Bukavu.
L'Allemagne a carrément décidé d’annuler une rencontre prévue au cours de ce mois de février sur l’aide bilatérale à consentir au Rwanda.
À ces capitales, il faut ajouter l’Afrique du Sud dont treize soldats certainement visés par les forces rwandaises, ont été tués dans la marche des RDF vers Goma.
Même si le Rwanda s'est rapproché stratégiquement des présidents William Kipchirchir Samoei Arap Ruto du Kenya et Yoweri Kaguta Museveni de l’Ouganda notamment dans le cadre de l’EAC, East African Community, jusqu’où iraient-ils dans la défense de Paul Kagame dont nul ne connaît le plan dans la sous-région et dont l'image se dégrade jour après jour?
Envoyer 10.000 soldats des forces spéciales des RDF au Congo, voilà que ne peut expliquer la seule volonté de conquête de territoire ou de protection des Congolais de langue rwandaise. Tout le monde y voit clairement des visées d’exploitation des minerais rares dont les Kivu recèle tant. Les chiffres que réalise le pouvoir rwandais dans cette conquête de territoire ne manquent pas d’émouvoir la communauté internationale.
« Au Nord-Kivu, la consolidation du contrôle administratif du M23 sur les territoires de Masisi et Rutshuru au Nord-Kivu lui a permis d'établir un contrôle total sur la production de coltan, a souligné Bintou Keita, la cheffe de la Monusco, lors d'un passage au Conseil de sécurité à New York.
Le commerce en provenance de la région de Rubaya, qui fournit plus de 15 % de la production mondiale de tantale, génère environ 300 000 $US par mois pour le groupe armé. Cette situation est profondément préoccupante et doit cesser ».
Même si le mot condamnation n’a pas été prononcé samedi 8 février 2024 à Dar es Salaam, en Tanzanie, lors de ce Sommet Régional Conjoint Extraordinaire de la SADC, Communauté de Développement d'Afrique australe et de l'EAC, Communauté d'Afrique de l'Est - le premier de l'histoire - ni, encore moins les sanctions, quel pays (ou quelle organisation) sur le continent ou dans le monde éprouverait encore de la considération envers un pouvoir dont l'armée a abattu autant de personnes en une nuit dans un pays voisin ?
Nul doute, ce sommet auquel le président congolais Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, ne s'est pas rendu en y participant cependant par vidéoconférence, et où il s'est fait représenter par la Première ministre Judith Suminwa Tuluka, arrivée tôt samedi dans cette ville est-africaine, a fait surgir un espoir de paix.
Le Sommet de Dar es Salaam a vu le déplacement notamment des présidents zimbabéen Emmerson Mnangagwa, président de la SADC, kenyan William Ruto, président de l’EAC, zambien Hakainde Hichilema, ougandais Museveni, rwandais Paul Kagame et de celle du pays hôte, la Tanzanie, Dr. Samia Suluhu Hassan.
Des allocutions des présidents de la SADC Emmerson Mnangagwa et de l’EAC William Ruto ont eu lieu précédées par le mot de l’hôte du sommet, Dr. Samia Suluhu Hassan, présidente de la République Unie de Tanzanie et présidente de l’Organe de Coopération en matière de Politique, Défense et Sécurité de la SADC.
Ces assises interviennent après la prise de Goma, une situation qui a accru les tensions entre Kigali et Kinshasa.
Ce Sommet conjoint a ordonné que des modalités de retrait des forces armées étrangères non invitées du territoire congolais soient élaborées et mises en œuvre.
Il a aussi ordonné aussi la reprise des négociations directes et du dialogue avec toutes les parties étatiques et non étatiques, y compris le M23, dans le cadre du processus de Luanda et de Nairobi. C’est ce qu’indique le communiqué final élaboré à l’issue de ce sommet.
Le Sommet a demandé aux chefs des forces de défense de l’EAC et de la SADC de se réunir dans les cinq jours et de fournir des directives techniques sur le cessez-le-feu immédiat et inconditionnel et la cessation des hostilités, la fourniture d’une assistance humanitaire, y compris le rapatriement des personnes décédées et l’évacuation des blessés, ,l’élaboration d’un plan de sécurisation pour Goma et ses environs, l’ouverture des principales voies d’approvisionnement, notamment Goma-Sake-Bukavu; Goma-Kibumba-Rumangabo-Kalengera-Rutshuru-Bunagana et Goma-Kiwanja-Rwindi- Kanyabayonga-Lubero, y compris la navigation sur le lac Kivu entre Goma et Bukavu, la réouverture immédiate de l'aéroport de Goma.
« Le Sommet conjoint a appelé à la mise en œuvre du Concept d'Opérations, CONOPS, du plan harmonisé de neutralisation et à la levée des mesures défensives du Rwanda et le désengagement des forces de la RDC comme convenu dans le processus de Luanda », indique le communiqué final.
Le Sommet conjoint a réaffirmé le rôle essentiel des processus de Luanda et de Nairobi et a ordonné que les deux soient fusionnés en un processus Luanda/Nairobi. Il a en outre décidé de renforcer les deux processus afin d'améliorer leur complémentarité.
« Le sommet conjoint a réaffirmé la solidarité et l'engagement inébranlable de continuer à soutenir le Congo dans ses efforts de sauvegarde de son indépendance, de sa souveraineté et de son intégrité territoriale», selon le communiqué final.
« L'objectif reste la désescalade et l'amélioration de la situation humanitaire».
S'il n'y a eu aucune condamnation du Rwanda pour son implication dans le conflit, « c'est quand même une avancée, concède cette même source. On a répondu à certaines de nos demandes. L'objectif reste la désescalade de la violence et l'amélioration de la situation humanitaire».
De son côté, la délégation rwandaise estime que ce sommet a répondu aux attentes de Kigali.
Par ailleurs, le communiqué annonce la fusion des processus de Nairobi et de Luanda. D'autres médiateurs pourraient être désignés, venus éventuellement d'autres régions du continent.
«Le sommet conjoint a demandé aux chefs des forces de défense de l'AEC, Communauté d'Afrique de l'Est, et de la SADC, Communauté de développement de l'Afrique australe, de se réunir dans les cinq jours et de fournir des directives techniques sur un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel et sur la cessation des hostilités », a déclaré un porte-parole à la fin du sommet.
En résumé, les dirigeants de la SADC et de l'EAC ont exprimé leur préoccupation face à l’aggravation des tensions ayant entraîné des pertes humaines à Goma, dans la province du Nord-Kivu, suite à l’incursion de l’armée rwandaise. Ils ont appelé à la mise en œuvre des mesures suivantes :
◗ 1. Cessation des hostilités : instaurer un cessez-le-feu inconditionnel, respecté par toutes les parties, sous la supervision des Chefs de Défense de l’EAC et de la SADC ;
◗ 2. Réouverture de l’Aéroport de Goma: rouvrir l’aéroport de Goma ainsi que les principales routes pour permettre l’acheminement de l’aide humanitaire ;
◗ 3. Plan de sécurisation : élaborer un plan de sécurisation pour Goma et les zones environnantes.
◗ 4. Rapatriement des dépouilles : assurer le rapatriement immédiat des corps des victimes et la prise en charge des blessés.
◗ 5. Mesures de confiance : mettre en œuvre des mesures de confiance, y compris un dialogue inclusif pour résoudre le conflit ;
◗ 6. Relance du processus de Nairobi : urgence dans la relance du Processus de Nairobi et coordination avec le Processus de Luanda, incluant :
– L’application d’un plan pour neutraliser les FDLR et le retrait des forces rwandaises ;
– Engager un dialogue avec les groupes armés, y compris le M23 ;
◗ 7. Respect de l’intégrité territoriale : garantir le respect de l’intégrité territoriale deu Congo et des pays voisins ;
◗ 8. Facilitation de l’aide humanitaire : mobiliser des secours pour faciliter l’aide humanitaire ;
◗ 9. Discours constructifs: décourager les discours incendiaires et les actions divisives dans la région.
avec AGENCES.