À un moment sous Mobutu, l'argent était ramassé à la pelle dans la Capitale Kinshasa et dans l'arrière-pays. PHOTO LE SOFT NUMÉRIQUE.
La seconde mort de Dokolo Sanu ou les années fric du Maréchal révélées
  • mer, 24/05/2006 - 16:12

Ce sont les années fric qui ont fait l’arrivée des patrons type Dokolo. À une période des années Maréchal, alors que la Gécamines faisait du milliard de dollars/an en exportant aux usines belges d’Hobokken 450.000 tonnes de cuivre, le fric était pris à la pelle à Kinshasa et dans les principales villes du pays. Des candidats patrons parfumés en bonne compagnie ont surgi du néant pour faire des sous. Dokolo en fait partie. Modèle de réussite à l’ouest quand d’autres faisaient du commerce du manioc, lui, étincelant, brillant de mille feux, a voulu voir loin, très loin. Il a bâti la BK pour pomper du fric en direction d’une multitude de sociétés de son holding n’ayant que ses enfants... mineurs comme... associés. L’incroyable toile démontée.
MISE EN LIGNE LE 22 MAI 2006 | ÉDITION «LE SOFT INTERNATIONAL2» N°860 DATÉ 24 MAI.

Et... c’est la suite. Augustin Dokolo Sanu, le patron doré des années Mobutu, celui-là qui eut l’ingénieuse idée de se jeter dans l’aventure de la banque sans y avoir au préalable ni les qualifications techniques, ni l’éthique requises, mais a réalisé tout de même le miracle de faire de la BK, la Banque de Kinshasa, comme il l’écrit lui-même dans une lettre confession datant du 27 juillet 1972, un établissement bancaire suscitant «admiration et envie» à l’étranger avant d’avaler son pain blanc - il l’avoue dans la même lettre - «la banque a cessé d’être crédible à l’intérieur comme à l’extérieur du pays», «les lignes de crédit dont bénéficiait la banque sont devenues inutilisables», du fait de l’existence des engagements non honorés», «sur le plan interne et externe, la banque se trouve dans une situation de blocage total» - doit aujourd’hui faire face à une situation de liquidation forcée commandée par les mesures d’assainissement du secteur financier national autant que par les bailleurs des fonds, Banque Mondiale et Fmi en tête.
Des années après sa disparition, on en sait plus sur une gestion de l’ex-Zaïre de l’époque des années de vache grasse mais aussi de banditisme financier.
Certes, la zaïrianisation a pu alourdir l’ardoise de la BK. Mais les états financiers que dresse désormais le liquidateur indépendant Mupepe Lebo laissent peu de place au doute. Les mots sont lâchés: bradage, pillage, etc. L’épargne populaire en a souffert, lors de ces années, et les tragédies dans les modestes familles sont légion.

FRAUDE AVÉRÉE.

Pourtant, Dokolo Sanu le reconnaît dans cette lettre au commissaire d’État (ministre) de l’époque en charge du Portefeuille de l’État, Edouard Mambu ma Khenzu Makulu.
«Une banque, c’est avant tout l’argent des déposants. Cet argent a été distribué sans discernement aux tiers sous forme de crédits aux clients et même au personnel de la banque», reconnaît-il (lettre cit KM/BD/1006588 du 27 juillet 1976).
Puis: «Cette situation a engerdré de très graves difficultés de trésorerie qui placent en fait la banque en position de cessation de payements» (lettre op. cit.).
Dans une «note de presse» publiée à Kinshasa en date du 20 mai 2006, le liquidateur indépendant de la NBK/BCA resitue «la situation de l’endettement de M. Dokolo envers la Banque Centrale et des sociétés de son groupe envers la Banque de Kinshasa «BK sarl».
Les éléments constitutifs de fraude sont avérés dans le contentieux Dokolo envers sa propre banque, à savoir la Banque de Kinshasa, dont il fut l’actionnaire majoritaire et envers la Banque Centrale.
Des éléments savamment mis en place qui tissent la toile de la fraude à large échelle, du bradage et du pillage de l’épargne publique. But ultime: pomper et détourner le fric des épargnants que l’on est supposé servir.
Le liquidateur indépendant fait plus fort: il fait état de «violation de la Constitution de la part de tous les décideurs et exécutants de la décision de la restitution des biens de la NBK à la Succession Dokolo», à savoir, la Commission spéciale de l’Assemblée nationale, l’ex-président de l’Assemblée nationale, le ministre en charge des Titres fonciers.
Sur les éléments constitutifs de fraude qui émaillent de bout en bout ce dossier, le premier concerne la confusion dans la personne de Dokolo Sanu lui-même agissant en triple qualité dans cette affaire. À savoir, Dokolo, président-directeur général de la Banque de Kinshasa sarl (la BK sarl dont il était actionnaire majoritaire s’est retrouvée au cours de l’année 1985 débitrice vis-à-vis de la Banque Centrale d’un montant de 32 millions de dollars américains, soit 1.600.000.000 de zaïres).
Dokolo, responsable non statutaire des sociétés de son Groupe, à savoir le Groupe Dokolo (les quinze sociétés de son Groupe principalement financées par la BK sarl se sont retrouvées débitrices vis-à-vis de cette même Banque d’un montant de plus de 33 millions de dollars (USD 33.202.748,39, soit 1.670.137.419,45 zaïres).
SEUL MAITRE A BORD.
Enfin, Dokolo, agissant en lieu et place de ses propres enfants dont certains mineurs d’âge et associés des sociétés de son groupe. Augustin Dokolo Sanu était animé par la volonté farouche de «rester seul maître à bord en vue de manipuler à sa guise l’argent de l’épargne publique», accuse le liquidateur indépendant. Ce comportement a conduit le pimpant patron à la situation suivante: «la compromission du capital de la Banque de Kinshasa (BK sarl); la conduite de manière illicite et imprudente des opérations de BK sarl préjudiciable aux intérêts des déposants; enfin, la commission des infractions répétées par BK sarl aux dispositions légales et réglementaires».
Autre élément constitutif de fraude: la surévaluation des immeubles donnés en dation de paiement de l’endettement vis-à-vis de BK sarl.
Étant à la fois représentant de la partie débitrice (quinze sociétés de son Groupe) et de la partie créancière (BK sarl), l’homme se trouvait dans une confortable position de juge et partie au point où il a effectivement pris partie pour ses sociétés contre les intérêts de la BK sarl et donc des déposants en recourant à la surévaluation des immeubles présentés en dation de paiement.
Cette fraude a été facilitée par la désignation de la COFIKI, une des sociétés de son Groupe Dokolo, pour effectuer l’expertise des immeubles cédés en dation de paiement.
Le but poursuivi par cette technique frauduleuse de surévaluation était de niveler le montant global de l’endettement.
Malgré cela, l’endettement de Dokolo Sana n’a pu être totalement éteint.
En outre, la contre-expertise a alourdi la hauteur de son endettement.
Par ailleurs, le nivellement du débit de BK sarl à la Banque Centrale s’est effectué par la cession des actions BK sarl de Dokolo à la Banque Centrale en date du 3 juin 1986. En conséquence, Dokolo était sorti de l’actionnariat de la BK sarl.
Troisième élément de la fraude: la cession d’un immeuble, l’immeuble dit Dungu, en situation d’hypothèque à la SOFIDE, la Société Financière de Développement.
Cet immeuble n’aurait jamais pu faire partie des immeubles cédés par Dokolo pour tenter d’éponger sa dette contre BK Sarl, étant donné que le certificat d’enregistrement se trouvait entre les mains de la SOFIDE en vue de garantir le remboursement d’une dette d’une de ses sociétés.
Cette hypothèque a été levée par la SOZABANQUE qui a payé en lieu et place de Dokolo.
RISQUE DE BRADAGE? La fraude étant établie, la succession Dokolo (femmes, enfants et neveux) ne cherche aujourd’hui rien moins qu’à se voir restituer des immeubles pourtant déjà sortis de la masse successorale.
Les juristes commis au service de la liquidation font état d’un nouveau paquet d’éléments constitutifs de violation de la Constitution du pays notamment en rapport avec la décision de la Commission Spéciale de l’Assemblée Nationale et son exécution par le Ministre des Titres Fonciers et par les Conservateurs.

À entendre ces juristes - et on leur en fait gage - la Commission Spéciale a statué en violation flagrante de la Constitution nouvellement promulguée «et dont l’encré n’avait pas été encore séché».
En effet, en statuant sur un conflit successoral de la compétence légale judiciaire, la commission parlementaire a violé l’article 151 alinéa 2 de la Constitution: «Le pouvoir législatif ne peut ...statuer sur les différents juridictionnels».
«En donnant un ordre illégal au Ministre des Affaires Foncières, l’ex-Président du Parlement a cautionné cette illégalité en violant le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs». Et d’invoquer l’article 68 de la Constitution du pays.
Outre cela, le ministre Venant Tshipasa, qui a exécuté «l’ordre anticonstitutionnel et illégal de l’ancien Président de l’Assemblée Nationale, intimant l’ordre aux Conservateurs de procéder aux mutations sans jugement successoral, a violé l’article 28 alinéa 1 de la Constitution pour qui «nul n’est tenu d’exécuter un ordre manifestement illégal». «Tout individu, tout agent de l’État est délié du devoir d’obéissance lorsque l’ordre reçu est une atteinte manifeste...»

Reste que le liquidateur, même affublé du titre indépendant, ne peut tout se permettre. Malgré des larges pouvoirs qui lui sont conférés par la loi, il travaille sous le contrôle du propriétaire de l’entreprise dissoute, en l’espèce l’État et les bailleurs de fonds.
En l’espèce, la succession Dokolo, si elle soit formellement en légalisée, devrait trouver portes ouvertes auprès de la liquidation en vue éventuellement de créer les conditions requises de négociation ainsi que les prévoient les règles d’usage.
Trop de créanciers et des petits déposants vivent dans la misère inqualifiable et le dénuement total.
Poussés à la misère par le système érigé par l’impénitent patron Augustin Dokolo Sanu, ils ont cessé de faire confiance au système bancaire depuis qu’ils ont placé leur argent à la BK. Ils ont désormais les yeux braqués vers l’État et vers la liquidation et espèrent se voir reconnaître des droits et - surtout - rentrer un jour dans ceux-ci.

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