- ven, 25/05/2018 - 06:30
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Depuis l’indépendance, le Congo en guerre n’a pas eu son sort réglé à Paris mais à Washington.
Paris 21 octobre 2015, Palais de l’Elysée. «Denis Sassou Nguesso peut consulter son peuple, ça fait partie de son droit et le peuple doit répondre. Ensuite, il faut toujours veiller à rassembler, respecter et apaiser». C’est le président français François Hollande qui le déclare à une conférence de presse commune dans l’enceinte de l’Elysée avec le président malien Ibrahim Boubacar Keita en visite d’Etat. La prise de position hexagonale nette, ferme, était bien calculée, faite peu avant une rencontre annoncée dans la journée au Quai d’Orsay entre le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius et son homologue brazza-congolais Jean-Claude Gakosso. Des opposants brazza-congolais dénoncent cette prise de position de l’Elysée tout comme la rencontre du Quai d’Orsay («un entretien qui est une provocation criminelle, une insulte aux Congolais et à tous les démocrates africains», estime l’association Survie pour qui «la France doit immédiatement annoncer la suspension de sa coopération militaire et policière avec le régime et contribuer à isoler d’urgence les dirigeants congolais»), peu importe! L’oracle a retenti. Il a été entendu dans le pays et dans toute sa diaspora. Tout est rentré dans l’ordre automatiquement. A Brazzaville, le pouvoir s’en lèche les babines. Denis SassouNguesso a triomphé…
Paris, 24 mai 2018, Palais de l’Elysée. «Sur la situation en République Démocratique du Congo, la position de l’Union Africaine et des pays de la région est pour moi essentielle. J’en suis très attaché. Je peux dire ici que nous partageons constamment analyses et positions et la France soutient l’initiative prise par le président de l’Union Africaine en lien étroit avec le président angolais». C’est le président français Emmanuel Macron qui le déclare à une conférence de presse commune dans l’enceinte de l’Elysée avec le président rwandais Paul Kagame en visite. Reçu à l’Elysée en grande pompe et en tête-à-tête, le président rwandais président de l’UA s’est rendu à Paris notamment en vue de prendre part à deux événements technologiques, «Tech for Good» et «Viva Tech» et vendre son pays en faisant la promotion de son image auprès des investisseurs et des touristes. Pari gagné… Pour la première fois dans l’histoire, une équipe occidentale de foot - en l’espèce britannique, basée à Londres - de renommée planétaire, va porter, à partir de 2018 et pendant trois ans, des maillots avec une enseigne africaine «Visit Rwanda» frappée sur la manche gauche. C’est Arsenal, troisième club le plus titré d’Angleterre, devant Manchester United qui a son maillot vu 35 millions de fois par jour. Joli coup rwandais. Emirates, le sponsor principal d’Arsenal, verse US$ 40 millions par an pour voir figurer son slogan sur le maillon des joueurs du club londonien.
Quelles «analyses et positions» Kigali, Luanda et Paris - partageraient sur le Congo? A la SADC, l’unanimité n’est pas garantie et Kinshasa a vu sa position faiblir depuis le double départ des présidents sud-africain Jacob Zuma et zimbabwéen Robert Mugabe. Le Congo peut compter sur Dar es-Salaam (Tanzanie), pays souverainiste, sur Harare (Zimbabwe), la prise du pouvoir par EmmersonMnangagwa n’aurait rien changé sur le fond, sur Lilongwe (Malawi) qui entretient des troupes au sein de la MONUSCO, sur Lusaka (Zambie) si proche du Katanga minier où le président Joseph Kabila Kabange a séjourné en février et s’est entretenu avec son homologue Edgar Lungu. Qu’en est-il de Pretoria (Afrique du Sud) où le président Cyril Ramaphosa aurait reçu mission de faire sauter l’héritage de son prédécesseur Zuma dégagé mi-février 2018, de Gaborone (Botswana) si proche de Londres, qui a rongé Mugabe, qui a récemment et, sans la moindre retenue, critiqué publiquement Kinshasa, de Windoek (Namibie) furieuse après que Kinshasa eût opposé un refus de recevoir un trente-septième envoyé spécial qui aurait été l’ancien président namibien HifikepunyePohamba?
«ANALYSES ET POSITIONS»!
Qu’en est-il de Luanda (Angola) dont le président Joâo Lourenço a, dès le lendemain de son avènement au pouvoir, été reçu à Washington où, selon nombre des commentaires, il aurait été investi en grand garant des intérêts occidentaux dans la sous-région? Qu’en est-il du Congo dont la Capitale Brazzaville n’est guère séparée de Kinshasa que par un boulevard fluvial et estime que rien de qui se passe chez son voisin ne saurait lui échapper? Le cercle hostile se referme-t-il sur le Congo? C’est oublier la place de ce pays, sa taille, ses neuf pays aux frontières, ses 400 tribus, les défis sécuritaires, la résilience de son peuple, etc. C’est oublier que si «le Congo est en guerre depuis en 1960», l’accession à l’indépendance, comme l’a rappelé le président de la République, ce n’est pas à Paris que son sort s’est à ce jour réglé. C’est à Washington. Or, ici, si les démocrates ont toujours le verbe haut et contrôlent ONG et think tank, c’est la parole des Républicains et celle de leur chef Donald Trump qui compte. Que pensent ceux-ci du Congo, pays dont une «petite» mine de Tchinkolobwe sauva la grande Amérique face au Japon lors de la IIème guerre mondiale, pays du cuivre, du coltan, du cobalt? Quelles «analyses et positions» partage Kagame sur le Congo? Accusé d’être à la base des millions de morts au Congo, se mêlerait-il de questions congolaises? Cet homme qui se sent un rôle majeur sur la scène internationale ne pourrait oublier les sentiments profonds que nourrissent les Congolais à cet égard?
D. DADEI.