- lun, 18/09/2017 - 03:50
Imperturbable! Nangaa s’emploie à préparer l’opinion en vue d’une thérapeutique de choc. Il réprouve le système électoral pervers en vigueur qui incite des candidats fantaisistes. La CENI veut construire une réalité calendaire qui colle mieux aux réalités congolaises.
Ne dites pas Nangaa Machine, dites Malumalu Machine.
L’homme à l’allure de gladiateur affiche la posture modeste...
Devant un parterre de patrons de presse triés sur le volet invités à la Maison des Elections en plein cœur des affaires ce mardi 5 septembre à 10 heures au lendemain d’une visite attendue dans le Kasaï dévasté, auxquels il a joint des têtes couronnées - personnalités d’influence - Nangaa ne restera pas carré vissé sur une chaise de commerce. Il joue le Steve Jobs de 2007.
Flanqué de son staff, s’étant assuré pour la journée cette salle du centre-ville, pause café et déjeuner banquet à la clé, il réclame le micro sans fil. Face à un écran géant, le président de la CENI entame son chemin de croix qui consiste à convaincre l’assemblée d’hommes de média qu’il croit composée de maîtres à penser capables de lever et de mobiliser des foules.
Dans un pays où les médias sont politiquement émiettés et stipendiés, incapables de faire consensus, le pari paraît impossible. Qu’importe! Le but, à proprement parler, ne consiste pas à convaincre mais à informer, à prendre date. S’il faut un passage en force, peu importe! Dans l’opposition, le débat n’a-t-il pas lieu d’ores et déjà? Celui qui pousse une dictature éclairée à l’Atatürk! L’exemple angolais, brazza-congolais, ougandais et, à l’extrême, rwandais, commence à faire des émules. D’aucuns ont eu tort de voir le chemin dégagé, se laissant convaincre de commencer la course...
Immense gâchis!
Nanga Machine? Malumalu Machine? Nangaa recadre: «Si Malumalu n’était pas né, si je n’étais pas sorti de la cuisse de Jupiter (entendez: s’il n’avait pas squatté dans l’antichambre du prêtre trop tôt arraché à l’affection des siens), cette machine inventée par des Congolais, pour des Congolais, fabriquée dans la lointaine et ingénieuse Asie du Sud-Ouest, en Corée du Sud, n’aurait pas vu le jour».
ENGONCE AU CONTEXTE.
Dès le départ, le prêtre catholique de Beni-Butembo, dans le Grand Nord, avait voulu marquer son territoire. Celui qui fut cité en exemple en Afrique pour son expertise en matière électorale qui, à la veille de sa disparition, fonda un Institut électoral d’Afrique, voulut inventer un système engoncé dans le contexte congolais, une immensité territoriale dépourvue d’infrastructures, une course effrénée pour la chose publique, des listes électorales ressemblant à des annuaires téléphoniques, une pauvreté extrême et, ce qui s’ensuit, mortalité infantile, choléra, fièvre jaune, tuberculose, absence d’eau potable, etc., qui font des ravages et donnent du travail aux croque-morts dans les cimetières plutôt qu’au secteur productif.
Faut-il continuer de jeter le peu d’argent par la fenêtre? Quand le budget des élections est d’environ US$400 millions au Kenya, €300 millions en Côte d’Ivoire (pays qui disposent d’infrastructures et de budgets nationaux plus confortables), que le Burkina Faso s’en tire avec €35 millions, pourquoi celui de la RdCongo affiche US$1 milliard 300 millions?
Mais cette doctrine Malumalu dont Nangaa se prévaut légataire est-elle toujours fondée? N’est-elle pas assise sur des réalités introuvables? Quand il rebute une représentation disproportionnelle, ignore-t-il que nos assemblées sont nées, dans certaines de leurs rangées, de l’imagination fertile d’agents électoraux instrumentalisés? Comment partir sur cette fausse base pour construire une théorie savante?
N’empêche! Imperturbable Nangaa! Il peut désormais se frotter les mains. Peu à peu, en dépit de critiques qu’il essuie jour après jour notamment d’une frange extrême de l’opposition, sa CENI avance, mieux, est en passe d’atteindre ses objectifs initiaux. Le premier - et sans doute le principal: parvenir à organiser les meilleures élections que le pays ait jamais à ce jour organisées. Au Dialogue de la Cité de l’Union Africaine, le président de la CENI l’avait promis.
TRES CRITIQUE DE MULUNDA.
Lors de la présentation de son calendrier électoral ce samedi 1er octobre 2016 peu avant midi, les yeux pleins d’émotion, Corneille Nangaa Yobeluo demande à la plénière qu’elle l’aide à qualifier les scrutins du 28 au 30 novembre 2011, ceux de l’un de ses prédécesseurs, le pasteur méthodiste Daniel Ngoy Mulunda Nyanga qui se vante d’avoir «sauvé le pays du chaos» en «livrant un combat patriotique».
«Il nous faudra sans doute leur trouver une appellation», assure-t-il sous un chapiteau consentant. Avant de se targuer de tirer profit de «la meilleure expertise interne et externe» et sa présentation «construite autour des intelligences consacrées dans le domaine» (Le Soft International n°1375 daté mardi 11 octobre 2016).
Au lendemain de cet oral, Le Soft International avait écrit: «Corneille Nangaa Yobeluo a eu raison de tout le monde. Opposition prenant part au Dialogue qui a déposé les armes aux pieds des réalités techniques imparables, celle du Conclave de Limeté qui va, comme on s’y attend, se joindre au Dialogue convoqué par le Président de la République, l’opposant Vital Kamerhe Lwa-Kanyiginyi, co-modérateur qui a, à l’issue de la démonstration, eu ces mots à la bouche: «avec la technique, on ne triche pas». Ou ce Jean-Lucien Bussa Tongba qui a peaufiné sans cause sa dissertation mais c’est le secrétaire général du PPRD Henri Mova Sakany qui lui a trouvé une juste tranquille réplique: «Corneille Nangaa Yobeluo a administré une magistrale leçon électorale aux politiciens congolais».
Quand l’un de ses adjoints Emmanuel Ramazani Shadari surenchérit: «La matière électorale est à ce point éminemment technique qu’il ne faut pas chercher à la politiser». Inutilement...
Pour ces scrutins qu’il veut «les meilleurs» qui aient pu être organisés au Congo, ce jour-là, Nangaa avait réclamé un délai d’au moins 504 jours consolidés incompressibles (en réalité entre 784 et 646 jours) en vue de tenir la présidentielle, les législatives, les provinciales, les municipales et les locales le même jour, suivis des indirects, les gouverneurs de provinces et le Sénat si les contraintes techniques et financières le permettent. Il ne voulait en aucun cas, donnant raison à l’opposition, laisser de côté les 10 millions d’électeurs attendus, les jeunes ayant atteint l’âge de voter.
Modérateur à la Cité de l’UA, l’ancien secrétaire général de l’OUA, le Togolais Edouard Edem Kodjo, prévient: «Une date n’est qu’une date, rien d’autre. Elle sera tenue si nous construisons avec panache notre chemin critique pour y arriver».
A ce Dialogue, Nangaa insiste pour que la classe politique ait «une perception dynamique du processus» qui éviterait «le fétichisme des dates qui augmente la pression sur les acteurs, fait dévier les actes attendus de la trajectoire voulue». Et réclame des «efforts de rationalisation» pour «construire une réalité calendaire».
S’il n’a, à ce jour, jamais obtenu le délai réclamé de la part d’une classe politique soucieuse d’une posture publique sexy, Nangaa ne semble cependant pas loin de placer le pays et ses partenaires financiers extérieurs face à leurs responsabilités historiques.
PARFAIRE LE PROCESSUS.
Ainsi, si en 2006, le Congo en était à un peu plus de 25 millions d’électeurs (25.420.199) et, en 2011, à un peu plus de 34 millions (34.566.626), en succédant après l’intermède de la disparition de l’abbé Malumalu, Nangaa avait tôt remonté la barre: 40 millions d’électeurs au moins.
Mardi 5 septembre devant ses invités des médias, à la Maison des Elections, Nangaa il estime le niveau d’enrôlement atteint à ce jour à 40.868.384 sur une prévision de 41.135.072 Congolais attendus dans les bureaux d’enrôlement. Une réalisation de 99,4% dont 48% de femmes et 52% de femmes.
Ces chiffres ont été obtenus après la clôture des opérations dans treize provinces (Nord Ubangi, Sud Ubangi, Mongala, Equateur, Tshuapa, Ituri, Maniema, Nord Kivu, Sud Kivu, Tanganyka, Haut Lomami, Lualaba, Haut Katanga) alors qu’elles se poursuivaient encore dans dix autres (Bas Uele, Haut Uele, Tshopo, Maï Ndombe, Kinshasa, Kongo Central, Kwilu, Kwango, Sankuru, Lomami).
La veille 4 septembre, la centrale électorale avait lancé ses opérations dans deux provinces (Kasaï et Kasaï Central) et dans deux territoires de la Lomami (Kamiji et Luilu) dévastés par les Kamwina Nsapu.
Signe que la CENI va annoncer des chiffres historiques: 44 voire 45 millions de Congolais enrôlés. Chiffres impressionnants susceptibles de changer la donne. Avec son arsenal législatif actuel, la CENI a-t-elle les moyens de faire face?
On comprend mieux l’appel pathétique du président de l’Assemblée nationale à ses «Chers Collègues Députés nationaux» les invitant à «prendre la parcelle de responsabilité qui nous incombe afin de doter la Commission
Electorale Nationale Indépendante de tout l’arsenal législatif dont elle a besoin en vue de parfaire le processus électoral sus-indiqué».
Il faudra encore attendre le traitement et la consolidation de ces résultats pour disposer de chiffres définitifs. Une phase qui passe par un système automatique de détection de doublons via le procédé ABIS (Automated Biometric Identification System, système automatique d’identification biométrique) qui, une fois lancé, recherche les doublons éventuels, les identifie, procède à leur vérification, les valide ou non (adjudication).
Six provinces devraient faire l’objet d’une attention particulière: Sankuru, Tshuapa, Lomami, Equateur, Mongala, Lualaba qui ont réalisé des taux respectivement de 212,3%, 149,9%, 131,5%, 124%, 117,8% et 117% suspects aux yeux de certains.
Mais la CENI veut surtout à son titre de conseil électoral du Gouvernement et du Parlement, appeler à engager des «efforts de rationalisation» permettant de «construire une réalité calendaire» conforme au contexte du pays.
Nangaa qui a déployé devant les patrons de presse son projet de réforme qu’il s’apprête à soumettre au Parlement après l’avoir présenté et fait valider par un team de parlementaires et de membres du Gouvernement, souhaite, par ses propositions, que les finances ne puissent plus jamais constituer un frein à la tenue d’élections dans notre pays. Cette nécessité de rationalisation a fait l’unanimité aussi bien à la Cité de l’UA qu’au Dialogue des évêques catholiques, dont l’accord de la Saint-Sylvestre appelle les signataires à «explorer les voies et moyens de rationalisation du système électoral pour réduire les coûts excessifs des élections».
A ce jour, le budget des élections congolaises est estimé par la CENI à US$ 1.332.621.679,51 dont US$ 400.821.568,80 pour la révision du fichier électoral, US$ 526.840.864,53 pour la tenue des trois scrutins directs combinés et US$ 377.810.261,43 pour les scrutins directs municipal, urbain et local.
Nangaa est sans appel: «Jamais cet argent ne pourra être mis à la disposition de la CENI» par aucun Gouvernement. Ajoutant, à toutes fins utiles, que lui et son personnel accusent trois mois d’arriérés de salaires, que, ce qu’il redoutait le plus, est qu’un matin, on lui annonce un mouvement de grève du personnel. Ce qui aurait pour conséquence de plomber le processus...
UN «BUDGET ABERRANT».
Puis: «Ce budget est simplement aberrant». Quand le budget du pays peine à atteindre US$ 4 milliards, nul ne voit un Gouvernement responsable mettre autant d’argent!...
Il y a d’autres raisons qui poussent la CENI à militer pour une réforme.
Aux yeux de la centrale électorale, le système électoral en vigueur dit de la proportionnelle avec la règle du plus fort reste, n’est pas «vraiment proportionnel». Ce système a «entraîné une série d’effets pervers et paradoxaux». Tels l’émiettement de la classe politique, l’augmentation spectaculaire du nombre de partis politiques - ils seraient, aux dernières nouvelles, à près de 700, un chiffre certes qui dépasse tout entendement -, la dégradation de l’indice de représentativité, la sous-représentation des grands partis politiques (avec surreprésentation des petits partis avec représentation disproportionnelle et 92% des listes gagnantes n’ayant pas atteint le quotient électoral), le vote des citoyens serait de moins en moins politique, une situation de disproportionnalité (grandes différences de voix entre candidats gagnants) et, pour couronner le tout, des candidatures trop fantaisistes.
Sur l’émiettement de la classe politique, tonne Nangaa, le mode de scrutin a donné une image faussée du pluralisme politique.
Si les 500 députés de 2006 viennent de 132 origines politiques (69 partis politiques et 63 indépendants), ces scrutins avaient mis en course 215 partis et 769 candidats indépendants (ils étaient 195 partis politiques et 678 indépendants aux provinciales mais 81 partis politiques et 40 indépendants avaient gagné dans les assemblées provinciales).
En 2011, l’Assemblée nationale comptait 108 partis politiques et 13 indépendants alors que 355 partis politiques et 538 indépendants avaient concouru aux élections. Pour la CENI, cet «émiettement politique a contribué à la paralysie des institutions et à l’instabilité politique. Il a conduit à une forte fragmentation politique à l’Assemblée nationale et à une fracture de la classe politique».
De 2006 à 2015, le nombre de partis a fait un bond en avant passant de 232 à 538.
A la base de cette inflation, la facilité de devenir député a conduit des aspirants politiciens à créer un parti politique.
Selon la CENI, le système a favorisé la poussée des partis politiques «marginaux et fantaisistes». De 2006 à 2011, leur nombre est passé de 212 à 355, les partis n’ayant gagné aucun siège passant de 143 à 247 au cours de la même période.
La dégradation de l’indice de représentation fait que 319 députés (72,7%) ont été élus selon la règle du plus fort reste alors que 282 listes n’avaient pas atteint le quotient électoral requis, 70 listes ont atteint ce quotient.
En 2006, 483 députés provinciaux (80,9%) ont été élus d’après cette règle alors que 71 listes ont atteint le quotient électoral quand 473 listes ne l’ont pas atteint.
En 2011, aux Législatives nationales, 393 députés (87,5%) ont été élus selon la fameuse règle mais 393 listes n’ont pas atteint le quotient électoral, 56 listes seulement l’ayant atteint.
Sur la représentation disproportielle, la CENI estime que dans la répartition des sièges, un mode de scrutin doit respecter l’ordre d’arrivée en nombre de voix. Or, le PPPD qui a obtenu au niveau national 9.120 voix de moins que le PALU s’est fait octroyer 13 sièges de plus. De même, le MLC qui a obtenu 28.198 voix de moins que l’UNC a levé 5 sièges de plus. Il en est de même de l’ARC qui a obtenu 57.437 voix de moins que l’ECT mais engrangé 7 sièges de plus. L’ACO qui a réalisé 2.139 voix de moins que le MCR a levé 4 sièges de plus. Le NAD qui a fait 7.812 voix de moins que le SCODE a été crédité de 4 sièges de plus. Des travers de ce système électoral? Comme s’il en pleuvait...
Dans cette critique en règle, la CENI ne s’arrête pas en si bon chemin. La centrale électorale est très remontée contre le phénomène de transhumance avec des candidats sans cesse sur le départ, passant d’un parti à un autre, qui ont postulé à plus d’un scrutin sous deux voire plusieurs draperaux. Ils sont 20.368 (80,4%) ayant changé au moins une fois d’étendard (18.021 candidats), deux fois (2. 242), trois fois (101), quatre fois (4). Sur un total de 25.328 concourants.
L’existence des plate-formes sans soubassement idéologique agace également la CENI qui lui trouve l’origine dans une loi trop permissive! La centrale électorale réprouve ces alliances contre nature remontant à 2006 «réunissant des univers politiques diamétralement opposés».
Officiellement, l’UDPS et le PPRD se proclament de la social-démocratie à l’Angela Merkel et assistent aux messes de l’Internationale. En interne, ils se détestent paradoxalement si cordialement qu’ils ne sauraient évoluer au sein d’un même regroupement et ne saurait gouverner ensemble. Mieux, l’un a pris la tête de l’opposition, l’autre, celle de la majorité au pouvoir. De même, si l’ARC et l’ANADER se revendiquent du courant libéral à la Louis Michel-Didier Reynders, adhérant en principe aux mêmes valeurs idéologiques, on les retrouve dans deux regroupements antagonistes.
Est-ce faute à la Loi? De ce point de vue, le débat qui se profile au Parlement sera très intéressant...
Sur la disproportionnalité, en 2006 à Lubumbashi, le PPRD a gagné 5 sièges en réalisant 175.254 voix quand six autres partis (CODECO, Indépendant Edo Kasongo, PDSC, Indépendant Banza Mukalayi Nsungu, UNAFEC, MLC) se sont arrogés 6 sièges avec 86.047 voix.
Cinq sièges de plus avec 50% des voix en moins. De même, le PPRD a gagné un siège avec 35.051 voix quand le MLC en a gagné un avec 8.284 voix, soit avec 23,6% des voix du PPRD.
Sur les candidatures fantaisistes, aux législatives nationales de 2006, 1.267 listes (40,9%) recueillent moins de 1.000 voix, 1.626 autres listes (52,5%) moins de 5% du quotient; de même, 1.128 candidats (11,6%) font moins de 100 voix. En 2006 aux législatives provinciales, 2.144 listes (46,9%) réalisent moins de 1.000 voix tandis que 2.439 listes (53,3%) rassemblent moins de 5% du quotient. Quand 2.314 candidats (17,3%) obtiennent moins de 100 voix. En 2011 aux législatives nationales, 2.784 listes (52,8%) recueillent moins de 1.000 voix, 3.481 listes (66%) moins de 5% du quotient quand 5.476 candidats (29%) moins de 100 voix, 2.393 ne réussissent pas le seuil de 50 voix.
SEUIL D’ELIGIBILITE.
La théorie de la centrale électorale congolaise? Elle est basée sur des concepts connus: le législateur a plus d’influence sur les résultats des élections que l’électeur qui choisit son candidat.
Du coup, les systèmes électoraux ont une influence primordiale sur les résultats des élections. La lucidité du législateur a bien plus de poids que le choix des électeurs. Toutes les expériences électorales dans le monde indiquent que l’identité des vainqueurs change en passant d’un système à l’autre sans que le choix ou le vote des électeurs ne soient altérés. De même, aucun mode de scrutin n’est parfait dans l’absolu, hormis la conjoncture et les obligations d’une société à une époque précise. Au législateur de préciser les objectifs politiques qu’il veut atteindre et choisir en conséquence le mode de scrutin qui convient le mieux à une situation donnée en sachant qu’aucun mode de scrutin ne peut convenir à toutes les sociétés, ni de manière permanente.
Chaque pays conçoit son modèle en fonction de ses réalités, de sa culture, de ses besoins.
En réclamant une réforme, la CENI veut travailler à la réduction de l’émiettement de la classe politique, donner plus de pouvoir aux assemblées, considérer le pluralisme politique et l’inclusivité, tenir compte dans la délimitation des circonscriptions, de la proximité et de la diversité économique, sociale et ethnoculturelle. De même, elle veut améliorer la représentativité des électeurs congolais, minimiser la disproportionnalité, développer la vie partisane en encourageant les électeurs à s’affilier aux partis politiques et à voter suivant une logique socio-politique.
CE PROJET EST-IL LEGITIME?
Outre cela, la CENI appelle à la disparition du phénomène des candidatures fantaisistes poussant à l’éparpillement des voix et, au final, réduire le coût inutilement exorbitant des scrutins. Elle veut la tenue le même jour des scrutins directs. Gain substantiel: US$ 300 millions du fait d’un coûteux tronc commun de différents scrutins: matériel et équipements électoraux, formation électorale, déploiement du matériel et transport du personnel, éducation civique, sensibilisation et communication, télécommunication, location des entrepôts, paie du personnel des opérations, matériel de transmission, etc. Autre proposition: instauration des seuils d’éligibilité ouvrant la porte au partage. 3% à l’échelle nationale aux législatives, 3% à l’échelle provinciale aux provinciales, 10% aux conseils municipaux et aux conseils de secteur ou de chefferie.
Si ce système qui refrène la course aux candidats, instaure un régime de partis forts, passe la rampe du Parlement - ce qui n’est pas sûr dans un pays où la vue d’une réforme donne de l’urticaire - le gain d’économie serait énorme. Aujourd’hui, la CENI doit débourser US$ 200 millions pour la seule impression des bulletins de vote.
D’où... la Nangaa Machine qui ferait oublier des listes électorales en forme de bottin téléphonique mais qui donne le tournis à la classe politique et doit encore être débattue et validée par le Parlement qui a ouvert ses portes. Mais Nangaa jure n’avoir outrepassé aucun pouvoir reconnu par le législateur. Cela suffit-il? Dans un Etat de permanente suspicion, il lui faut convaincre. Le belluaire se dit prêt à engager le combat en descendant dans l’arène. Pourvu que les élus lui laissent le temps de leur expliquer sa théorie.
La règle du seuil d’éligibilité présente des avantages: réduction de l’émiettement de la représentation, diminution de nombre de candidatures, renforcement du concept de grands partis politiques nationaux, incitation à former des alliances - cet effet étant d’autant plus fort que le seuil d’éligibilité est élevé - réduction des coûts des scrutins par la diminution du nombre de candidatures et par la suite la taille des bulletins.
La réforme proposée instaure le principe des partis politiques forts susceptibles de gouverner seuls, de prendre des décisions impopulaires qui fassent avancer la Société. Elle pousse les partis à s’installer dans plus d’une province et, dans les provinces, à dépasser l’horizon d’un territoire.
La CENI réprouve des partis tribaux. Dans un pays qui compte 400 tribus et donc 400 cultures dont le Congo s’est toujours dit fier, où celles-ci ont souvent parlé politique, où, dans la Capitale, les cabinets ministériels sont monolingues, où la coutume est une réalité au point où dans nos assemblées, les chefs coutumiers prennent place par cooptation du fait du même législateur, ce projet qui tend à effacer la coutume dans la politique est-il valable? Dans nombre de pays, les partis politiques nationaux ne sont-ils pas (et désormais) une chimère, le peuple affichant son désir de revenir à sa cellule, de base: la famille, la culture, la coutume.
T. MATOTU.