- jeu, 06/02/2025 - 15:47
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1628|LUNDI 3 FEVRIER 2025.
C'est la toute première fois que le secrétaire général des Nations Unies, le Portugais Antonio Guterres désignait le Rwanda - les Forces rwandaises de défense qu'il appelait à se retirer du territoire congolais et à cesser leur soutien au groupe armé M23, joignant sa voix à celle de plusieurs membres du Conseil de sécurité des Nations Unies. Ce dimanche 26 janvier, Guterres s'est dit «profondément préoccupé par l'escalade de la violence», selon un communiqué de son porte-parole.
Antonio Guterres avait jusqu'à présent, dans ses déclarations publiques, fait référence aux conclusions d'un rapport de référence d'experts de l'ONU mettant en lumière le rôle du Rwanda aux côtés du « mouvement du 23 mars», M23 engagé dans des combats contre l'armée congolaise au Nord Kivu.
Mais n'avait jamais explicitement appelé les forces rwandaises à cesser leur soutien et à se retirer. Antonio Guterres a «rappelé que les attaques contre le personnel des Nations unies peuvent constituer un crime de guerre», a déclaré son porte-parole, alors que trois Casques bleus venaient d'être tués. Lors d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité dimanche 26 janvier, plusieurs États membres ont pointé du doigt le Rwanda, notamment la France, les États-Unis et le Royaume-Uni. Mais d'autres n'ont pas nommé Kigali, comme la Chine ou les États africains.
Le Conseil dans son ensemble n'avait jusqu'à présent jamais accusé le Rwanda de prendre part directement au conflit, se contentant de souligner l'importance de l'intégrité territoriale du Congo.
À la suite de ce nouveau contexte, l'ambassadeur de France à l'ONU Nicolas de Rivière a indiqué travailler sur une déclaration du Conseil pour «appeler un chat un chat», en référence au Rwanda.
«La France appelle l'ensemble du Conseil de sécurité à se mobiliser et à condamner d'une même voix cette menace grave à la paix et à la sécurité régionale et internationale», a-t-il plaidé.
«CINQ DEMANDES URGENTES».
La ministre congolaise des Affaires étrangères congolaises Thérèse Kayikwamba Wagner est allée plus loin. Elle a demandé au Conseil d'imposer des sanctions économiques et politiques contre Kigali, notamment des gels d'avoir et interdictions de voyage contre des responsables militaires et politiques, et un «embargo total sur les exportations de minerais étiquetés comme rwandais, en particulier le coltan et l'or».
Extrait de la déclaration de la ministre congolaise faite mardi 28 janvier devant le Conseil de sécurité. Ci-après :
«Les dernières vingt-quatre heures, plus de cent blessés ont été accueillis dans les centres de santé du Comité International de la Croix Rouge et la situation humanitaire continue à se dégrader avec plus de cinq cent mille nouveaux déplacés dans les Provinces du Nord et Sud-Kivu pour le mois de janvier uniquement.
Les Forces de Défense Rwandaises, RDF, et leurs supplétifs du M23 ont franchi nos frontières, occupent nos villes et nos villages, chassent nos compatriotes de leurs foyers et installent une administration parallèle en violation du droit international et ce, en violation des positions claires de ce Conseil. Jusqu'à quand le Rwanda continuera-t-il d’abuser de votre respect et de votre autorité ? Quel instrument international doit-il encore violer pour que ce Conseil prenne enfin les mesures nécessaires contre Kigali ?
De la Charte des Nations Unies, au droit international humanitaire, aux droits de l’homme, en passant par les processus de paix de Luanda et de Nairobi, le Rwanda a prouvé que vos déclarations ne lui importent guère. Le cessez-le-feu du 04 août 2024 n’a été, pour lui, qu’une chimère, et il s’est permis d’ignorer vos avertissements du 26 janvier 2025, allant jusqu’à bombarder des hôpitaux et des maisons dans la ville de Goma.
Pas plus tard que dimanche 26 janvier, le Rwanda, pays contributeur en troupes des Nations Unies, par le truchement de son représentant, a considéré ce Conseil comme complice de sa déstabilisation, allant jusqu'à associer la Monusco à cette démarche invraisemblable. Si cette stratégie a porté des fruits par le passé, le temps de la manipulation et du mensonge est désormais révolu.
La vie de la population civile, privée de moyens de subsistance depuis maintenant quatre jours à Goma, dépend des décisions que vous devez prendre aujourd’hui. Nous ne sommes pas venus aujourd'hui vous dire ce que vous ne connaissez pas. Mais nous sommes venus vous demander de prendre le courage de faire ce qui est droit et ce qui est dans vos prérogatives. Les vies des civils ne peuvent pas être pendus à la machinerie politicienne qui observe sans agir. Nous exigeons des actions.
Reconnaître la responsabilité du Rwanda dans les violations multiples de notre souveraineté, ainsi que dans les atrocités qu’il commet, a été insuffisant pour qu’il cesse sa poursuite du conflit. Les victimes ne sont plus seulement congolaises. Le Rwanda a frappé l’Afrique et l’Amérique latine en tuant des militaires sud-africains, malawites et uruguayens venus protéger les civils. Il a frappé ce Conseil en tuant des casques bleus de la Monusco.
N’est-ce pas une preuve suffisante pour vous que lors de chacune des réunions convoquées par ce Conseil, la liste des orateurs regorge de pays d’Afrique et d’ailleurs, cherchant à vous pousser à agir? Dimanche, c’était l’Afrique du Sud, le Burundi, l’Uruguay. Aujourd’hui encore, nous sommes rejoints, dans un esprit de solidarité, par nos frères et sœurs de l’Angola, de l’Afrique du Sud, de l’Uruguay, du Guatemala, du Zimbabwe, du Sénégal et du Burundi. Tous ont répondu, car l’humanité est en jeu. Tous sont venus voir ce que vous allez faire.
À quel seuil de catastrophe humanitaire et de violations flagrantes de notre territoire devrez-vous enfin agir pour sanctionner les responsables du M23, les officiers rwandais et leurs complices ? Si ce conseil ne sanctionne pas, l’histoire marquera ce temps comme l'époque de l’impuissance et de l'indifférence du Conseil de Sécurité. Le droit de rachat de ce conseil sur cette crise n’est nulle part ailleurs que dans ses actions immédiates.
Et déjà, nous voyons venir une manœuvre prévisible : le Rwanda, qui a délibérément dirigé cette guerre sur le territoire d’un autre État souverain, le nôtre, commence à revendiquer que les combats atteignent son propre sol. Mais que pouvait-il espérer ? Une guerre ne connaît pas de frontières. Elle est sale, elle consume tout sur son passage, les forts comme les faibles.
Les soixante-douze dernières heures ne sont qu’un échantillon de la tragédie régionale qui menace. Une tragédie que le peuple congolais connaît depuis des décennies. Une tragédie nationale que ce Conseil peut encore arrêter et une tragédie régionale que ce conseil peut prévenir par une action résolue et courageuse. Certains voudraient faire croire que l’inaction est une solution africaine.
Nous sommes un pays africain sous attaque. Mais cette attaque dépasse nos frontières. Elle est une attaque contre le multilatéralisme, contre les principes même des Nations Unies, contre chacun de nous. Laisser cette crise s’enliser sous prétexte qu’elle serait «un problème africain nécessitant une solution africaine» revient à trahir l’esprit de solidarité internationale qui fonde cette Organisation et l’esprit de responsabilité de sécurité collective qui justifie même votre présence comme membre de ce Conseil. Nous réitérons avec insistance nos 5 demandes urgentes :
Un, le retrait immédiat des troupes rwandaises et la cessation des hostilités.
Deux, la mise en place de sanctions ciblées contre la chaîne de commandement des RDF et les décideurs politiques rwandais.
Trois, l’imposition d’un embargo sur les ressources naturelles déclarées comme rwandaises, en particulier le coltan et l’or.
Quatre, la révocation du Rwanda en tant que contributeur de troupes aux Nations Unies. Cette histoire On ne peut être à la fois agresseur et prétendre jouer un rôle dans la promotion de la paix.
Cinq, la transparence totale sur les transferts d’armes au Rwanda. Ces transferts doivent être arrêtés immédiatement pour empêcher qu’ils continuent à alimenter la violence et l’instabilité.
Nous sommes ici parce que c’est ici que le monde doit gérer ces défis. Si ce conseil échoue, la rue va s’en charger. Comme vous le savez très bien, la rue n’a pas d’ordre, ni de tempérament. Il y a 48 heures, devant ce Conseil de Sécurité, nous avons une nouvelle fois attiré votre attention sur la déclaration de guerre du Rwanda contre mon pays. Une balle qui frappe dans le cœur ne saurait laisser le reste du corps indifférent. La République Démocratique du Congo est en guerre, et face à cette agression, l'inaction collective semble malheureusement embraser cette situation jusque dans sa capitale. (...).
L’indifférence n’est plus une option. Ce conseil ne devrait se permettre de rester passif, car chaque jour sans réponse concrète fait grandir le prix du silence. Le moment est venu pour ce Conseil de démontrer son courage et son engagement. L’histoire retiendra vos choix. Que cette assemblée soit le rempart de la justice et de la dignité humaine».
Deux réunions du Conseil de sécurité des Nations Unies à New York en urgence et en 48 heures, les 26 et 28 janvier 2025, sur la guerre du Rwanda au Congo. Nul doute, un succès pour la forme pour le Congo qui en a pris l'initiative. Qu'en dire sur le fond? Attendons d'en savoir plus au sommet (convoqué en urgence) SADC-EAC.