- mar, 11/03/2014 - 00:27
Le pouvoir est un exercice de tirs avec une seule balle dans le canon.
De toute évidence, le Chef de l’Etat prend le temps d’observer et compte les coups qui lui sont portés même paradoxalement par ceux qui se bousculent au portillon ou que ceux-ci se distribuent entre eux en vue de s’éliminer.
Question à mille euros: de quoi souffre le plus l’homme public congolais? De l’incontinence verbale. C’est gagné!
Comment expliquer que les dirigeants du pays aient réponse à tout? Qu’ils soient issus de l’opposition ou de la majorité présidentielle, il existe peu d’hommes qui s’excusent poliment aux médias pour ne pas avoir à répondre à une question ou bottent en touche pour éviter un traquenard.
PARLER CE N’EST PAS COMMUNIQUER.
Souvent, c’est même l’homme public qui va au devant des médias pour se faire littéralement pulvériser.
Ils partent du malentendu selon lequel «on me voit, donc je suis. J’ouvre ma bouche, donc, je communique».
Or, c’est tout le contraire. Quand vous venez à prendre la parole, vous avez déjà échoué à communiquer. Car communiquer, stricto sensu, ce n’est pas parler. C’est même le plus souvent ne pas avoir à ouvrir la bouche mais toujours poser des actes d’adéquation qui sont pour le gestionnaire public, ceux que la communauté attend. Le client d’une banque qui a remboursé dans le délai son crédit n’aura cure de passer par le guichet de son gestionnaire de crédit. Entre lui et la banque, il n’y a pas débat: tout baigne dans l’huile...
A contrario, le mauvais emprunteur qui a échoué à tenir ses engagements s’épuisera sans compter à rechercher le savant argumentaire pour tenter de parvenir à convaincre son bailleur, et espérer échapper à son courroux, souvent en vain. Il s’en ira avec un moratoire, un redimensionnement de sa dette - à l’impossible nul n’est tenu, fruit d’une présomption de bonne foi sauf dans les années du Far West où on se faisait descendre d’une balle à la nuque - mais l’homme a cessé d’être en crédit; il a ruiné sa réputation, a mangé son pain blanc...
LES IRRESPONSABLES QUI REVENT.
Alors que sur le Continent, il y a nombre de mandats qui arrivent ou arriveraient à échéance dans quelques années, qu’est-ce qui fait que les médias congolais repris sur les périphériques, se focalisent tant sur celui du Congo et pourquoi l’homme public trouve-t-il l’occasion d’engager un débat avant l’heure, par une médiatisation à outrance, certainement commanditée?
Il y a jusqu’à la chaîne publique Rtnc à être prise au piège en se fendant d’un éditorial de... «recadrage» quand le peuple congolais a plus à faire: que les dirigeants lui apportent les réponses à ses problèmes de tous les jours, ceux de la vie quotidienne: l’eau, l’électricité, la santé, la sécurité, la mobilité, l’éducation, la formation, etc. Qui assure qui que la solution se trouve dans un changement-tsunami? A savoir la mise du compteur à zéro!
Combien de dirigeants même à l’avant-veille d’une confrontation électorale réglée comme une montre suisse - cartographie assurée, fichier électoral maîtrisé, financement garanti puisque budgétisé - ont éludé ces questions par la classique: «Franchement, plutôt que de penser à cela, j’ai bien mieux à faire: travailler jusqu’à la dernière seconde de mon mandat reçu du Peuple, m’investir de toutes mes forces pour trouver les réponses aux problèmes de survie auxquels mon Peuple fait face. Le reste, je laisse à d’autres».
En clair, à ceux qui rêvent, les irresponsables...
C’est un discours bien rôdé qu’on entend partout, à Paris, à Ouaga, à Brazzaville, etc. Les journalistes qui ne sont excellents que dans l’impertinence, ne s’offusquent jamais! Au moins, ont-ils posé LA vraie question - selon l’entendement de leur métier - et jamais personne n’espérait, sauf impossible, recevoir LA réponse.Ils sont préparés pour se faire clouer le bec.
OU SONT LES MAITRES A PENSER?
Quand samedi 8 mars à New York, Julie Gayet se fait poser LA question... qui fâche - sur sa relation avec le président français François Hollande - nul dans l’amphithéâtre n’est trop idiot pour espérer que l’actrice française y réservera bon accueil. «Ma vie privée est ma vie privée», évacue-t-elle en se faisant ovationner par l’amphithéâtre pour tant de hauteur! Avant d’éluder des questions «si elle allait bien» après les écrits de la presse sur cette relation révélée en janvier dernier par le magazine people Closer: «Tout va bien. Je suis seulement un peu fatiguée après le voyage», alors qu’elle est en procès avec Closer auquel elle réclame 50.000 euros de dommages et intérêts, 4.000 euros pour les coûts de procédure, une publication judiciaire sur la moitié de la couverture du magazine.
Qu’arrive-t-il à notre pays? Où sont les maîtres à penser pour prendre la direction de nos grands moyens d’information en vue de montrer le chemin à la Nation en péril, dont on peut s’interroger sur l’origine de la prospérité, sans marché, ni lectoriel, ni publicitaire?
Pourquoi planter un décor de guerre permanente ou avant l’heure?
La majorité - élue pour gouverner, et qui doit gouverner - ne risque-t-elle pas de tomber dans le piège tendu par une opposition futée quand elle la suit dans ses discours incendiaires quand elle doit prêcher l’apaisement, la dédramatisation, le rassemblement en vue d’administrer aussi adéquatement que que cela est possible la cité commune?
C’est là - Dieu soit loué! - que Kabila est inspiré. Dès la nomination de ses équipes, il est était démandé qu’il en change. Comme lui-même. Mardi 20 décembre 2011, jour de prestation de serment sur le parvis de la Cité de l’UA, il se trouve d’excellents donneurs de leçons, au pays comme à l’étranger, pour lui pourrir le septennat. Il ne s’est que l’ami Bob - le président Robert Mugabe, fidèle depuis le père M’Zee - pour oser faire le déplacement de Kinshasa, depuis la lointaine Harare, bravant la quarantaine. Vint la prise - et la grande humiliation - de la Capitale du Nord-Kivu, Goma avant que la rébellion du M23 n’annonce sa détermination de poursuivre sa marche jusqu’à Kinshasa en renversant le pouvoir, passant par Bukavu quand Kisangani se déclarait ville libérée, sans livrer bataille!
QUAND LA BOURRASQUE EST EN VUE.
De tout cela, Kabila a triomphé. Alors que le dialogue était réclamé sauf à lui promettre des vertes et des pas mûres, que les Concertations sont venues auxquelles Kabila a tout donné, qui n’ont rien donné à Kabila! Au sortir des Concertations, peut-on dire que le pays soit plus apaisé politiquement qu’avant les Concertations quand des ténors de l’opposition s’égosillent, menacent, comme avant, promettent les mêmes vertes et les mêmes pas mûres? C’est Kabila lui-même qui - le pouvoir étant un exercice solitaire - a décidé de l’option qui mit en déroute l’arrogante rébellion...
L’histoire écrira que sa force a résidé dans sa discrétion parfaite et son apparente nonchalance - LE must britannique - prenant à revers ses adversaires. Tout frais et émoulu de l’arrière palais paternel, l’Occident le découvre et salue une incroyable capacité d’écoute.
Longtemps, il a en effet écouté. Désormais, Kabila prend le temps d’observer et compte les coups qui lui sont portés même paradoxalement par ceux qui se bousculent au portillon ou que ceux-ci se distribuent entre eux en vue de s’éliminer. Pressés d’y aller...
A chaque «consultation», son chant du cygne, la formule magique de sortie de... crise. Le problème est de gratter pour voir ce que cela cache. L’envers de la médaille.
Quand des ONG congolaises éprouvent le besoin d’épouser les thèses des Occidentaux et réclament sur les mêmes médias que Kabila mette en état d’arrestation son homologue soudanais El Béchir invité le plus officiellement au sommet du COMESA par ses pairs africains et le livre à la pieuse CPI, s’imaginent-elles le niveau de dangerosité extrême pour la survie de la Nation d’un tel acte dans un contexte de terrorisme sans frontières?
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Le pouvoir est un exercice périlleux qui ne comporte qu’un seul tir. Lorsqu’il est parti, il ne vous reste rien dans le canon. C’est comme au jeu à la télé. Un joueur peut beau accumuler des gains. S’il veut poursuivre la partie, il n’a pas droit à l’erreur. S’il fait flop, il voit tous ses gains se volatiliser et se contentera des seuls remerciements du jury.
Au Congo, le meilleur - comme le pire, c’est selon - est à venir. Quand la bourrasque s’annonce, ce n’est pas le moment de déclencher une crise sur le pont. C’est tout le contraire...
Par
le Professeur
Tryphon Kin-kiey Mulumba.