- mar, 15/12/2020 - 18:28
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1511|MARDI 15 DECEMBRE 2020.
Dans les relations internationales, tout est rapport de force. De même seuls les intérêts priment, eux qui sont éternels. Au Congo, engagés à protéger et à défendre leurs intérêts, jamais les Occidentaux ne feront rien à moitié et ne s’arrêteront en si bon chemin.
C’est pour n’avoir pas tenu compte de cette donne que d’aucuns expliquent les difficultés au sein des PPRD-FCC dont la page est en train d’être inexorablement tournée, tout au moins dans sa forme actuelle.
UN REGIME
DE PREDATION.
L’Occident avait ouvert la voie au départ de Mobutu et souhaité un changement avec le père Kabila voulu comme un homme de transition mais ses excès nationalistes, l’absence de vision, les querelles avec l’extérieur expliquent son bref passage au pouvoir. Après son assassinat dans le bureau de sa résidence du Palais de Marbre resté à ce jour non élucidé, une après-midi du 16 janvier 2001, soit, quarante ans après jour pour jour l’assassinat du Premier ministre Lumumba, ce sont des armées sous-régionales en tête angolaises qui imposent le choix du fils à la succession du père.
Un fils politiquement trop fragile, contesté, ne parlant pas la langue Lingala la plus répandue du pays, qui reçut cependant appui de la communauté internationale et mission de renouer le dialogue avec les multiples rébellions du Nord et de l’Est. Ce fut le dialogue inter-congolais qui passa par Lusaka, Gaberone, Addis-Abeba, puis Sun City en Afrique du Sud et donna lieu à l’«Accord Global et Inclusif de Prétoria» signé le 2 avril 2003 à Sun City.
Jamais tout au long de cette crise, les Occidentaux n’avaient abandonné l’ex-Zaïre, bien au contraire. Si, ce sont les puissances régionales - sud-africaine et angolaise - qui agissaient, comme lors du débat en 2018 consistant à savoir si Joseph Kabila pouvait encore se représenter ou non, les Occidentaux veillaient au grain, finançant, via diverses organisations, ces rencontres, s’assurant qu’elles ne déborderaient pas de leurs objectifs initiaux.
C’est rêver de s’imaginer qu’on peut s’appeler Congo, être situé au centre et au cœur du Continent, disposer d’un sol et d’un sous-sol dotés d’une telle richesse dont dépend l’avenir du monde, avoir échoué, soixante ans après les indépendances, à ériger un pays au cœur du monde émergent, à le mettre sur un cap du développement économique et social qui inspire le respect des Nations, et croire que vous pourriez vous passer des Nations du monde en invoquant un nationalisme porté par un régime de prédation rarement imaginé dans le monde.
Si la chute de Mobutu a ouvert une période de transition, il faut savoir que l’Occident est désormais puissamment de retour au Congo.
Les élections de décembre 2018 avaient donné le go en refermant la page Kabila et l’entrée en scène du nouveau président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo mais les manœuvres des caciques du régime honni qui cherchent à bloquer les réformes annoncées par le nouveau président font consensus au sein de la communauté internationale appelée à se ranger derrière le nouveau pouvoir. D’où l’unanimité qui s’observe désormais et le rejet de la Kabilie.
Si la Chine dit «soutenir les efforts de la communauté internationale en faveur du dialogue et pour préserver la stabilité au Congo» tout en appelant au respect de la souveraineté du Congo, selon ce qu’écrit sur son compte Twitter l’ambassadeur Zhu Jing accrédité à Kinshasa, relayant la déclaration de la mission chinoise aux Nations-Unies, Américains, Français, Canadiens, Japonais, Sud-coréens, Belges, etc., appellent tous à appuyer le mouvement de changement qui s’opère dans le pays.
«La RDC a l’occasion historique de mener à bien les réformes nécessaires qui apporteront le changement que les Congolais souhaitent. Les Etats-Unis appuient les efforts visant à atteindre cet objectif et appellent tous les acteurs à saisir cette opportunité et de s’abstenir de toute violence», écrit sur son compte Twitter l’ambassadeur américain Mike «Nzita» Hammer (@USAmbDRC, @MikeHammerUSA) relayant le tweet de Mr Afrique de l’administration Trump, Tibor Nagy («We support the ongoing democratic process with a view for what is best for DRC’s future. It is paramount that all parties refrain from violence and that political leaders listen to the voices of the Congolese people, who are calling for change» @AsstSecStateAF).
«La France soutient les réformes engagées par le Président Tshisekedi et appelle toutes les parties prenantes à un débat politique apaisé», écrit l’ambassade de France sur son compte Twitter @AmbaFranceRDC.
«Soutien total de la #France aux nouveaux engagements pris par le Président Tshisekedi dans la lutte pour le climat. Tous solidaires, nous n’avons qu’une planète» @AmbaFranceRDC (12 déc. 2020).
PRESSIONS EN
ACCENTUATION.
L’ancienne puissance coloniale belge se dit «prête à contribuer à la mise en œuvre des importantes réformes présentées suite aux consultations menées par le Président Tshisekedi. Nous encourageons l’ensemble des acteurs à relever ce défi pacifiquement et dans le dialogue» @BelgiumMFA.
L’Union Européenne, EU en sigle, par le compte de son ambassadeur au Congo Jean-Marc Châtaigner n’en dit pas moins en écrivant son compte Twitter : «Encourager toutes les parties prenantes en RDC à œuvrer pacifiquement, en respectant le cadre constitutionnel et acquis démocratiques en place depuis l’alternance de 2019, à la réalisation des réformes demandées par le peuple congolais lors des consultations politiques présidentielle» @Jmchataigner (Jean-Marc Châtaignier, ambassadeur de l’UE en RDC).
«J’ai rencontré aujourd’hui le Chef de l’état @fatshi13 #RDC pour lui faire part du soutien de l’Union européenne à l’ambitieux programmer de réformes qu’il a annoncé à l’issue des consultations politiques, que nous souhaitons accompagner, notamment en matière de paix & sécurité», écrit l’ambassadeur de l’UE sur son compte Twitter.
«La République démocratique du Congo a besoin d’institutions stables et fonctionnelles se remettant au travail le plus possible et se concentrant sur le relèvement économique national et la stabilisation de l’est du pays», écrit la @MONUSCO, citant l’Algérienne Leila Zerrougui, la représentante au Congo du Secrétaire général des Nations Unies.
En toute logique, le 11 décembre, le Conseil de l’UE a annoncé avoir prolongé d’une année, jusqu’au au 12 décembre 2021, les mesures restrictives imposées à une dizaine de personnalités congolaises faisant suite à des violations des droits de l’homme commises avant la tenue des élections générales en 2018.
Ces mesures comprennent gel des avoirs et interdiction d’entrer dans le territoire de l’UE. Parmi ces personnes toutes proches de l’ex-président Kabila, des politiques (Emmanuel Ramazani Shadari, Evariste Boshab Mabudj, Kalev Mutond, Alex Kande Mupomba, Jean-Claude Kazembe Musonda) mais aussi des officiers de l’armée (Gabriel Amisi Kumba, Célestin Kanyama, John Numbi, Eric Ruhorimbere, etc.).
Il ne faut pas s’attendre à ce que les Etats-Unis qui disposent de leur propre liste lèvent le pied sur les sanctions infligées au président de la CENI Corneille Nangaa Yobeluo, à son adjoint Norbert Basengezi Kantintima, au fils de celui-ci, Marcellin Basengezi, à l’ex-président de l’Assemblée nationale Aubin Minaku Ndjalandjoku et à l’autre ex-président de la Cour constitutionnelle Benoît Lwamba Bindu.
Washington accuse ces personnes d’avoir mutualisé leurs intelligences en gonflant «de 100 millions de $US les coûts du contrat de la machine à voter».
L’administration américaine les soupçonne aussi d’avoir détourné des fonds destinés à financer les opérations électorales. Une partie de l’argent détourné aurait servi à l’enrichissement personnel des personnalités concernées, une autre à des pots-de-vin, notamment versés à des juges de la Cour constitutionnelle pour qu’ils valident le report des élections. Le reste de l’argent aurait financé la campagne électorale du dauphin de Kabila, Emmanuel Ramazani Shadari.
Nangaa et son équipe sont accusés d’avoir «pris des mesures qui ont ralenti l’inscription des électeurs, facilitant ainsi le retard des élections». Au fur et à mesure que les enjeux se font plus précis, les Occidentaux pourraient être tentés d’accentuer les pressions sur la Kabilie jusqu’à envisager toute autre hypothèse. Il arrive hélas! qu’on l’oublie mais l’Histoire reste un éternel recommencement.
D. DADEI.