- ven, 01/11/2019 - 01:17
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1469|VENDREDI 1ER NOVEMBRE 2019.
Ce fut une rentrée politique majeure. Le chef de l’exécutif national de l’ex-parti présidentiel PPRD, en rêvait. Candidat malheureux à la Présidentielle du 30 décembre 2018, Emmanuel Ramazani Shadari l’a eu. Sauf les excusés, les cadres étaient au grand complet, 250 au total. Depuis la campagne, ce fut la première fois que ce parti faisait une telle démonstration de force sur une terre katangaise disputée mais son fief électoral naturel parce que sociologique. Des discours non improvisés - en clair, pensés, réfléchis, pesés, soupesés, rédigés, évalués, validés - servis à satiété.
DISCOURS MUSCLE.
Surnommé «Coup sur coup» - pour son verbe haut - ,Shadari, a brillé de mille feux. Dans un amphithéâtre tout de jaune décoré - les occupants en forme de bataillons soviétiques en rangs serrés, habillés de pied en cap de jaune, t-shirts et képis, signe d’unanimité et d’identification consentie -, l’ancien Vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur et Sécurité a musclé son discours, annonçant en grande pompe le retour sur scène de l’ex-président du pays Joseph Kabila Kabange. C’est lui-même Kabila qui «a décidé» ainsi et c’est «dans les tout prochains jours», explicite Shadari.
Vantant son action - le PPRD «a 120 Députés nationaux, 37 sénateurs, 15 Gouverneurs et dirige une dizaine d’assemblées provinciales, fruit du travail politique du Président national de notre parti, Joseph Kabila Kabange».
Précisant que c’est Kabila et Kabila seul - «acteur politique majeur et incontournable en RDC» - qui a nommé, désigné - le Premier ministre, la Présidente de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, trois chefs des quatre Institutions nationales, que c’est lui qui détient les clés de l’Etat profond. Mieux «c’est lui le propriétaire de l’Etat» congolais. Sortant les armes - il minimise l’impact de l’action phare du Président de la République Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo - la gratuité de l’enseignement qu’il attribue à l’ancien président («Le programme de la gratuité, c’est à nous. Qu’on ne nous l’arrache pas (...). Quand vous écoutez qu’on parle de la gratuité de l’enseignement, sachez que c’est notre programme, le programme de Joseph Kabila. La gratuité de l’enseignement est reconnue dans la Constitution. Et la Constitution a été promulguée par Joseph Kabila Kabange». Montant à l’attaque. «Le PPRD est un parti civilisé et non violent. Mais cela ne devrait pas rendre les militants passifs face à toute provocation sans objet. Il faut vous défendre». Ouvrant tous les fronts, dénonce deux fléaux qui font obstacle à l’émergence du pays (détournement des deniers publics qui se normalise, impunité officialisée, allusion au dossier des 15 millions) ou parle d’un «parti-milice qui agit par la violence» contrairement au sien - «parti politique des personnes civilisées».
Bouclant la boucle, il annonce que son parti se donne pour objectif de gagner la présidentielle de 2023.Rangés face à lui, admiratifs, les compagnons acquiescent avant de bruyamment pétarader. En première ligne la présidente de l’Assemblée nationale Jeannine Mabunda Lioko, le coordonnateur du Front commun pour le Congo, le PPRD Néhémie Mwilanya Wilonja, tout puissant directeur de cabinet de l’ancien président, de super anciens ministres Henri Mova Sakani (Intérieur), Evariste Boshab Mabuj (Intérieur), Adophe Lumanu Mulenda Bwana N’Sefu (Intérieur), Léonard She Okitundu (Affaires étrangères), l’ancien chef des Services de sécurité ANR, Kalev Muland, etc.
TORPILLAGE?
Blâmer cette messe katangaise? Il s’agit d’une activité politique normale d’une organisation politique ayant perdu des batailles capitales, a l’image ternie, au cœur d’un projet de coalition dont il tient les partenaires en laisse, dans un climat permanent de suspicion et de tension, n’a jamais cessé de fourbir ses armes, nourrit le rêve d’une belle revanche.
Sauf que Shadaria tôt - sinon trop tôt - dégainé, a prématurément et certainement inopportunément sorti des placards un langage de guerre qui aurait gagné - apaisement politique oblige ! - à y rester encore un, deux voire trois ans.
Shadari a rompu la trêve des confiseurs - période consacrée à l’inactivité politique. Signe de manque criant de fair-play sauf s’il s’agit de stratégie de torpillage assumée...
Le pays et l’extérieur incrédules observent, depuis décembre 2018, un changement de régime à Kinshasa, sans coup de feu mais un régime qui doit encore montrer sa capacité d’existence, qui œuvre, la main sur le cœur, à parachever un délicat dosage de mise en œuvre des Institutions, etc. Le PPRD a-t-il sonné la fin d’une fausse trêve, de l’impossible expérience?
Sans compter, en jouant à se faire peur, par groupes extrémistes interposés, tous les coups que jour après jour, la coalition au pouvoir s’administre, annihilant cohérence et crédibilité, fragilisant encore plus une promesse politique téméraire, les observateurs internes et externes faisant toutes les prédictions jusqu’aux plus tragiques, créant un climat peu propice au démarrage de quelque projet économique...
Si la coalition veut gagner son pari, elle doit ouvrir d’immenses projets sociaux. Ce qui appelle investissements internes comme externes massifs. Qui ne sait que l’argent est un animal peureux, qui détale des sites électriques?
Entre-temps, où t’es, l’autre partenaire de la coalition au pouvoir, CACH? Où se caches-tu? Avec de nombreuses personnalités qui avaient fait le choix de rester derrière le rideau lors de la campagne présidentielle et dont l’apport à la victoire du Candidat n°20 n’est guère moindre, cette plate-forme électorale portée sur les fonts baptismaux le 23 novembre 2018 à Nairobi, au Kenya au lendemain du clash de l’accord du 11 novembre de la coalition Lamuka à Genève, compte cinq personnalités publiquement affichées: le candidat Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo lui-même (issu du centre) et les deux candidats - Vital Kamerhe Lwa Kanyinginyi Nkingi (Est) et le professeur Tryphon Kin-kiey Mulumba (Ouest) ayant désisté en faveur du porte-étendard Fatshi.
Les trois seront rejoints par un originaire de l’espace Equateur (Nord), l’ex-ministre Charles Bofassa Djema. Sans oublier le rôle clé joué par l’ex-ministre du Budget du régime 1+4, l’actuel Sénateur CACH François Mwamba Tshishimbi proche de Félix Tshisekedi et l’actuel ministre de la Formation professionnelle, Artisanat et Métier John Ntumba, proche de Vital Kamerhe présents tous les deux à la manœuvre à Nairobi et tout au long de la campagne présidentielle.
Depuis la victoire à la Présidentielle, partis politiques, associations et personnalités diverses se sont déclarés CACH attendant la mise en place formelle de la plate-forme par des structures estampillées pour la rejoindre effectivement.
Il y a aussi l’ancien ministre Kitenge Yesu (aux PTT, puis à l’Information sous Mobutu) aujourd’hui Haut Représentant du Chef de l’Etat et, en même temps, son Envoyé spécial, très proche des Tshisekedi, qui a joué un rôle clé à la réunion de l’hôtel Château du Lac, à Genval, banlieue bruxelloise, lors de la création du Rassemblement, a su gérer les jours d’après le décès du Sphinx en conduisant la succession politique; des alliés de l’UDPS en tête l’ancien DG des Impôts Laurent Batumona Nkhandi Kham. Il y a Adam Bombole, André Claudel Lubaya, Delly Sesanga Hipungu Dja Kaseng Kapitu qui ont quitté le regroupement Ensemble de l’ex-gouverneur du Katanga Moïse Katumbi Chapwe. Et, last but not least, l’ancien Premier ministre patriarche Joseph N’Singa Udjuu, etc.
Lors de travaux réunis autour du directeur de campagne Grand Bandundu, le prof. Tryphon Kin-kiey Mulumba, les points focaux des bases CACH Grand Bandundu avaient, dans une déclaration dimanche 4 août 2019, «appelé avec force à la mise en place des structures politiques idoines du CACH qui doit être doté d’un siège digne». Unique façon sans nul doute de donner un sens, une cohérence à une plate forme, en lui dotant d’une parole crédible.
T. MATOTU.