- mar, 02/05/2017 - 00:54
Est-ce au nom de l’ouverture politique? D’importants fiefs électoraux de Kabila paraissent avoir été laissés-pour-compte…
L’article 90, al. 3 de la Constitution de la République dispose: «La composition du Gouvernement tient compte de la représentativité nationale». N’est-ce point le souci de respect scrupuleux de ce texte qui explique, à chaque échéance, les va-et-vient des projets de liste gouvernementale, le Chef de l’Etat en appelant à chaque étape à la responsabilité assidue de son entourage? Quand l’instruction présidentielle insiste sur l’équité, une étude sur la géopolitique réalisée par l’une de nos plus fines administrations, à la demande du Président de la République, fait ressortir de très graves incohérences dans la formation de l’équipe Badibanga. Province sans ministre; provinces électrices et territoires fortement électeurs de Kabila laissés-pour-compte; provinces et territoires sureprésentés sans aucune justification. Castes et clientélisme établis à ce point et, à ce niveau, que le Chef de l’Etat n’aurait pas réussi à contenir une bien sainte colère.
Si le système politique congolais est basé sur le principe de la majorité parlementaire qui a gagné les élections et qui gouverne et la minorité qui constitue l’opposition et est mise à l’écart des affaires de l’Etat, l’article 90, al. 3 de la Constitution de la République instaure, dans tous les cas de figure, un Exécutif national qui «tient compte» (dans sa composition) «de la représentativité nationale». Ce qui signifie à tout le moins respect des équilibres sociologiques ou géo-politiques dans les parties triomphantes ou victorieuses. Cela va de soi... En clair, l’équité dans la répartition des portefeuilles ministériels.
Quand il s’agit d’une équipe de crise, tout est dans le savant art du dosage. Si la politique n’est jamais mathématique, ne réussissent que ceux qui savent faire montre de doigté. Comment opérer les bons choix est la grande énigme sauf à se précipiter au fond du gouffre.
Cela explique qu’à chaque échéance, on assiste à des va-et-vient des projets de liste, une sorte de ping-pong entre partis et regroupements politiques et la Primature, entre celle-ci et le Chef de l’Etat.
CONSTAT, ACCABLANT.
Si le Président de la République au titre de garant de la Nation (selon la lettre et l’esprit de l’art. 69 de la Constitution) appelle à la responsabilité assidue de son entourage, à l’arrivée, le résultat est souvent mitigé, à en croire une étude sur les origines sociologiques des 68 membres du Gouvernement du Premier ministre sortant Samy Badibanga Ntita.
Cette étude, réalisée par l’une de nos administrations les plus qualifiées en l’espèce, à la demande du Président de la République, et dont un vent favorable a fait atterrir une copie sur le bureau des rédactions du Soft International, fait ressortir de très graves incohérences dans la formation de cette équipe.
Au moment où ce cabinet s’apprête à céder la place à un autre - celui du Premier ministre entrant Bruno Tshibala Nzenzhe -, il n’est pas inintéressant de tenter de jeter un coup d’œil sur un gouvernement annoncé dans l’urgence des événements de «fin du monde du 19 décembre 2016».
Premier constat, accablant: à en croire cette étude, une province au moins - le Bas Uélé (capitale Buta), dans l’ancienne province Orientale, est incroyablement absente dans ce gouvernement. Province électrice du Président de la République dans la configuration politico-administrative de 2016, l’ex-Province Orientale est arrivée deuxième après le Katanga et avant le Bandundu. Peuplé d’un peu plus de un million d’êtres, le Bas Uélé s’étend sur 148.333 km2.
Quand il s’agit du plus éléphantesque gouvernement qui ait jamais existé dans ce pays, avec 68 ministres (dont des Vice-Premiers ministres, des ministres d’Etat, des vice-ministres, un ministre délégué) et qui bat en nombre même l’équipe d’après Sun City avec ses deux chefs de guerre et ses quatre composantes, nommée par décret présidentiel daté de Mbandaka, le 30 juin 2003, composée de 58 membres, c’est le gâchis absolu. Précisément des provinces électrices et des territoires fortement électeurs de Kabila - véritables fiefs électoraux de la Majorité Présidentielle - laissés-pour-compte. Sacrifiés. Exprès? Oubli?
Avec une population de près de 4 millions, le Haut Katanga (Capitale Lubumbashi) dont la superficie est de 132.425 km2, ne compte qu’un (1) ministre quand l’Equateur (Capitale Mbandaka) avec 1,6 million d’habitants s’offre trois (3).
Le Kwilu (Capitale Bandundu), avec près de 4 millions d’habitants, incontestable vaste réserve de voix de la Majorité Présidentielle, se contente de quatre (4) membres et de portefeuilles
d’environnement: Travail, Métiers.
Province d’origine du Premier ministre, poste à la plus forte pondération (en Économie, on dit valeur attribuée à une variable par référence à d’autres variables), le Kasaï Oriental (Capitale Mbuji Mayi) peuplé de 2,7 millions d’habitants, s’octroie cinq (5) membres au Gouvernement dont un (1) ministre d’Etat (Budget) - Charité bien ordonnée commence par soi-même! - tout comme le Sankuru (Capitale Lusambo) qui compte un million d’habitants et s’offre le portefeuille le plus préséant de l’Exécutif (Vice-Premier Ministre en charge des Affaires étrangères) après celui de Premier ministre.
Ces deux provinces sont précédées par le Maniema (Capitale Kindu) peuplé de 1,9 million d’êtres et compte six (6) membres dans l’équipe dont deux ministères de souveraineté (Intérieur et Sécurité d’une part, Justice de l’autre, le premier érigé en Vice-Primature, le second en ministère d’Etat).
Mais c’est le Sud Kivu (Capitale Bukavu) qui sans aucun doute s’octroie la part du lion avec huit (8) membres avec certes 5,7 millions d’habitants vivant sur une superficie plus étriquée (51.648 kms2, soit l’une des moins étendues du pays) et plus à même à tirer profit de maigres ressources disponibilisables par l’Etat central.
LES COMBATS SONT A VENIR.
C’est le cas de sa province sœur du Nord Kivu (Capitale Goma), à peine plus étendue que le Sud, avec 59.483 km2, qui est cependant la province qui dispose du plus grand nombre de membres au sein de l’équipe Badibanga, après celle du Sud Kivu.
Sur un autre aspect, en considérant des espaces de développement, c’est l’Est - l’ex-Kivu - qui a réussi à loger le plus grand nombre de membres dans l’équipe Badibanga avec un total de 20 membres (8 pour le Sud Kivu dont un ministre d’Etat Modeste Bahati Lukwebo en charge de l’Economie, 6 pour le Nord Kivu ex æquo avec le Maniema qui compte outre cela un Vice-Premier Ministre Emmanuel Ramazani Shadari en charge de l’Intérieur et Sécurité et un Ministre d’Etat Alexis Thambwe Mwamba en charge de la Justice).
Problème: si, en 2006, Kabila a réalisé au Kivu ses plus hauts scores (près de 95%), en 2011, le candidat de la Majorité en était à moins de 40% sauf au Maniema où la mise fut sauve.
Qui a joué quoi dans cette humiliation? On peut s’imaginer que Kabila cherche à oublier l’affront...!
Vient le Kasaï Oriental au centre du pays (qui compte douze membres dont le Premier Ministre, un Vice-Premier Ministre Léonard She Okitundu en charge des Affaires étrangères, un Ministre d’Etat Pierre Kangudia Mbayi en charge du Budget) et, à l’Ouest, l’ex-province de l’Equateur qui s’octroie 10 membres (dont un Vice-Premier ministres en charge des Transports et Communications José Makila Sumanda et deux Ministres d’Etat, Jean-Lucien Bussa Tongba et Michel Bongongo Ikoli Ndombo).
Problème: la province est fief total d’une opposition avérée. Kabila, homme d’ouverture? Sans conteste! Si l’ex-Katanga compte neuf (9) membres, la province, poumon du pays, ne contrôle aucun ministère de souveraineté mais a, en revanche, la haute main sur le secteur économique et financier (Finances, Mines, Hydrocarbures, Portefeuille, Industrie, Affaires foncières). Où donc le Bandundu, vaste espace territorial avec près de 280.000 km2, peuplé d’environ 7,5 millions, loge-t-il?
La province dispose d’un total de huit (8) membres mais se contente de portefeuilles périphériques (Travail et Prévoyance sociale, Arts, Métiers, Tourisme). Absence de compétences avérées pour une province grâce aux Pères Blancs, autrefois Quartier Latin du Congo, du moins dans sa partie utile?
Après la catastrophe du 1er tour de 2006, le Bandundu redressa la barre au deuxième, grâce à l’engagement de ses fils dans des territoires clés, terminant la course pro-Kabila à la troisième position après le Katanga et la Province Orientale avant de passer en 2011 à la deuxième place du podium comme province électrice de Kabila (après le Katanga) avec près de 77% des suffrages exprimés. Une vraie «Swing State»...
Certes, le Bandundu détient, avec Aubin Minaku Ndjalanjoku, (Kwilu-Idiofa), la présidence de l’une des trois Institutions du pays, l’Assemblée Nationale, la seconde après celle de Président de la République et depuis le 12 avril 2012; la province a dirigé le Gouvernement pendant toute la mandature passée sur base d’un accord politique. Après le Palu Antoine Gizenga Fundji (Kwilu, Gungu, 30 déc. 2006-10 oct. 2008, 1 an et neuf mois), ce fut au tour du Palu Adolphe Muzitu Fumuntshi (Kwilu, Gungu, 10 oct. 2008-6 mars 2012, cinq ans et deux mois). A-t-elle fait son temps? Ce n’est pas sans pertinence…
Sauf que les vrais combats ne sont pas derrière nous, ils sont à venir; que le poids politique se mesure en engagement à une cause, en force et en intelligence, en capacité de mobilisation.
Mettre en place une équipe ministérielle relève d’un casse-tête quand il s’agit surtout d’une équipe de coalition. Outre la compétence, entrent en ligne de compte fidélité, loyauté, équilibres géo-politiques, sociologiques, etc.
Quel facteur vient en tête? Qu’est-ce qui pèse le plus, et pourquoi? A l’intelligence de répondre. On comprend mieux pourquoi dans le profil du nouveau Premier Ministre, l’Arrangement Particulier relatif à la mise en oeuvre de l’Accord du Centre interdiocésain signé en grande pompe jeudi 27 avril au Palais du Peuple, il ait été prévu que le nouveau Chef du Gouvernement à investir par l’Assemblée Nationale, devra «avoir un niveau d’études requis et une expérience managériale avérée; être rassembleur et non conflictuel; faire preuve d’intégrité morale et avoir le sens de leadership; être capable de mobiliser les acteurs politiques et sociaux autour du programme du gouvernement et de l’organisation des élections apaisées, libres, crédibles et transparentes; avoir un esprit d’ouverture» (art. 5). Mais surtout - et c’est certainement loin d’être une simple figure de style - «avoir la connaissance parfaite du pays» (art. 5).
T. MATOTU.