L'Allemand Karl-Heinz Albers avec feu le gouverneur Léonard Kanyamuhanga Gafuzi à Lueshe. En retrait, Erson Ribakare, mystérieusement tué dans un accident de circulation en Ouganda. PHOTO ARCHIVES DU SOFT
Ex-Zaïre: dans les Kivu, Allemands, Autrichiens, Congolais se disputent une mine du niobium
  • ven, 21/05/2004 - 11:29

Alors que la restructuration juridique de l’entreprise minière produisant, à l’est de l’ex-Zaïre, le pyrochlore du niobium, était lancée, et se déroulait selon les règles de l’art, et que, jour après jour, une nouvelle légalité de gestion se mettait en place - pour le plus grand bien, semble-t-il, des travailleurs et de l’État partenaire - comment expliquer un couac qui, soudain, fait surgir de nulle part un Autrichien, Michael Krall, qui aurait, dans le plus grand secret, négocié et créé à Kinshasa, depuis 1999, une société de droit congolais, de son nom, Krall Metal Congo, avec un partenaire congolais, ex-politicien, ex-réfugié d’Allemagne, ex-rebelle de l’AFDL et du RCD-G, exfiltré en Ouganda où il est très actif auprès des généraux de Museveni et dans le Grand-Nord?
MIS EN LIGNE LE 21 MAI 2004 | LE SOFT N°788 | 14 MAI 2004 | ÉDITION INTERNATIONALE.
GOMA, NUREMBERG,
PARIS, KIGALI, KAMPALA.

ENQUETE.
par T. KIN-KIEY MULUMBA.

Une vraie foire, cette nouvelle «affaire» Tshimanga Mukeba, du nom du P-gr congolais, le Procureur général de la République.
Eugène Diomi Ndongala, ministre (issu de la composante ex-Opposition), n’a pas de mots assez durs pour la qualifier: une «maffia». Rien de moins, déclare-t-il au «Soft».
«J’ai besoin d’y voir un peu plus clair. Les uns et les autres brandissent des documents. Mais, dans l’intervalle, il faut tenir compte de l’effectivité du pouvoir, de l’entreprise qui exerce l’imperium, celle qui détient le domaine exploité et dispose de l’effectivité de l’exploitation», nous déclare-t-il le 2 mai, depuis Kinshasa.
Le droit est donc pour Somikivu. Pour l’instant…
Ses collègues du Gouvernement ne s’embarrassent pas d’autant de circonlocution.
En premier, Joseph Mudumbi Mulunda, ressortissant du Kivu et du Sud-Kivu, à Kinshasa, ministre issu de l’ex-rébellion du RCD-G, en d’autres mots, connaisseur du dossier déjà comme «ministre» RCD-G du temps de la rébellion, et, aujourd’hui, en charge du Portefeuille de l’état.
Dans une lettre réf. 989/MINPF/JM/04, non datée adressée au directeur du bureau central national d’Interpol, avec copies au chef de l’état, au Vice-président en charge de l’économie et du Portefeuille, au ministre de la Justice, au président du Conseil supérieur du Portefeuille et, last but not least, au Procureur général congolais - le même Tshimanga Mukeba - Mudumbi fait état d’«une société fictive». Ni plus ni moins!
«Société fictive dénommée Krall Metal Congo, sans adresse connue en République Démocratique du Congo», qui aurait pourtant instrumentalisé Interpol, la police des crimes sans frontières. Et, pire, a fait procéder, sans titre ni droits, à une «saisie en Ouganda» des produits miniers appartenant à la Somikivu» alors qu’ils se trouvaient en transit et en voie d’être exportés vers des lieux de consommation en Europe occidentale, plus particulièrement chez A & M Minerals ltd, à Londres...
Et cela en violation du mécanisme juridique et douanier est-af dit du «Corridor Nord» qui englobe tous les pays membres du Comesa...CONSENSUS POLITIQUE.
Des produits miniers, il s’agit du pyrochlore du niobium, minerais très recherché et de haute sophistication contenu dans la carbonatite altérée extraite du gisement de Lueshe, collectivité de Bwito, territoire de Rutshuru, province du Nord-Kivu, et qui entre dans la fabrication des produits de haute technologie, l’électronique, les ordinateurs, les cartes mères des ordinateurs, la mémoire des voitures, etc.
Au total, 44 tonnes de pyrocholore du niobium dans des sacs réglementaires transportés par deux camions du camioneur congolais basé à Goma, TMK.
Mudumbi Mulunda ajoute: «Cette opération est irrégulière, illégale, n’ayant aucun fondement juridique».
Et de demander à Interpol Kinshasa, initiateur de la plainte qui a conduit à la saisie, «de prendre des dispositions urgentes pour faire lever la saisie des minerais».
Célestin V. Kanyamihigo, son collègue également ministre RCD-G, et en charge de l’économie, fait montre de plus de souci d’élaboration.
Dans une lettre datée du 28 avril 2004, adressée au même directeur d’Interpol et dont copie à toutes les notabilités du pays dont le chef de l’état, le Vice-président de la République en charge de l’économie et des Finances, le même P-gr Tshimanga Mukeba, le ministre Vunabandi, lui-même ressortissant du Nord-Kivu, donc, par-dessus le marché, connaisseur du dossier, énumère toute une documentation juridique «disponible» en son cabinet. Et, au terme de laquelle, il établit que «Somikivu est une société congolaise par actions à responsabilité limitée régulièrement constituée et dans laquelle l’état détient 20 pc des parts sociales; sa fondation a été autorisée par l’Ordonnance présidentielle n°82/179 du 5/11/1982».
Qu’«en vertu de la Convention minière conclue avec l’état en 1982, la concession n°192 dénommée Lueshe I et Lueshe II est octroyée à Somikivu».
Que «de 1993 à 2000, suite à l’insécurité créée dans la contrée par des troubles interethniques, les agents expatriés ont quitté momentanément la mine».
Que «durant cette période morte, la mine et les installations industrielles étaient restées sous la surveillance du personnel local».

UNE VRAIE MAFFIA.
Que «suite à la restauration progressive de la sécurité par l’administration du RCD, Somikivu a repris ses activités d’exploitation minière industrielle en juillet 2000».
Que «l’arrêté n°001/CAB/MINES-HYDRO/01/2003 du 25 janvier 2003 portant publication des listes des droits miniers et des carrières en vigueur, confirmés, renoncés ou réclamés, reconfirme les droits de la Somikivu sur la concession n°192 dite Lueshe I et Lueshe II».
Que «de cette concession, Somikivu extrait, depuis juillet 2000, des minerais de niobium, les traite dans son usine attenante à la mine et exporte le pyrochlore du nobium après paiement de la taxe à l’exportation (OFIDA) et de la taxe provinciale».
Que, «par conséquent, poursuit la correspondance du ministre de l’économie, les lots de produits miniers portant la marque Somikivu saisis en Ouganda sont une propriété régulière de cette société» et «qu’il conviendrait donc de les lui restituer».
Qu’«en ce qui concerne les prétentions de Krall Metal Congo, les droits miniers découlant de sa Convention minière de 1999 avec l’état ne sont confirmés à ce jour par aucun acte réglementaire d’une autorité compétente», la raison, écrit le ministre, étant simple, à savoir, «la concession 192 dite Lueshe I et Lueshe II n’est pas libre, puisque attribuée et reconfirmée à Somikivu».
Conclusion sans appel de Célestin Vunabandi Kanyamihigo: «Le problème soulevé par le ministre du Portefeuille (…) mérite d’être pris en compte non seulement pour la sécurisation juridique de Somikivu mais aussi pour l’avenir de l’économie de notre pays».
Et, afin qu’il n’en subsiste aucune zone d’ombre: «Comme mon collègue du Portefeuille, ordonne Vunabandi Kanyamihigo, je vous prie d’entreprendre les démarches nécessaires pour faire lever la saisie irrégulière des minerais de Somikivu».
à Kinshasa, au niveau du Gouvernement, un consensus a été établi.
Du moins en cette matière.
Avec ce tapis de courriers sortis des cabinets ministériels et tombés sur la police criminelle internationale, Interpol qui, à Kampala, avait, le 18 mars, fait saisir les deux camions congolais, invoquant «l’inexistence» de la société Somikivu, à ses yeux, «dissoute depuis la guerre civile», et donc une «exploitation frauduleuse», s’apprêtait à ordonner la main levée quand Tshimanga Mukeba, le P-gr, faisait bloquer la décision.
Motif invoqué: la justice congolaise allait faire parvenir son «dossier» auprès d’Interpol à Kampala!
Le 24 avril, las d’attendre, Interpol Kampala adressait une sommation à son homologue kinois.

UN ALLEMAND EN JEU...
Pressé par Musika, Mugisha & Cie Advocates, agissant pour compte de la Somikivu, cette même entreprise prise à la gorge par ses partenaires extérieurs, dont le londonien A&M Minerals Ltd qui, déjà, appliquent des pénalités sur des commandes passées, payées «directement et indirectement», et non livrées, le bureau Interpol Kampala se déclarait sur le point de lâcher prise.
En fait, Interpol Kampala était lui-même mis sous pression par l’administration ougandaise.
Deux jours plus tôt, le 22 avril, le bureau venait de recevoir copie d’une lettre du patron de la police ougandaise, Erasmus Twakuhukwa adressée à l’inspecteur général de la police en charge des investigations criminelles, lui intimant l’ordre de faire procéder «immédiatement» à la main levée sauf à invoquer une raison légale justifiant le maintien de la saisie des produits congolais…
La réalité est que les pressions exercées par «la justice» à Kinshasa - en fait par le P-gr Tshimanga Mukeba - auprès d’Interpol Kinshasa étaient telles que celui-ci était bien en peine d’autoriser, expressis verbis, la main levée.
Quand Eugène Diomi Ndongala parle de «maffia», il pense sans doute à cette collusion entre des hommes d’affaires et la justice... Dans une correspondance, Interpol Kinshasa annonçait l’arrivée à Kampala d’une délégation - sans doute de l’office du P-gr - afin de soutenir sur place le dossier. Date annoncée de l’arrivée: «le 30 avril ou le 2 mai». Or, le 4 mai, aucun envoyé, ni d’Interpol Kinshasa, ni du P-gr, n’était visible dans la capitale ougandaise.
Nerfs à vif, le conseil ougandais de Somikivu, Musika, Mugisha & Cie Advocates, montait en première ligne et s’étonnait qu’Interpol Kinshasa puisse un jour être en mesure de dépêcher à Kampala une délégation - une commission rogatoire! - sous prétexte de présenter des pièces du dossier et de confirmer la saisie des produits d’une entreprise mixte et sur lesquels tout le Gouvernement, via ses ministres compétents, s’était déjà prononcé.
En clair, les avocats ougandais réclamaient, dans une lettre datée du 3 mai, adressée à l’inspecteur général de la police ougandaise, la levée pure et simple de la décision de saisie et expliquaient que dans tous les cas de figure, leur client se réservait le droit d’ester en justice et de réclamer des compensations pour préjudice subi.
Quand Eugène Diomi Ndongala parle de «maffia», il est celui qui exprime le mieux ce que recouvre cette affaire.
Sominki a été créée par Mobutu en 1982 aux termes de l’ordonnance-loi n°82-179 du 5 novembre 1982.

MYSTÉRIEUSE KMC.
La société est née à la suite d’une convention conclue le 21 août 1981 entre l’état congolais, alors Zaïre, et la société Somikubi-Zaïre, minière de Nyamukubi, les firmes Metallurg inc., et Coffimines. La convention entre ces sociétés avait été approuvée au terme de l’ordonnance-loi n°82-020 du 9 mars 1982.
Les représentants de ces sociétés étant notamment, pour Somikubi, Alexis Thambwe Mwamba - le même aujourd’hui ministre à Kinshasa en charge du Plan, éric R. Verhulst pour Mettalurg Inc., basée à New York, et Fernand de Block pour Cofimines et Sobaki basées à Bruxelles.
De 1993 à 2000, Somikivu dut en effet fermer ses portes, et licencia son personnel, le personnel expatrié ayant quitté le site, après avoir déclaré «force majeure».
La société ne rouvrit la mine et l’usine que sous le régime RCD-Goma qui exerçait alors le pouvoir d’état dans l’est de l’ex-Zaïre, et après que le «ministre» - chef de département - de l’ex-rébellion, Emmanuel Kamanzi en charge des Terres, Mines et Energie, eût invité l’administrateur-délégué à rencontrer les dirigeants du RCD-G. Par sa lettre n°323/RCD/CE/DTME/EK/KA/00 datée du 17 avril 2000, adressée à l’administrateur-délégué de la Somikivu, le «ministre» du RCD-G l’invitait en effet «à venir relancer officiellement la production du pyrochlore de nobium à l’usine de Lueshe». La lettre venait après la fin des travaux de réhabilitation nécessaires à la reprise des activités de la Somikivu.
à en croire l’ingénieur égyptien Assem El-Sayed, directeur technique de NMC Métallurgie Sarl, l’ex-Fonderie de Karuruma de Kigali, qui traite le niobium congolais, également directeur technique intérimaire de la Somikivu, 11 millions de dollars, rubis sur l’ongle, furent alors dépensés pour réhabiliter la mine et l’usine.
Jamais, sous le régime du RCD-G, il ne fut, nulle part, question d’une société du nom de «Krall Metal Congo», en abrégé KMC.
D’où sort-elle? Mystère!
à Goma comme à Lueshe, on connaît, en revanche, un Allemand du nom de Karl-Heinz Albers, 53 ans, et un Congolais, la trentaine, du nom de Herson Ribakare, ce dernier mystérieusement tué dans un accident de circulation en... Ouganda!

DÉLÉGATION DE POUVOIR.
Dans un pays où des morts délibérément données sont souvent présentées comme des accidents «malheureux et regrettables», il ne serait pas vain que des fins limiers de la police criminelle plongent dans les catacombes de l’«accident» de Kampala qui arracha à la vie un Tutsi ressortissant de Rutshuru qui fut, au moment de sa disparition, représentant de la Somikivu à Goma, et dont la prime d’assurance-vie, 87.000 euros, fut détournée par... Karl-Heinz Albers, l’Allemand - le même! -, son propre administrateur-délégué.
Si la famille Ribakare a été mise au courant de cette prime versée par une police d’assurance en Allemagne, c’est grâce à un vent favorable venu du sein de l’actionnariat expartié, «scandalisé par tant de cruautés». Si la somme a été reversée à la famille, devant la police rwandaise ferme, c’est après l’arrestation et l’incarcération in extremis de notre Arsène Lupin des temps modernes dans le hall de l’aéroport international de Kanombe-Kigali. Malgré des promesses «fermes» faites à Goma et «légalisées» par l’ambassade d’Allemagne à Kigali, pour s’extraire de la furie tribale qui voulait le dépécer mort ou vivant, l’ex-administrateur-délégué tenta de se faire exfiltrer, sans, au préalable, se mettre en règle vis-à-vis de la famille éprouvée et démunie qu’il avait escroquée!
Karl-Heinz Albers est domicilé en Allemagne, dans la localité d’Oberasbach.
Soudain, au lendemain de la disparition tragique de Ribakare, il décide de se «délocaliser» et de s’installer à Goma. Ceci a-t-il un lien avec cela? Toujours est-il que, très vite, l’Allemand conduit une gestion peu orthodoxe. Alors qu’il a, à ses côtés, un administrateur-directeur financier, le Français Julien Boillot, vrai as en prospection financière, la seule signature de l’Allemand suffit pour mouvementer des comptes bancaires, nombreux et éparpillés jusque dans des paradis fiscaux.
«En fait, Karl-Heinz Albers savoure un rêve: celui de monter une chaîne d’exploitation en Afrique», explique l’ingénieur égyptien Assem El-Sayed. «Et si Somikivu ne fait pas partie d’un groupe, c’est un groupe qui la rend liquide», explique-t-on sur le marché.
En fait de groupe, il s’agit des deux entreprises KHA tech GmbH - au Mozambique exploitant la tantale et une firme au Gabon produisant le niobium.
KHA n’est rien moins que les initiales Karl-Heinz Albers, soit, une société personnelle de Karl-Heinz Albers. C’est via ce groupe que Somikivu parvient à pomper les 11 millions de dollars nécessaires pour sa réhabilitation, sept ans après la déclaration de force majeure, en 1993. Mais en revanche, Karl-Heinz Albers va plonger la fabuleuse mine du pyrochlore de niobium dans une gestion opaque qui va faire de la Somikivu une véritable vache laitière qui paiera, sans fin.
Si Somikivu produit des tonnes et des tonnes de ce minerais rare, les agents plongent de plus en plus dans la pauvreté... Et s’ils suivent, «les salaires ne sont plus ceux-là», accuse un membre du personnel.
Une délégation du personnel demande à voir clair, les autorités politiques provinciales s’en mêlent.
Vite, l’Allemand devient la proie facile des tribus Lueshe où rôde «l’esprit Interahamwe»...
Plus grave, l’Allemand est pris en sandwich.
Côté parquet, il connaît des déboires dans une ville de Goma où il a longtemps paradé, avec feu l’emblématique gouverneur Léonard Kanyamuhanga Gafunzi, de même qu’avec les plus hauts dirigeants du RCD-G, en tête, l’un des présidents émile Ilunga Kalambo, qui l’ont souvent escorté à Lueshe, à une centaine de kilomètres au nord de Goma, heureux et satisfaits de voir atterrir un «investisseur»...
Le 16 février, un mandat d’amener est signé par le procureur général.
Sur Karl-Heinz Albers et sur son compatriote Johannes Wontka, polonais d’origine qui exerce les fonctions de directeur technique dans la mine, pèsent de lourds soupçons. Les chefs d’accusation sont sans équivoque: «Tentative de détournement d’objets saisis, bris de scellé, pillage et exploitation illicite des matières précieuses». Qui accuse? Krall Metal Congo.
L’officier du ministère public estime qu’il existe contre les deux Allemands «des indices graves de culpabilité» et craint qu’ils ne tentent «de se soustraire par la fuite aux poursuites, ou de faire disparaître les preuves de l’infraction»…
L’affaire est instruite par Denis Longa Nkituvana, inspecteur judiciaire en chef.
Le 19 février 2004, avec Wontka, de six ans plus âgé, l’administrateur-délégué de la Somikivu est jeté en prison.
Le 25 février, une ordonnance de réincarcération est signée par le substitut du procureur de la République, Albert Lussumba, ordonnant le «maintien en détention du prévenu préqualifié», «l’inculpé Karl Heinz Albers, poursuivi pour abus de confiance et infraction».
Un mois plus tard, le 29 mars 2004, Karl-Heinz Albers craque. ç’en est trop. Il n’en peut plus. Il décide de quitter la gestion de la Somikivu pour la confier à Julien Boillot. Une «délégation de pouvoir» en bonne et due forme est signée à Goma. HARA KIRI.
Pour l’essentiel, «je soussigné, Karl-Heinz Albers, sain de corps, administrateur-délégué de la Somikivu Scarl, donne la présente délégation de pouvoir avec effet immédiat à M. Julien Boillot, de nationalité française (…) pour prendre toutes les décisions nécessaires au bon fonctionnement de la Somikivu Scarl, et, en particulier, la co-opération urgente à la convocation d’une réunion du Conseil d’administration, dans le respect des statuts de la Somikivu Scarl et de la loi en vigueur, jusqu’à la nomination par le conseil d’administration d’un nouvel administrateur-délégué ou d’un directeur général». La délégation de pouvoir est notariée par le notaire de Goma, Henri Muhahuka Luanda.
Devant le notaire, le has been est représenté par son avocat, Me Gilbert Kalinda, avocat près la Cour d’appel du Nord-Kivu à Goma.
Le lendemain 30 mars, agissant cette fois comme directeur général de KHA tec GmbH, en réalité, sa firme perso, Karl-Heinz Albert signe un autre document: il y reconnaît devoir des arriérés de salaire à un cadre expatrié d’une société annexe.
Il s’agit d’Assem El-Sayed. «Following our discussions, écrit-il en anglais, I hereby confirm that your employment contract with KHA tec GmbH, which expired in June 2003, was automatically renewed for an unlimited period with the same conditions. I also confirm that KHA Tec GmbH owes you a total amount of US$ 72.500 for unpaid salaries» (l’Allemand renouvelle le contrat de travail de Assem El-Sayed et reconnaît que sa société KHA tec GmgH lui doit des arriérés de salaire totalisant une somme de 72.500 dollars américains).
Dès ce moment, les choses vont incroyablement s’accélérer.
Le même 30 mars 2004, écrivant toujours depuis Goma, mais, cette fois, élisant domicile, non en province du Nord-Kivu, Rd-Congo, mais en Allemagne (Waldstrasse, 25, D-90522, Oberasbach), Karl-Heinz Albers, s’adresse au Dr. Sattleberger, président du CA, le conseil d’administration de la Somikivu (sous couvert Gesellschaft fur Elecktrometallurgie, Hoefener Strasse, 45, à Nuremberg, Allemagne) et lui «fait part» de sa démission du poste d’administrateur-délégué de la Somikivu», «avec effet immédiat»! Un hara kiri...
Il invoque «l’intérêt de la Somikivu» et «des raisons personnelles».
En réalité, il y a plus d’une anguille sous roche...
Karl-Heinz Albers demande instamment au PCA «de bien vouloir informer l’ensemble des administrateurs» de sa décision et «de convoquer dans les meilleurs» délais un conseil d’administration pour procéder à son remplacement ou à la nomination d’un directeur général.
En même temps, il lui annonce sa décision d’avoir, «dans l’intervalle, donné pouvoir à M. Julien Boillot pour prendre toutes les décisions nécessaires au bon fonctionnement de la société». «M. Boillot est déjà administrateur de Niobium Mining Company Limited, la société basée en Angleterre qui fournit l’assistance technique à la Somikivu; il connaît donc très bien le dossier. Je joins à cette lettre une copie du pouvoir donné à M. Boillot».
Copie de la lettre est adressée à Clément Mushengezi, Vice-président du C.A de la Somikivu et à Julien Boillot, administrateur de la Niobium Mining Company Limited.
Toujours pour bien faire, la lettre est notariée chez le notaire de Goma.
Quatre jours plus tard, c’est Julien Boillot qui fait défection.
à son tour, il se déclare «sain de corps et d’esprit». Puis, «opérant par délégation de pouvoir de l’administrateur-délégué démissionnaire de la Somikivu Scral du 29 mars 2004», le Français «donne délégation de pouvoir, avec effet immédiat, à M. Makabuza Ngoga, de nationalité congolaise, passeport n°C0083160 du 20 juillet 2001».
Cette délégation de pouvoir, écrit Julien Boillot, consiste à «suppléer à ma présence ou à me remplacer en mon absence», de même qu’à «prendre toutes les décisions nécessaires au bon fonctionnement de la Somikivu Scarl jusqu’à ce que le conseil d’administration décide valablement de la nomination d’un administrateur-délégué ou d’un directeur général».
Si ç’en est pas un arrangement de haut vol, un gentelman agreement dans le classique grand art dans une perspective de redistribution de cartes, ç’en a tout l’air...
Boillot justifie sa décision «par le fait que M. Makabuza Ngoga peut intervenir auprès des créanciers de la Somikivu Sacrl d’une part» et que, d’autre part, il jouit de «toutes les qualités requises», ainsi que des «contacts nécessaires afin d’assurer le bon fonctionnement de la Somikivu pendant cette période intérminaire». Il y a sans doute plus qu’il n’en dit.
Makabuza Ngoga n’est autre que Modeste dit «Modé» Makabuza Ngoga, ce Rockefeller du Kivu, dont un banquier, l’un des premiers de la région des Grands lacs, dit un jour qu’il suffisait qu’il en ait deux comme lui pour sauver sa banque.
Ce quadra qui a débuté dans la distribution de carbutrant avec sa mythique station d’essence Jambo Safari et a englouti des tanks et des tanks d’essence sous la ville de Goma, pousse désormais ses tentacules partout où cela sent l’argent - café, thé, minerais, aviation, tourisme, et, last but not least, transport routier avec un charroi impressionnant de camions remorque parcourant toute l’Afrique de l’est -, est le premier créancier local de la Somikivu. Début mai, l’entreprise de pyrochlore du niobium lui devait 185.000 dollars de créance échue. L’autre créancier est le belge TMK, transporteur routier et aérien: une créance échue de 140.000 dollars.
Selon toute vraisemblance, les créanciers, las d’attendre des paiements qui ne venaient pas, ont voulu faire irruption dans la gestion de la Somikivu en vue de la redresser. Ce faisant, ils sont sûrs de se faire payer leurs créances. Logique face à une Somikivu qui, faute de gestion, ploît chaque jour sous le poids de dettes...
Il reste qu’à nouveau, l’estampille du notaire de Goma, datant du 14 avril, certifie de la régularité et de la légalité de l’opération...
Et, puisqu’il faut bien faire les choses jusqu’au bout, un «acte de dépôt» est effectué au greffe du tribunal de grande instance de Goma qui établit une nouvelle direction et instaure une nouvelle légalité au sein de la Somikivu. Tout ça avec l’accord des Allemands de la GFE, Gesellschaft für Electrometallurgie, qui contrôle 70 pc de l’actionnariat de la Sominkivu Scarl. Dont acte est donné par le greffier divisionnaire Ntacyombonye Ntozi Mufabule.
«Je soussigné Ntacyombonye Ntozi Mufabule, greffier divisionnaire du tribunal de grande instance du Nord-Kivu à Goma, certifie avoir reçu en dépôt au greffe de céans la lettre de démission de Karl-Heinz Albers, la lettre de délégation de pouvoir de Karl-Heinz Albers à M. Julien Boillot ainsi que la délégation de pouvoir de M. Julien Boillot à M. Makabuza Ngoga. Dont acte».
Alors que la restructuration juridique de l’entreprise minière a pris de l’envol, et que, jour après jour, la gestion se recherchait une voie plus efficiente - pour le plus grand bien, semble-t-il, des travailleurs et de l’état partenaire - comment expliquer ce couac qui, soudain, fait surgir de nulle part un Autrichien, Michael Krall, qui a, dans le plus grand secret, à Kinshasa, négocié et constitué depuis 1999, une société de droit congolais, de son nom, Krall Metal Congo, avec un partenaire congolais, ex-politicien, ex-réfugié d’Allemagne, ex-rebelle de l’AFDL et du RCD-G, exfiltré de Goma en Ouganda par le pouvoir ougandais où il est très actif auprès des généraux proches de Yoweri Kaguta Museveni, le président du pays, et dans le «Grand-Nord», à savoir, Tshiaba?

Le P-GR EST DE RETOUR.
Les représentants de Krall qui ont fait leur apparition à Goma début janvier, auraient brandi, selon des milieux judiciaires de Goma, une convention minière signée entre Krall et la R-dCongo - la même R-dCongo! Cette convention invoquerait des titres Sominki... déchus.
Seul texte juridique pour attester leurs allégations: un arrêté ministériel n°036/CAB/MIN/00/MIN/99 du 6 avril 1999. C’est peu...
L’argumentaire est d’une légèreté à couper au couteau: la Somikivu aurait profité de l’état de guerre dans le pays pour exploiter à son compte le site de Lueshe. Or, affirmer cela, c’est disqualifier le RCD-G qui exerçait alors le pouvoir d’état à l’est du pays et qui, aujourd’hui, est partenaire de l’équipe de transition à Kinshasa, et, dont les actes posés pendant la guerre, ont été reconnus par le Dialogue inter-congolais et coulés sous forme d’acquis...
«En réalité, il s’agit encore d’une mauvaise blague faite à l’est, et particulièrement aux ressortissants de la province du Nord-Kivu, et qui rappelle l’épisode honteux de la société d’assurance Scar», nous explique un homme d’affaires à Goma.
«Nous ne voulons rien d’autre sinon travailler, travailler, travailler et qu’on laisse notre société travailler. Nous produisons pour l’exportation et si la production n’est pas exportée, les salaires ne peuvent être payés, la misère risque alors de s’abattre sur nos familles», se lamente Eugène Lubanda, chef des ressources humaines de la Simikivu qui, déjà, ne savait plus comment contenir la foule d’agents et travailleurs impayés qui, depuis le début du mois, menaçaient de... marcher sur la mairie de Goma.
à l’époque de «l’affaire Scar», le P-gr, Tshimanga Mukeba - le même Congolais! -, avait fait défiler au Nord et au Sud-Kivu des huissiers de justice avec mission de mettre les scellés sur les portes des installations de l’assureur accusé d’être... rwandais. L’affaire avait fait un tel bruit et la population était à ce point de s’en prendre à tout ce qui ressemblait aux «entreprises venues de Kinshasa» dans la soute d’une réunification hypothétique que Joseph Kabila avait dû faire venir à Kinshasa, auprès de lui et à ses frais, une délégation du patronat congolais, la FEC-est afin de calmer le jeu.
«Et, comme le PPRD ne désarme jamais, c’est le retour à la case départ», commente un autre homme d’affaires.
à Goma, selon un texte qui circule, «une certaine Mme Olive qui prétend être l’épouse du Président, S.E, le général-major Joseph Kabila», serait l’autre associée de l’Autrichien Michael Krall - en plus de Tshiaba. Déjà «agent de sécurité» à l’époque du RCD-G, Tshiaba, selon la feuille volante, disposait à Goma d’un comptoir d’exploitation de coltan dénommé Tshamoul.
Tshiaba serait ainsi passé, sans transition, de l’agent de sécurité à l’exploitant minier, ironise la feuille volante.

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