Cette énième guerre contre l'IGF
  • lun, 22/07/2024 - 15:54

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1615|LUNDI 22 JUILLET 2024.

Qui ne pouvait s'attendre à ce qui arrive à l'Inspection Générale des Finances ?

Tout dans la vie est dans la forme, rien ne tient sans la forme. «Ce qui est sans forme est sans couleur». «La forme, c'est le fond qui remonte à la surface», écrit un ancêtre.

Sur la nouvelle guerre - une énième - lancée contre l’Inspection Générale des Finances, IGF, l'article 4 du décret n°034-B/2003 du 18 mars 2003 modifiant et complétant l'Ordonnance n°87-323 du 15 septembre 1987 portant création de l’Inspection Générale des Finances, est comme l'eau de roche, clair : « L'Inspection Générale des Finances est placée sous l'autorité directe du Président de la République ».

Certes, de 2003 à 2009, cette Ordonnance n°87-323 du 15 septembre 1987 a été modifiée et complétée tant de fois par des ordonnances ou des décrets faisant faire des navettes entre le Palais de la Nation et l'immeuble de béton et d'acier du boulevard du 30-Juin, à ce service de l'État quant à son attachement hiérarchique.

Aux termes du Décret 034-b/2003 du 18/03/2003, l’Inspection Générale des Finances placée sous la tutelle directe du Président de la République, l’autorisation préalable du Ministre des Finances, pour les missions de contre-vérification fiscale, supprimée. Mais le Décret 04/018 du 19 février 2004 modifiant et complétant l'Ordonnance n°87-323 du 15 septembre 1987 portant création de l'Inspection Générale des Finances, telle que modifiée et complétée à ce jour, replace l’Inspection Générale des Finances sous la tutelle du Ministre des Finances et, par ricochet, l’autorisation expresse du Ministre des Finances, pour la contre-vérification fiscale, rétablie.

En 2009, l’Ordonnance n°09/097 du 08 décembre 2009 modifiant et complétant l’Ordonnance n°87-323 du 15 septembre 1987 portant création de l'Inspection Générale des Finances, telle que modifiée et complétée à ce jour, rattache, une fois encore, l’Inspection Générale des Finances directement à l’autorité du Président de la République. L’autorisation du Ministre des Finances, pour des missions de contre-vérification fiscale se voit supprimée.

DE L'AUTORITÉ DU PRÉSIDENT SEUL.
En 2024, ce grand service de l'État relève donc de l'autorité directe non de la Présidence de la République, mais, aux termes de l’Ordonnance n°09/097 du 08 décembre 2009, du Président de la République.

Quant aux inspecteurs des Finances, ils disposent, selon le législateur, soucieux du meilleur accomplissement de leurs fonctions, d'un statut judiciaire particulier et cela aux termes de l’Ordonnance-Loi n°91-005 du 06 mars 1991 relative au Statut Judiciaire des Inspecteurs des Finances. «Les inspecteurs des Finances ne peuvent être poursuivis dans le cadre de leurs fonctions qu'après autorisation du Président de la République ».
La question qui se pose est de savoir comment un service dépendant directement de l'autorité du Président de la République et, sans l'autorisation préalable de celui-ci, peut être invité par la Cour des Comptes, une institution qui, par ailleurs, ne fait pas partie de l'ordre judiciaire ?

La question aurait été posée à cet organe situé « à équidistance du Parlement et du Gouvernement» (...), qui « exerce un contrôle financier, un contrôle de légalité et un contrôle du bon emploi des deniers publics». Il se serait agi de savoir quelles dispositions légales qui auraient fondé une action de la Cour des Comptes à l'encontre de l'IGF. La réponse n'avait pu être fournie.

Sur le fond. Inspecteur Général des Finances-Chef de service, Jules Alingete Key reçoit à Kinshasa une lettre de demande de consultance. Le courrier daté du 31 octobre 2023 (réf. 9461/DG/23), vient de la Gécamines-SA, basée à Lubumbashi, dans la province du Haut Katanga. Il est signé par son Directeur Général, Placide Nkala Basadilua avec ampliation à Kinshasa au Président du Conseil d'Administration de la Gécamines-SA. Une lettre officielle.
L'objet complet du courrier : « Consultance de l’Inspection Générale des Finances en vue du renforcement des procédures financières, budgétaires et fonctionnement effectif de la Cellule de passation de marchés publics et appui à l'Audit interne ».

Le Directeur Général de la Gécamines-SA spécifie dans son courrier : « J'ai l'honneur de solliciter un contrat de Consultance avec l’Inspection Générale des Finances dans le cadre de la campagne que je vais lancer à partir du 1er octobre 2023, en vue du renforcement des procédures budgétaires et financières, de l'effectivité du fonctionnement de la Cellule de passation de marchés publics et de la redynamisation de l'Audit interne ».

Il poursuit: «En effet, la mission de l'Inspection Générale des Finances a relevé, après bientôt trois années d'encadrement de la gestion de la Gécamines SA, les faiblesses dans l'implémentation de la loi sur les marchés publics et dans les procédures financières, budgétaires et l'inefficacité des dispositifs de contrôle interne notamment dans les sites de production et usines».

Puis : «Aussi serait-il impérieux de convertir l'Équipe d'encadrement de l'Inspection Générale des Finances actuellement à la Gécamines en une équipe de consultance, qui devra travailler avec mes services, afin de réactiver les procédures existantes dans les domaines financier, budgétaire et de contrôle interne. L'Équipe de Consultants pourra également apporter son expertise pour le fonctionnement effectif de la Cellule interne de passation de marchés publics et le renforcement de l'Audit internes».

Enfin : « À cet effet, je sollicite de la part de votre Autorité un nouvel ordre de mission afin de mettre ces quatre Consultants à ma disposition pour une période de trois mois renouvelable, aux frais de la Gécamines SA ».
Une semaine plus tard, le 7 novembre 2023, l'Inspecteur Général des Finances-Chef de Service, Jules Alingete Key, pose sa signature au bas d'un ordre de mission, n°0335/PR/IGF/IG-CS/JAK/BAU/2023.

On y lit : «Subsidiairement à l'Ordre de mission n°345/PR/IGF/IGF-CS/JAK/BEP/2023 du 3 octobre 2023, l'Inspecteur Général des Finances Lutete Mvuemba, Chef de mission ainsi que les Inspecteurs des Finances Bambi Mpumbu, Kavuma Kadima, Mbuyi Cikunga et Mabela Mbala sont chargés d'une mission de consultance auprès de la Générale des Carrières et des Mines, Gécamines, dans les Provinces du Haut Katanga et du Lualaba ».

TOUT EST OFFICIEL. TOUT EST PUBLIC.
L'Inspecteur Général des Finances-Chef de Service précise l'objet de cette mission qu'il crée : «Procéder, de concert avec les services internes de la Gécamines, à l'implémentation des procédures budgétaires, financières, de contrôle interne et celles relatives aux marchés publics, en particulier ; renforcer les procédures budgétaires, financières, de contrôle interne existantes au sein de la Gécamines ; redynamiser les mécanismes de contrôle interne dans les sites de production et usines de la Gécamines ; contribuer à l'implémentation de la loi relative aux marchés publics ; procéder au renforcement des capacités du personnel de la Gécamines en matière de gestion des procédures budgétaires, financières, de contrôle interne et de passation des marchés publics (...). Durée de la mission: 90 (quatre-vingt dix) jours. Frais de mission : À charge de la Générale des Carrières et des Mines Gécamines ».

S'ensuit, huit mois plus tard, une note des frais de l'Inspection Générale des Finances, signée par l'Inspecteur Général des Finances-Chef de Service, Jules Alingete Key. Elle est datée du 1er décembre 2023.
Il y est écrit : «En exécution de mon ordre de mission n°0339/PR/IGF/IG-CS/JAK/BAU/2023 du 07 novembre 2023, signé à la demande la Direction Générale de la Générale des Carrières et des Mines, Gécamines SA, par sa lettre n°9461/DG/23 du 31 octobre 2023, j'ai l'avantage de vous transmettre la Note des Frais et honoraires des prestations de la mission de consultance de l'Inspection Générale des Finances.

Cette note de frais est fonction du niveau de qualification requise par la nature et la complexité des travaux effectués et du temps passé par l'équipe d'Inspecteurs des Finances. Nos frais et honoraires d'experts pour le mois de novembre 2023 s'élèvent à cent cinquante mille (150.000,00) dollars US hors taxes. Ce montant repose sur des conditions de déroulement normal de nos travaux et sur l'assistance active de vos services. À payer au compte de l'Inspection Générale des Finances auprès de la banque Equity BCDC SA n°00018-00023000-49651200-78 USD».

Dans ce dossier dont Le Soft International a pris connaissance de quelques pièces, on trouve un «Rapport de consultance de l’Inspection Générale des Finances auprès de la Gécamines SA, deuxième étape ».
Ce rapport de 100 pages daté du 5 mars 2024, est signé par l'équipe de consultants à la Gécamines SA : Kunga Nkinki, Inspecteur des Finances, Kavuma Kadima, Inspecteur des Finances, Sauli Wikakubyage, Inspecteur des Finances, Lutete Mvuemba, Inspecteur Général des Finances, Chef de mission.

Dans ce rapport qui porte sur le renforcement des mécanismes de contrôle interne dans les sites de production et usines de la Gécaminces SA, on lit notamment sept recommandations. Sur le renforcement de la documentation de travail nécessaire à l'enregistrement des mouvements des minerais sur le site dit «rampe d'alimentation» de l'usine de concentration HMS de la mine de Kamfundwa ; sur l'élaboration d'une carte d'accès (badge) dont doivent se munir toutes les personnes autorisées à accéder aux sites de production de la Gécamines; sur la mise par écrit des manuels de procédures pour tous les sites de production et usines ; sur l'élaboration d'un rapport relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail; sur l'accélération, avec le concours de la DSI, de l'informatisation en cours du circuit de production de la Gécamines.

Puis, deux recommandations à la Direction Commerciale, à la Direction du Recouvrement, à la Direction de la comptabilité qui leur demandent de «tenir les comptes des TAF pour saisir directement les factures à recouvrer ainsi que les paiements reçus».

Une recommandation est adressée «à tous les services concernés». Elle veut que ces services mettent « en application toutes les recommandations des rapports de la visite du 30 au 31 août 2023 (annexe I) et de la première étape de la mission de consultance (annexe II) non encore appliquées à ce jour ».
Que dire à ce stade? Tout est officiel. Tout est public. Nulle entente sous la table n'apparaît nulle part, en l'espèce, entre l'IGF et la Gécamines SA.

Un besoin d'urgence qualifié par la Gécamines SA elle-même, d'«impérieux», c'est-à-dire de vital, a été exprimé auprès de l'IGF. Il s'agit de poursuivre une mission - de contrôle ou d'encadrement - qui se transformerait, pour le besoin vital, existentiel, de la société demanderesse, en une mission de consultance, de renforcement des capacités. Une mission qui va assurer une formation en audit et passation de marchés mais, cette fois, aux frais de la Gécamines. L'IGF-CS répond positivement « après avis de la tutelle », signe un ordre de mission. L'équipe des inspecteurs assure la formation et produit deux rapports officiels. Selon les termes convenus, l'IGF introduit une note de frais remise en plein jour à la Gécamines SA ; frais à payer au compte officiel de fonctionnement de l'IGF. Quitte à l'IGF de rétribuer elle-même ses inspecteurs.

Ces frais payés par la Gécamines SA sont-ils des frais indus que l'IGF n'aurait jamais acceptés ? Cette formation dispensée aux agents de la Gécamines par une mission des inspecteurs des Finances devrait-elle être prise en compte par l'IGF? Sur quelle ligne budgétaire, l'IGF aurait-elle dû porter ces frais ?
Cette ligne budgétaire existe-t-elle à l'IGF ? L'IGF n'aurait jamais dû accepter de dispenser cette formation ? Des questions fusent !

Au fond, c'est quoi l'IGF formule Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo ? Quelles sont ses forces ? Quelles sont ses faiblesses? Ses dirigeants nourrissent-ils des ambitions ? Sont-ils des robots ou des humains ? Les opérations de l'IGF - les brigades financières - ont-elles fait du résultat ? Ont-elles détruit des vies par leurs rapports ? Plus précisément, ces rapports ont-ils fait incarcérer du gros gabarit ? Ces gros gabarits (ministres, D-G, Hauts fonctionnaires, etc.) dont des vies ont été détruites ou qui ont été humiliés, se seraient-ils coalisés pour constituer une force et plonger à leur tour dans des dossiers IGF qui peut ne pas avoir des dossiers ? Avec pertinence, on dit qui a les mains propres n'a pas de mains...
L'affaire Gécamines est une énième guerre déclenchée contre l'IGF et son patron, l'Inspecteur Général des Finances-Chef de Service sauf que cette guerre est une vraie tambouille. Qui ne pouvait s'attendre à ce qui arrive aujourd'hui à l'IGF-CS ?

ŒUVRONS À RELEVER LE DÉBAT.
Dans le passé, il y a eu plus grave : la contestation de la nationalité congolaise du Super flic. Cela fit écrire au Soft International un texte publié en Une: « C'était si troublant qu'au-delà de 23:00’ cette nuit-là, impossible de fermer l'œil. Je me décide à passer des appels. Le premier à une dame proche du Cardinal Laurent Monsengwo. J’apprends qu’elle est installée désormais dans le Maï-Ndombe où elle est ministre. Je la félicite sans en faire plus. Il y a urgence !

Je passe un deuxième appel cette fois à un frère du Cardinal. Il me répond de Brazzaville et au lit. Il promet de m’appeler le lendemain. J’explique l'urgence de mon appel. Un troisième appel est fait à un camarade originaire de Kutu vivant au Canada. J'apprends qu'il est de passage à Kinshasa. Trois appels en moins d'une demi-heure. Une même réponse... Ces trois personnes ne se sont nullement concertées. Personne ne pouvait s'attendre à ce que je l’appelle sur ce sujet. Personne n’a biaisé, ni hésité une seconde à me répondre. Pas un doute possible.

Je connais Jules Alingete Key marié à une Kwangolaise. Mi-juillet 2021, en apprenant l'état de santé de son frère Monsengwo qui déclinait, il s’est rendu en France, à Port-Marly dans les Yvelines. Avec le Sénateur honoraire François Kaniki, le Dr Jean-Marie Molasoko et le reste de la famille, il est dans le jet qui ramène le corps au pays. Jules est Sakata de Bendela, territoire de Kutu; la mère de Jules est Sakata de Mushie, territoire de Mushie, localité séparée de la ville de Bandundu par une rivière. Jules est fils d'un Moju (Grand Chef). Il appartient à la famille royale. Beaucoup de ses frères portent le nom de Monshemvula.

Le Super flic des Finances Publiques congolaises est Kinois, un vrai. Originaire à 100% du Grand Bandundu. La politique permet tout ; la politique ne permet pas tout. Au Congo, œuvrons à relever le débat» (Le Soft International n°1579 | lundi 3 avril 2023).
Récemment l'ambition lui fut prêtée de chercher à entrer au Gouvernement. Sur cette question, Le Soft International apporte sa part.

Lors d'une rencontre à l'étranger alors que les tractations en vue de la formation du gouvernement étaient engagées, Jules Alingete Key assure au journal qu'il n'est en aucune façon question qu'il fasse partie du Gouvernement. D'abord, parce qu'il n'en avait aucune envie et, ensuite, sur le fond, si, par accident, il s'y trouvait, son espérance de vie dans ce gouvernement ne dépasserait pas deux mois car il serait très vite humilié par une interpellation de ces députés qui, hier, ont été ministres ou D-G et à qui il avait fait avaler des vertes et des pas mûres.

De conclure : « Bientôt, je prends ma retraite. Le rêve que je nourris est m'en aller en laissant l'IGF entre de bonnes mains ».
Comment comprendre ces guerres qui sont menées sans répit contre l'IGF et son IGF-CS ?
Dès la découverte de cet homme et de son action, Le Soft International qui fit paraître les premiers textes sur ce super flic alors inconnu du public avait anticipé: «Maintenant que le couvercle de la marmite commence peu à peu à être enlevée (...) dans ces scandales d’une décennie congolaise faillie alors qu’ils mobilisent la planète contre l’Inspection Générale des Finances, les voilà qui cherchent à traumatiser son Inspecteur Général-Chef de Service Jules Alingete Key - un vrai Antonio Di Pietro de la Mani pulite - en voulant l’abattre quand le travail qui est fait est un travail de salut public » (Le Soft International n°1527 | lundi 24 mai 2021).

Heureusement qu'un corps de garde de GR mis à sa disposition par le Chef de l'État ceinture et sécurise cet homme.
Sur les médias dans le monde aujourd'hui: «Il faut mettre en exergue l'échec patent des pouvoirs publics dans la construction des médias professionnels de responsabilité. En encourageant dans le chaos la création des médias sans financement, sans publicité commerciale, sans régime d'aide à la presse, en faisant vivre les médias par le mode de financement politique conduisant à ce que rien ne peut être diffusé sans que cela n'ait été payé au préalable, nos systèmes ont construit l'irresponsabilité et le harcèlement.

Un journaliste donne une information en répondant aux 5 ou 7 questions de Lasswell. Il ne saurait chercher du résultat à tout prix pour son information sauf à passer pour un harceleur public, ce qui s'appelle un influenceur» (Le Soft International, n°1613 | mercredi 3 juillr 2024).
T. MATOTU.


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