Cette sociale-démocratie dont se réclament nombre de partis
  • lun, 19/08/2024 - 08:21

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1617|LUNDI 19 AOÛT 2024.

Depuis le déclenchement, en avril 1990, du mouvement de démocratisation dans l'ex-Zaïre, la social-démocratie a le vent en poupe dans le pays. Comptant construire et changer fondamentalement le visage physique et social du Congo, plusieurs politiques se réclament de cette obédience idéologico-politico-démocratique. Mais l’écrasante majorité des partis de cette mouvance, se comportent en farouches ennemis idéologiques et politiques. C'est quoi dans le fond et la forme, cette social-démocratie à laquelle tous paraissent théoriquement s’identifier quand ils s’en éloignent ?

Trois types de démocratie, liés au libéralisme, au socialisme marxiste-léniniste et au socialisme réformiste sont actuellement appliqués dans le monde. Il s’agit de la démocratie libérale, de la démocratie socialiste ou populaire et de la social-démocratie. Toutes ces trois démocraties sont fondées sur les principes de liberté et d’égalité.

Elles visent toutes le bien-être intégral, intégré et durable de tous les citoyens en vue de la cohésion nationale des États qui les appliquent et de la cohésion sociale des communautés humaines qui les vivent. Elles diffèrent par la manière d’accéder au pouvoir politique, par le mode de production des richesses, par la façon de répartir le pouvoir et surtout les richesses nationales entre les différentes classes sociales.

Depuis l’effondrement de l’empire communiste soviétique, l’une de ces trois formes de la démocratie, en l’occurrence la social-démocratie, est à la mode. En effet, plusieurs partis politiques du monde en général et du Congo en particulier s’en réclament.
La social-démocratie est née en Allemagne, au XIXème siècle et presqu’immédiatement reconnue et adoptée en Angleterre sous sa forme travailliste, le labour.

LES FONDAMENTAUX.
Elle vise des réformes socialistes dans le cadre de la démocratie libérale. Comme la démocratie libérale et la démocratie populaire, elle se base sur les principes de liberté et d’égalité tandis que les régimes de pure démocratie libérale et de pure démocratie populaire privilégient respectivement le principe de liberté et le principe d’égalité, le régime social-démocrate valorise et cultive indistinctement tous ces deux principes.

Le principe de solidarité est affiché. Guère question de pouvoir lié à la propriété privée des moyens de production et d’échange et à toute tentative de concentration du pouvoir entre les mains d’une clique oligarchique telle la bourgeoisie dans les pays de pure démocratie libérale ou l’avant-garde du parti communiste, la nomenklatura, dans les pays de pure démocratie socialiste. La social-démocratie pose les fondations des conditions matérielles qu’exige l’exercice de la liberté, de l’égalité et de la solidarité ; à lever le voile pudique que porte la domination des puissances économico-financières ou politico-idéologiques ; à casser subtilement les barrières dressées devant elle par celles-ci, etc.

Puissamment enracinée dans la société civile à travers de multiples organisations syndicales, réseaux coopératifs, mutuellistes et associatifs, la social-démocratie a pour but ultime la construction d’une communauté humaine politiquement et économiquement solidaire. Afin d’atteindre cet objectif général de cohésion sociale, elle rompt avec les thèses de lutte des classes et de nationalisation intégrale des moyens de production et d’échange inhérentes à la révolution marxiste-léniniste qui signifient conflits sociaux permanents perturbateurs du développement social.

La social-démocratie a trouvé son terrain de prédilection et d’éclosion particulièrement dans tous les pays scandinaves et dans deux pays d’Océanie. Hormis quelques rares et brèves parenthèses libérales et conservatrices, elle est pratiquée, presque sans interruption, en Suède, en Norvège, au Danemark, en Finlande, en Islande, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Elle est tentée, de temps à autre, en Allemagne, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en France, en Autriche, en Belgique, en Grèce, en Italie, en Israël, en Espagne, au Portugal, au Brésil, dans les provinces de l’Ouest canadien qui constituent généralement, par le biais du Nouveau Parti Démocratique, des gouvernements provinciaux quasi-autonomes du gouvernement fédéral, quelle que soit l’orientation idéologique de celui-ci.

Le régime social-démocrate est doublement libéral, politiquement et économiquement. Politiquement parce qu’il garantit constitutionnellement et met réellement en œuvre la démocratie politique. En Suède, rapporte Stig Hadenius, l’industrie et le commerce se trouvent, dans une proportion d’environ 90 %, dans les mains d’intérêts privés. Le régime social-démocrate mène donc, d’une manière systématique, une politique économique très favorable à l’entreprise privée. Il encadre cette dernière avec les propres armes du patronat capitaliste : libre entreprise, respect des lois concurrentielles, refus de nationalisation des moyens de production et d’échange, lutte contre les tendances monopolistes, etc. Cela veut dire qu’il est très conscient qu’il faut d’abord bien produire les marchandises et les services et bien les vendre avant de bien distribuer, dans la justice et l’équité, les richesses nationales générées par tous.

Cela revient à dire que le régime social-démocrate est par ailleurs, en partie, économiquement socialiste. D’où, le mode de production intermédiaire entre le capitalisme et le socialisme qualifié d’économie sociale de marché. Celui-ci se définit comme une recherche permanente de la combinaison la plus efficace possible entre la performance optimale que peut offrir le capitalisme et la justice et la sécurité sociales que peut offrir le socialisme.

En clair, sous le régime social-démocrate, l’économie n’est donc pas totalement livrée à la seule volonté du marché contrôlé par les capitalistes. En vue d’y parvenir, l’État social-démocrate organise la répartition des fruits du travail sur base des décisions politiquement orientées. En social-démocratie, on ne badine pas avec les négociations et le consensus. Le tout se passe sous l’œil vigilant, juste et équitable de l’État qui est le lieu où s’exerce activement et concrètement la solidarité entre les différentes classes sociales.

Dans ce sens que la justice sociale et la sécurité sociale constituent les meilleures conditions du dynamisme d’une économie en croissance. Ainsi, allier l’efficacité économique au progrès social est une obligation pour l’État social-démocrate. En effet, à ses yeux, l’exigence de la démocratie économique s’impose avec la même rigueur et la même évidence que la démocratie politique.

Sur le plan pratique, cela se traduit essentiellement de la manière suivante. Premièrement, l’État social-démocrate planifie une partie de l’économie nationale. Il s’agit de l’économie mixte et publique qui, en Suède par exemple, ne représente qu’environ 10% de l’ensemble. Cependant, cette planification très partielle est souple et non dirigiste. Deuxièmement, le secteur public est généralement d’une ampleur exceptionnelle par comparaison avec les États de pure démocratie libérale.

L’État social-démocrate est particulièrement socialiste parce qu’il est rigoureux sur l’objectif de l’égalité sociale. Il s’efforce de le réaliser de deux façons. Il remplit la fonction de prévention des risques par les assurances sociales. Il s’agit de l’assurance-maladie, de l’assurance-accident, de l’assurance-vieillesse et de l’assurance-chômage. Ces quatre sortes d’assurances sociales sont financées par les cotisations des employeurs, des travailleurs salariés et des travailleurs indépendants quant à l’assurance-chômage.

Le caractère général, obligatoire et égalitaire de ces assurances sociales permet une réduction très sensible des disparités sociales par l’instauration d’une solidarité horizontale entre les différentes catégories des travailleurs en particulier et entre les membres de la communauté nationale en général. L’État social-démocrate remplit la fonction de redistribution des richesses entre les diverses catégories des travailleurs et des membres la société. En organisant une solidarité verticale entre les hauts et les bas revenus.

Et ce, au moyen de la politique de solidarité salariale et de progressivité de l’impôt qui permet des transferts importants de revenus des riches vers les pauvres. Le taux élevé de l’impôt marginal, les écarts relativement faibles entre les revenus et un système très élaboré de protection sociale font de la Suède, de la Norvège, du Danemark, de la Finlande, de l’Islande, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande des pays où les différences de niveau de vie de la population sont exceptionnellement faibles.

COHÉSION SOCIALE.
Passé le seuil des économies de pénurie, les stimulants de la conquête sociale ne s’arrêtent pas seulement aux revenus financiers et aux assurances sociales. Le régime social-démocrate assure régulièrement à la population institutions d’enseignement et de santé de tous les niveaux, soins de santé, logements sociaux, routes, ponts, stades, crèches, parcs de loisirs, etc., de haute qualité. L’école obligatoire d’une durée de 9 ans par exemple, instaurée en Suède en 1962, a asséné un coup fatal à l’analphabétisme et aux discriminations sociales entre les écoles jadis fréquentées par les enfants des riches et celles où se retrouvaient ceux des pauvres.

Depuis lors, tous les enfants suédois, quelles que soient leurs origines sociales, étudient dans les mêmes écoles, suivent le même système et le même programme d’enseignement. Avec le temps, cette idée de marche vers l’égalité sociale est devenue un dogme. Même les bourgeois, les conservateurs et les ultra-conservateurs, qui s’y opposaient au départ, se gardent bien d’y toucher aujourd’hui.

Car, les programmes sociaux sont toujours conçus et fonctionnent de façon à couvrir toutes les classes sociales plutôt que les seules classes sociales en difficulté. La quête incessante de l’égalité sociale a sa contrepartie : une très forte pression fiscale. Le plus petit des salariés suédois, par exemple, paie en impôts deux mois de son salaire annuel ! Les recettes fiscales de la Suède sont les plus élevées au monde. Elles représentaient, en 1989, 56,8 % du PIB contre 43,9 % à la France, 38,1 % à l’Allemagne, 36,5 % au Royaume-Uni et 29,8% aux États-Unis. Cette lourde fiscalité, bien qu’ancrée dans les mentalités, offusque les citoyens et les opérateurs économiques qui comprennent que cette lourde fiscalité sert à dégager les ressources financières indispensables au développement accéléré des besoins sociaux de base.

Sous le régime social-démocrate, la justice sociale et l’équité, régulées par l’État, constituent le moteur principal du développement durable, de la cohésion nationale des États et de la cohésion sociale des communautés. Toutes les classes sociales vivent, concrètement et indistinctement, toutes les libertés fondamentales dans la stricte responsabilité individuelle et publique. Dont le suffrage universel qui est le mode consacré d’accession au pouvoir et aux postes politiques fondamentaux.

Ce régime génère, par le biais de la force de travail de tous, d’abondantes richesses. Certes, celles-ci vont d’abord et généralement se loger dans les poches des propriétaires des moyens de production et d’échange tels que le Suédois Ingvar Kamprad, le fondateur et le principal propriétaire aux 37 milliards d’euros de la multinationale Ikea. Mais, par l’application rigoureuse des principes de justice sociale et d’équité, le régime social-démocrate fait du social la substance même de son action politique et économique. Visant foncièrement la cohésion sociale, l’État social-démocrate est toujours à la recherche d’un certain équilibre entre les différentes classes sociales. Il s’efforce, en tant qu’État-éthique, de redistribuer équitablement le pouvoir et surtout les richesses nationales entre les diverses classes sociales.

En réduisant très sensiblement les inégalités dans les domaines politique, économique, social et culturel. En favorisant l’émergence d’une très large classe moyenne par l’enrichissement général des différentes parties du pays et couches de la population. La social-démocratie apparaît, dans le contexte mondial actuel, comme ce régime politique qui réalise le mieux possible les principes clés de liberté, d’égalité et de solidarité aboutissant à l’idéal sacré de cohésion sociale pourtant également envisagé par les régimes politiques de pure démocratie libérale et de pure démocratie populaire souvent déchirés par des conflits sociaux. En conclusion, nul n'accepterait que l'État serve primordialement de courtier du grand capital comme sous la démocratie libérale.
MUSENE SANTINI BE-LASAYON.


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