- ven, 15/03/2019 - 06:51
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
L’Américain Tibor Peter Nagy est arrivé.
Il ne faisait l’ombre d’aucun doute. Cela faisait longtemps que Washington abhorrait le régime d’après Mobutu et cette aversion partagée dans les principales capitales européennes, Paris, Londres, Bruxelles, etc., n’a fait qu’enfler depuis des années, jour après jour. Si la fin de la guerre froide marqua la fin du long règne du Léopard (trente-deux ans au total), celui qui lui succéda encouragé voire poussé par des forces pro-occidentales (Ethiopie, Érythrée, Rwanda, Ouganda et Angola, etc.) ne put régler le problème. Tout commença avec le clash à Kinshasa mi-décembre 1997 avec Mme Madeleine Albright. Réagissant à une «injonction» de la secrétaire d’Etat américaine, celle de l’ouverture politique à l’opposition, le tombeur de Mobutu, Laurent-Désiré Kabila, qui n’avait pas sa langue dans sa poche, aurait lancé à l’endroit de la puissante patronne de la diplomatie américaine: «Il faudra attendre une autre génération, pas moi!».
AU CŒUR DE TOUT.
Ce fut oublier que de tout temps, depuis l’assassinat non élucidé le 17 janvier 1961 du Premier ministre Lumumba accusé d’être pro-soviétique en pleine guerre froide, les dirigeants américains démocrates et républicains, ont toujours été au cœur du problème congolais et que rien n’a jamais été réglé sans eux.
Le départ de Mobutu fut lancé samedi 24 mars 1990 par un autre Secrétaire d’Etat James Baker reçu par le Maréchal sur son yacht Le Kamanyola qui a jeté les amarres à N’Sele, peu avant que le Léopard n’aille introduire à quelques encablures de là, dans la grande salle de la Cité de la N’Sele, siège du parti-état, MPR, les yeux humides, l’ultime séance des consultations populaires initiées à marche forcée par... les Etats-Unis après la Perestroïka du soviétique Mikhaïl Gorbatchev (avril 1985-décembre 1991) et la chute du Mur de Berlin, le 9 novembre 1989, la réunification de l’Allemagne suivie de l’effondrement du bloc communiste.
Le départ de Mobutu passa à la vitesse supérieure le 29 avril 1997 avec William Blaine Richardson dit Bill Richardson, l’ambassadeur aux Nations unies de Bill Clinton. Le diplomate d’origine mexicaine fut envoyé à Kinshasa pour rencontrer Mobutu et lui dire la reconnaissance des Américains pour le service rendu depuis 1960 pendant la guerre froide et lui faire les adieux. Le moment était venu de quitter le pouvoir s’ils ne voulaient pas que les rebelles de l’AFDL conduits par Laurent-Désiré Kabila s’étant emparé de la capitale, ne traînent son cadavre dans les rues de Kinshasa. La disparition brutale du Mzee abattu par son garde de corps dans son bureau le 16 janvier 2001, laissa place à son fils Joseph Kabila Kabange.
L’Occident voulut favoriser une succession en douceur dans un immense pays qui peinait à se relever de la première guerre mondiale africaine et que les Occidentaux, malgré son rôle stratégique pour l’avenir de l’Humanité, avaient abandonné à son propre sort.
Après le changement démocratique intervenu le 30 décembre 2018 et réclamé à haute voix par Washington, la plus grande puissance de la Planète veut marquer son grand retour dans un pays Continent, parler commerce après s’être assurée de la paix, de la sécurité, de la stabilité, de la bonne gouvernance qui passe par la lutte contre la corruption.
LE PLUS FORT EST A VENIR.
Si le processus démocratique n’a pu respecter les standards internationaux, qu’importe! Il aura été le plus démocratique que le pays ait jamais organisé depuis son accession à l’indépendance, ne cesse de répéter le Secrétaire d’Etat adjoint américain en charge des Affaires africaines, Tibor Peter Nagy Jr revenu sur le Continent pour la deuxième fois depuis le 4 mars et où il reste jusqu’au 22 et cette fois arrive en Afrique centrale et de l’Est après une précédente visite en fin d’année dernière en Afrique de l’Ouest.
Le «Monsieur Afrique» de Trump est attendu à Kinshasa le 13 mars et y séjournera jusqu’au 15 mars après des escales en Ouganda, au Rwanda et avant de se rendre au Cameroun. Le secrétaire d’Etat adjoint se félicite que «Kabila ne soit plus au pouvoir à Kinshasa» et qu’«un nouveau président, issu des rangs de l’opposition, a désormais l’occasion de faire avancer les choses». Tibor Peter Nagy Jr aura un entretien très attendu avec le Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo élu le 30 décembre dernier. Washington qui entend tourner la page de l’ancien pouvoir, salue chaleureusement l’élection d’un opposant à Kabila.
Si les Etats-Unis regrettent que ces scrutins n’aient pas été parfaits, ils frappent sans pitié les individus qu’ils jugent responsables de ce chaos: obstruction aux libertés publiques, corruption qui atteint une échelle industrielle, violences, etc.
Frappée le 22 février la tête de la centrale électorale nationale, le président Corneille Nangaa Yobeluo et son vice-président Norbert Katintima Basengezi, le fils de celui-ci, Marcellin Mukolo Basengezi, conseiller du président de la centrale électorale dont le rôle est avéré dans l’opération «Machine à voter» sud-coréenne Mirus. Frappés le président de l’Assemblée nationale Aubin Minaku Ndjalandjoku également secrétaire général de la majorité présidentielle, le président de la Cour constitutionnelle Benoit Lwamba Bindu. Washington ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin.
COPIE DU PIRE. BIS REPETITA?
Depuis qu’il a entrepris sa nouvelle tournée africaine par Bruxelles et Paris dont le rôle sur le Continent est majeur, Tibor Peter Nagy Jr est resté sur la même ligne que tous ses prédécesseurs américains, démocrates et républicains, multipliant annonces et menaces à l’endroit des responsables congolais, allant jusqu’à annoncer, sourire en coin, mercredi 6 mars dans une interview à la chaîne de télévision française France 24 (version anglaise), que l’étau se resserrait inexorablement, que les plus fortes frappes américaines étaient à venir et qu’elles pourraient toucher le cœur de l’ancien pouvoir congolais ne cachant pas que l’ancien président Kabila pourrait lui-même être directement visé par l’impitoyable Amérique. Comment? Nul doute, Washington résolument optimiste, a déclenché l’entreprise de «dékabilisation». Le schéma de Luanda est partout présent. Et on cite la réouverture de la Maison Schengen, le retour des réfugiés politiques, la libération des prisonniers politiques
Tibor Peter Nagy Jr arrive après la visite dans la Capitale de l’envoyé spécial américain Peter Pham. La présence de cet homme à Kinshasa blacklisté par l’ancien gouvernement congolais coïncida étrangement avec l’annonce de la pluie de sanctions américaines. Dans nombre de cénacles politiques kinois, ce scénario était le plus craint avec l’arrivée de Tibor Peter Nagy Jr mercredi 13 mars à Kinshasa. Du Bis repetita?
T. MATOTU.