Bilan mi-parcours au ministère des Finances, le Congo sort de la récession économique
  • mer, 27/01/2021 - 17:39

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1515|MERCREDI 27 JANVIER 2021.

En exclusivité, en intégralité et nulle part ailleurs.

Contrairement aux saillies des députés qui, dans leur motion de censure adressée au Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba justifiant leur retrait de confiance, parlant d’un «constat amer» s’agissant du bilan en deux ans d’exercice du secteur économique et financier («la RDC est toujours rangée parmi les pays les plus corrompus d’Afrique et du monde ; le Gouvernement n’a pas été capable de concevoir une politique innovante en matière de lutte contre la fraude et la corruption ; il n’a pas réussi à améliorer la situation des finances publiques ; à certains égards, il a même été moins performant que certains gouvernements qui l’ont précédé», le ministère des Finances aligne au contraire d’autres réalités. En 2020, le Congo a connu «une certaine reprise de 0,8%», cela en dépit de la crise de Covid-19 qui a paralysé les économies du monde.

Le pays est l’un des rares au monde à être sorti de la récession. Un résultat favorable faisant «suite notamment à la mise en œuvre d’une politique budgétaire prudente reposant sur l’observance du financement monétaire nul du déficit public. Une politique qui a permis de restaurer la stabilité du taux de change et du niveau général des prix avec comme impact la préservation de la demande et la sortie de la récession».

Entre fin mars 2020 et fin décembre 2020, les créances brutes sur l’Etat ont baissé, passant de 1.511,9 à 1.492,3 milliards de CDF, soit une baisse des injections résultant des opérations du Trésor de 19,6 milliards de CDF.
D’où la stabilité remarquable du taux de change relevée particulièrement entre août et décembre où le dollar américain s’est échangé et continue à être échangé jusqu’à ce jour, au marché parallèle, entre 2015 et 2020 CDF pour 1 US$ alors qu’en début d’année, les estimations situaient ce taux de change à 4.000 CDF/1 US$.

Quand l’inflation sur l’année était annoncée à 30%, ce document d’une quarantaine de pages du ministère des Finances «Bilan de la politique budgétaire en 2020» daté janvier 2021, fait une présentation contraire. «La hausse du coût de la vie a triplé comparativement en 2019, passant de 4,6% à 15,76% en 2020. Mais, cette flambée du niveau général des prix occulte l’effort de désinflation rapide réalisée au cours de quatre derniers mois de l’année. En effet, de 12,2% entre janvier et juillet 2020, soit 1,7% en moyenne mensuelle, le cumul d’inflation est passé à 3,2% entre août et décembre, soit une moyenne mensuelle de 0,64%.

Les pressions inflationnistes observées aux sept premiers mois de l’année procèdent des effets consécutifs à plusieurs faits : le financement monétaire du déficit public aux quatre premiers mois de l’année, les mesures de confinement, d’isolement de la Capitale Kinshasa du reste du pays, la fermeture des frontières par certains voisins, la renonciation de la Banque Centrale à la politique des taux d’intérêt réels positifs, entre mars et juillet».

Quand il parle des résultats que son ministère a engrangés, très à l’aise dans son fauteuil ministériel, le Grand Argentier national José Sele Yalaghuli avoue être surpris sur le tableau des Finances publiques nationales peint par des acteurs politiques. Puis, de lâcher, avec une pointe d’humour : «certes, à chacun son métier». Comme pour paraphraser ce grand argentier français passé dans l’Histoire qui interpellait sèchement les politiques en ces termes : «Faites-moi de la bonne politique et je vous ferai des bonnes finances».
Le Soft International publie en intégralité et en exclusivité ce «Bilan de la politique budgétaire en 2020». Ci-après :

En 2020, la politique budgétaire du Gouvernement Sylvestre Ilunga Ilunkamba a été mise en œuvre dans un environnement international et national délétère.
Au plan externe, le monde a fait face à une récession quasi généralisée des économies avancées et émergentes, procédant plus d’un choc d’offre né des mesures de confinement entraînant la fermeture de plusieurs activités.

Ce choc est suivi de celui de la demande résultant des reports des consommations non essentielles et des pertes d’emplois se traduisant par la contraction des dépenses et des revenus subséquents. Cette situation compatible à la stagflation (recul de la production et accélération de l’inflation) et muée en récession du fait des chocs de la demande prévaut principalement au niveau tant des économies avancées qu’émergentes, à l’exception de la Chine où la croissance de l’activité, quoique faible, s’est maintenue.

Au Congo, les réalisations de production au premier semestre, projetées sur l’année, indiquent un recul de la production intérieure de 1,7 %. Aux neuf premiers mois de l’année 2020, cependant, l’activité a connu, sur la base des données de production prolongées sur l’année, une certaine reprise de 0,8 %. De ce fait, l’économie congolaise est sortie de la stagflation/récession observée au premier semestre au prix de la désinflation rapide, d’août à décembre 2020.

Ce résultat favorable fait suite notamment à la mise en œuvre d’une politique budgétaire prudente reposant sur l’observance du financement monétaire nul du déficit public. La politique en cause a permis de restaurer la stabilité du taux de change et du niveau général des prix avec comme impact la préservation de la demande et la sortie de la récession.

Il y a lieu, coté offre, de signaler la mesure non conventionnelle, à partir de septembre, consistant au cantonnement des ouvriers dans les sites de production au niveau du secteur cuprifère. La réponse a été la confirmation de la reprise de l’activité dans ce secteur déterminant dans la formation des richesses au Congo à l’effet d’impulser la croissance.
Sur le front de l’inflation, la hausse du coût de la vie a triplé comparativement en 2019, passant de 4,6% à 15,76% en 2020. Mais, cette flambée du niveau général des prix occulte l’effort de désinflation rapide réalisée au cours de quatre derniers mois de l’année.

En effet, de 12,2% entre janvier et juillet 2020, soit 1,7% en moyenne mensuelle, le cumul d’inflation est passé à 3,2% entre août et décembre, soit une moyenne mensuelle de 0,64%. Les pressions inflationnistes observées aux sept premiers de l’année procèdent des effets consécutifs à plusieurs faits : le financement monétaire du déficit public aux quatre premiers mois de l’année, les mesures de confinement, d’isolement de la Capitale Kinshasa du reste du pays, la fermeture des frontières par certains voisins, la renonciation de la Banque Centrale à la politique des taux d’intérêt réels positifs, entre mars et juillet.
Les répercussions de la propagation du COVID-19 peuvent être synthétisées dans les lignes qui suivent.

I. Répercussions de la pandémie COVID sur l’activité dans les quatre secteurs de l’économie congolaise en 2000.
Ces répercussions ont concerné quatre secteurs ci-après :

I.1. Secteur réel.
Sous l’effet du choc de l’offre lié aux mesures de confinement, l’économie congolaise a été confrontée à la réapparition de la stagflation (reprise de l’inflation sur fond de recul du Pib réel). Ce choc entraînant celui de demande a cristallisé la récession attestée par des réalisations de production au premier semestre 2020 prolongées sur l’année indiquant un taux de variation de l’activité de -1,7%. Les mesures de confinement expliquent pour l’essentiel l’augmentation des faillites et fermetures des entreprises. Ces dernières se sont accompagné des pertes d’emploi lesquelles ont impliqué l’augmentation du taux de chômage et la perte du capital humain.

Par-delà ces effets négatifs, il est à relever de bonnes perspectives en ce qui concerne le recours de plus en plus accru au télétravail avec expansion des technologies au sens large (télécoms, e-commerce, services Internet, média et loisirs en ligne, etc.).

D’après une étude de la Fédération des Entreprises du Congo, FEC, menée en mai 2020, sur un échantillon de 100 unités de production enquêtées, 91% ont été affectées par les conséquences de la propagation du COVID-19. Celles-ci vont de l’impossibilité à importer les matières premières, l’incapacité à satisfaire la demande des clients, la suspension des contrats de travail, la non réception des commandes des clients, la hausse des invendus, l’incapacité à honorer les engagements envers les tiers (personnel, fournisseurs, banques, État...), la baisse des ventes, l’arrêt total des activités.
Par ailleurs, 65 % des entreprises ont enregistré dans les quatre premiers mois de 2020 une perte évaluée comprise entre 10 et 75% du chiffre d’affaires réalisé en 2019.

14 % de ces entreprises reconnaissent que la perte en cause a représenté plus de 75% de leurs chiffres d’affaires.
La phase conjoncturelle de récession ne s’est pas poursuivie au regard de la reprise constatée aux neuf premiers mois où les réalisations de production indiquent, en projection annuelle, une croissance du PIB réel de 0,8%.

I.2. Secteur des Finances publiques.
Le ralentissement noté en 2020 de la mobilisation des recettes a tenu notamment des contrecoups du COVID. Il découle des mesures d’assouplissement fiscal prises par le Gouvernement, au cours des mois d’avril à juillet, dans un contexte d’expansion des dépenses, pour soutenir les entreprises et les ménages.

Face au caractère quasi incompressible des dépenses non discrétionnaires (salaires, service de la dette, filets de sécurité sociale), l’économie congolaise a été confrontée à une augmentation du déficit public en 2020, soit 991,7 milliards CDF contre 592,5 milliards de CDF en 2019. Il en est résulté la montée de l’endettement public. En termes nominaux, le niveau de recettes mobilisées est resté globalement le même, soit 7.019,2 milliards de CDF en 2019 et 7.019,9 milliards de CDF en 2020. Exprimées en US$ courants, les recettes totalisent 6,997 milliards et 7,019 milliards respectivement en 2019 et 2020.

En termes nominaux, les dépenses ont totalisé 8.011,7 milliards de CDF en 2020 contre 7.611,7 milliards de CDF en 2019, d’où une augmentation de 400 milliards de CDF. Exprimées en US$ courants, elles sont évaluées à 7,2 et 7,4 milliards respectivement en 2019 et 2020.
S’agissant de la composition de la dépense publique, en 2020, les dépenses courantes s’arrogent 97% des dépenses totales contre 3 % pour les dépenses d’investissement.
En 2019, les dépenses courantes représentaient 93% des dépenses totales contre 7% pour les dépenses d’investissement.

Ainsi, il s’observe un processus de désinvestissement public en 2020 au détriment d’une expansion des dépenses courantes. Ce qui peut aussi, toutes proportions gardées, expliquer le ralentissement de la croissance en 2020 (0,8%) contre 4,4 % en 2019.
L’analyse de l’exécution des opérations financières du Budget Général du Gouvernement au cours de l’année 2020 permet de relever deux principales périodes, à savoir:
w la période de janvier à avril caractérisée par le recours aux avances de la Banque Centrale du Congo;
w la période de mai à décembre marquée par la suppression du financement monétaire du déficit public, couvert exclusivement par des moyens non monétaires.

Pour revenir aux mesures d’assouplissement fiscal, elles ont été prises par le Gouvernement au mois d’avril 2020 et ont été levées en août. Elles portaient sur trois domaines, à savoir :

◗ la suspension de toutes les missions de contrôle fiscal surplace,de contrôle douanier et de contrôle des recettes non fiscales ;

◗ la surséance des actions en recouvrement forcé des obligations fiscales et non fiscales ;

◗ la suspension de la perception de la taxe sur la valeur ajoutée sur certains produits de première nécessité, intrants et produits pharmaceutiques, matériels et équipements médicaux.

Ces mesures visaient notamment la maîtrise de l’inflation et la protection du pouvoir d’achat de la population à travers la rationalisation des coûts imputés tant aux contrôles qu’aux l’application de la taxe sur la valeur ajoutée.
Cependant, il est à constater qu’en dépit de ces mesures d’assouplissement fiscales et de l’arrêt du financement monétaire, considéré comme la principale cause de la surchauffe sur les marchés des biens et services et de celui des changes, dès le début du mois de mai, la dépréciation monétaire et la hausse du niveau général des prix se sont accélérées.

Tout laisserait croire que l’augmentation des chiffres d’affaires des entreprises ayant bénéficié de ces allégements fiscaux et du moratoire des contrôles a servi à la reconstitution de leurs positions en devises. Ce qui expliquerait, dans ce contexte de financement monétaire nul, les pressions sur les marchés de changes et la dépréciation subséquente de la monnaie nationale impliquant la hausse du niveau général des prix.

I.3. Secteur extérieur.
L’activité dans le secteur extérieur a été marquée par la baisse rapide des importations par rapport aux exportations entraînant la hausse de l’excédent commercial. Au niveau du marché des changes, les vibrations relevées ont procédé de l’effet conjugué de la baisse de l’offre des devises à la suite de l’affaiblissement des cours de plusieurs produits exportés et de l’augmentation de la demande des devises.

Celle-ci a été d’abord impulsée par le financement monétaire du déficit public aux quatre premiers mois, et ensuite, par l’accroissement des revenus du secteur privé exemptés du prélèvement de la taxe sur la valeur ajoutée, entre avril et juillet 2020. Ainsi, le CDF a connu une dépréciation relativement élevée par rapport au billet vert, soit 15,2% en 2020 contre 2,23% en 2019, localisée essentiellement entre janvier et août 2020. Cette contre-performance est reflétée par la volatilité accrue de l’évolution du taux de change de la monnaie nationale en 2020 (écart-type de 7,9 points contre 1,5 point en 2019.

C’est au niveau des réserves internationales que la situation est de plus préoccupante. De 818 millions de US$ en 2019, soit quatre semaines d’autonomie en termes de couverture des importations), les réserves de change sont passées à 730 millions de US$ en 2020 (deux semaines et deux jours d’autonomie en termes de couverture des importations).

I.4. Secteur monétaire et du crédit.
Le rythme de formation des liquidités intérieures s’est accéléré en 2020 avec une expansion de la masse monétaire de 42,5 % contre 29,6% en 2019, justifiant ainsi l’envolée de l’inflation au cours de cette année.
Cette évolution du niveau général des prix a déterminé celle de la dollarisation dont le ratio mesuré à partir du rapport «Dépôts en devises sur M2 avec provisions» est passé de 76,2% à 79,5%, d’une année à l’autre.

Paradoxalement, l’expansion de la base monétaire a été moins forte en 2020 par rapport à 2019 en raison notamment de l’augmentation des ventes directes et indirectes de devises, via le paiement en devises des résidents. Ces opérations ont davantage réduit le niveau des avoirs extérieurs nets et pesé négativement sur la base monétaire.
Au cours de l’année 2020, il a été observé une pause dans le respect du principe de flexibilité et de positivité de taux d’intérêts réels. Cependant, l’option de conférer un caractère négatif au taux d’intérêt réel, entre avril et juillet 2020, n’a impulsé ni la demande des crédits en monnaie nationale ni celle en devises. Elle s’est plutôt accompagnée de tensions inflationnistes et d’une forte dépréciation de la monnaie nationale au cours de la période susmentionnée.

Par ailleurs, avec la perte de l’instrument «taux d’intérêt» devenu réel négatif, le poids de l’ajustement au niveau de la politique monétaire a été supporté notamment par les prélèvements sur les réserves internationales. Le niveau de celles-ci est passé de 980 millions de US$ à fin avril à 803 millions à fin août pour s’établir, au 16 décembre 2020, à 730,21 millions de US$, soit une baisse de 249,8 millions de US$.

I.5. Situation épidémiologique du Covid-19 à la date du 18 janvier 2020.
Déclarée depuis le 10 mars 2020 au Congo, la pandémie du COVID-19 totalise à ce jour 21.139 cas confirmés de contamination, 639 décès et 14.812 personnes guéries. L’objectif à court terme du Gouvernement est de généraliser le dépistage de la population. D’ici à la fin de cette année, le Gouvernement entend organiser la campagne de vaccination de la population après une consultation ad hoc des spécialistes sur les choix à porter sur les différents vaccins présentés dans le monde.

II. Réactions et contribution de la politique budgétaire dans la lutte contre l’instabilité économique résultant des dégâts collatéraux de la pandémie.
L’exécution du plan de trésorerie du Budget Général s’est clôturée par un déficit de 991,7 milliards de CDF résultant des recettes de 7.019,9 milliards de CDF et des dépenses de 8.001,7 milliards de CDF. Ce déficit a été financé à raison de 690,2 milliards de CDF par les appuis budgétaires dont 82% provenaient du FMI. En l’absence des ressources non monétaires suffisantes, le Gouvernement, aux quatre premiers mois de l’année, s’est résolu de couvrir la totalité des dépenses non discrétionnaires par le recours aux avances de la Banque Centrale exclusivement pour un import de 320,5 milliards de CDF.

Il est à noter que, sur l’exercice, les remboursements des bons du Trésor excédaient les souscriptions de 10 milliards de CDF. Pour rappel, en 2019, l’excédent des dépenses sur les recettes s’est chiffré à 592, 5 milliards de CDF et a été couvert à concurrence de 110,7 milliards de CDF par les bons du Trésor et 481,8 milliards de CDF par les avances de la Banque Centrale du Congo.

II.1. Mise en œuvre stratégique de la politique budgétaire.
Comme en 2019, la politique budgétaire, d’une manière générale, a été expansive et discrétionnaire, exception faite de l’adoption de la règle de financement monétaire nul à partir de fin avril. Normalement, la récession classique observée dans les économies avancées se caractérise par le recul de la production intérieure, la baisse de l’emploi et du niveau général des prix.

D’où la focalisation sur des politiques de relance par la demande (politiques budgétaire et monétaire expansives) combinées à des politiques structurelles visant la stimulation de l’offre. Dans le cas des économies en développement, à l’instar de celle du Congo, il s’observe certes une baisse de la production intérieure sur fond cependant d’une inflation forte et d’une dépréciation monétaire rapide. Ce qui freine les possibilités d’une reprise de la croissance et de l’emploi. D’où la polarisation sur des politiques budgétaires et monétaires prudentes axées essentiellement sur la lutte contre l’inflation et la dépréciation monétaire. En effet, la stabilisation préalable des prix intérieurs et du taux de change constitue la force de rappel des déterminants de la croissance et de l’emploi.

Les six premiers mois de l’année illustrent à suffisance ce diagnostic au regard de la récession sur fond d’inflation ouverte.
Pour y remédier, la politique budgétaire empreinte de prudence devrait s’axer soit sur la stratégie discrétionnaire en résolvant les problèmes au cas par cas ou sur l’observance de certaines règles d’or. Dans tous les cas, il était entendu que le financement monétaire du déficit public était exclu et que le Gouvernement devrait se résoudre à mobiliser les recettes internes, et, en situation de déficit, recourir aux bons du trésor et aux appuis budgétaires. Il s’agissait aussi d’améliorer la composition et la qualité de la dépense publique.

S’agissant de l’arbitrage entre la crise sanitaire et la crise économique résultant des mesures de restriction contre le COVID, sans préjudicier la lutte contre la pandémie, une attention particulière a été portée sur la crise économique. Celle-ci a résulté des dégâts collatéraux de la pandémie sous forme d’instabilité du taux de change et des prix intérieurs ainsi que de recul de l’activité.

C’est ainsi qu’une bonne partie des appuis budgétaires a servi à financer le déficit public pour éviter les travers du financement monétaire. Il en a découlé la prédominance des dépenses courantes non discrétionnaires (salaires, filets de sécurité sociale en faveur des segments pauvres de la population, dépenses sécuritaires, sanitaires et humanitaires).
Ces dernières ont représenté 97% du total des dépenses contre 3% pour les dépenses d’investissement. En 2019, les proportions étaient respectivement de 93% et 7%.

II.2. Mise en œuvre opérationnelle de la politique budgétaire.
Afin d’observer de façon stricte la suppression du financement monétaire, il a été procédé à la cristallisation du déficit de trésorerie cumulé de l’État à 1.925,7 milliards de CDF à la clôture définitive de la journée du 30 avril 2020. A partir de cette date, pour pérenniser la règle de financement monétaire nul, le solde du compte courant de l’État affiche un solde créditeur.

Deux cadres respectifs de mise en œuvre opérationnelle de la politique budgétaire ont été convenus à cet effet entre les ministères du Budget et des Finances, d’une part, et la Banque Centrale du Congo, d’autre part, à savoir :

◗ Le Dispositif de Gestion sur la Base Caisse (DGC), du 8 mai au 18 août 2020, selon lequel la disponibilité préalable des ressources saines conditionne l’exécution des paiements. Ces ressources sont les suivantes: les recettes mobilisées par les régies financières, les produits des bons du Trésor et des obligations d’état, les ressources budgétaires au titre d’appuis budgétaires.

◗ Le Pacte de Stabilité signé en date du 18 août 2020, entre le Gouvernement et la Banque Centrale du Congo, venait renforcer ce Dispositif et préciser les engagements des uns et des autres pour la consolidation de la stabilité du cadre macro-économique. Ces engagements insistent sur la renonciation à la monétisation du déficit public, l’ajustement du plan d’engagement budgétaire du Ministère du Budget au Plan de Trésorerie du Ministère des Finances, et l’ajustement de ce dernier au Plan de liquidité de la Banque Centrale du Congo.

Au regard de ce qui précède, le ministère du Budget limitera les engagements des gestionnaires aux montants retenus dans le plan d’engagement budgétaire et n’exécutera les liquidations qu’en fonction des disponibilités de trésorerie. Quant au ministère des Finances, il n’exécutera les ordonnancements qu’en fonction du solde créditeur du compte courant du Trésor représentant la trésorerie disponible de ce dernier. Enfin, pour la Banque Centrale, elle se gardera de rendre débiteur le solde du Compte général du Trésor et renverra tous les titres de paiement non couverts par les disponibilités ad hoc.

II.3. Réformes structurelles.
Les réformes structurelles, dans le cadre de la transformation à moyen et long terme de l’économie congolaise, mettent un accent particulier sur l’amélioration du rendement du système de collecte des recettes en vue du financement des projets structurants. Elles portent sur la mise en place d’une chaîne digitalisée, la généralisation de la surveillance électronique (Tracking), la simplification du système fiscal par la suppression des taxes multiples et redondantes. Il en est de même de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales ainsi que la rationalisation de la politique en matière des exonérations et des compensations fiscales en statuant sur leur conformité à la Loi, leur opportunité et leur productivité.

III. Résultats de la politique budgétaire.
Les résultats peuvent être répartis en deux catégories : les résultats globalement satisfaisants et ceux mitigés.

III.1. Les résultats globalement satisfaisants.
Le premier résultat est le maintien de la discipline à travers le respect du financement monétaire nul depuis avril 2020. Cette discipline a déterminé la stabilité du taux de change et des prix intérieurs entre août et décembre 2020. Il a aussi réduit l’impact négatif sur le taux de change et les prix intérieurs de certains faits décrits ci-haut.

Il a joué un rôle déterminant dans le respect de l’évolution du Crédit Net sur l’État suivant la programmation convenue avec le FMI. A titre illustratif, le crédit net à l’Etat est passé de 134,9 milliards de CDF à fin avril à 114 milliards de CDF à fin novembre 2020.Le deuxième résultat est la poursuite de la prise en charge régulière de la paie des salaires en cette période affectée par le COVID. Le troisième résultat est le respect du principe consistant à ne pas recourir aux emprunts extérieurs non concessionnels et à s’en tenir aux plafonds des garanties accordées par la Banque Centrale au titre d’emprunts contractés auprès des banques commerciales.
Le quatrième résultat est le respect de l’engagement en rapport avec le remboursement sans conditions des bons du trésor.

III.2. Les résultats mitigés.
Les résultats mitigés concernent l’accentuation du déficit public par rapport à 2019 et partant du solde budgétaire intérieur ainsi que l’effritement des dépenses d’investissement au profit des dépenses courantes.
Il importe de relever aussi les difficultés de rencontrer à bonne date, à partir de fin septembre 2020, le service de la dette extérieure.

Enfin, il y a lieu de relever les résultats non satisfaisants des politiques conjoncturelles mises en œuvre entre avril et juillet 2020 en matière de riposte contre les effets négatifs du COVID, notamment l’assouplissement fiscal concernant la politique budgétaire pour peser sur le niveau général des prix et l’adoption des taux d’intérêts réels négatifs concernant la politique monétaire pour relever la demande de crédit. Ces politiques se sont traduites par une dépréciation poussée du taux de change et une accélération des prix intérieurs et n’ont pu atteindre les objectifs recherchés.

CONSIDÉRATIONS FINALES.
La récession classique, propre aux économies avancées, se caractérise par une baisse de la production dans un contexte de baisse du niveau général des prix ou de réduction de l’inflation. La sortie de la récession, dans les économies avancées et à marchés financiers, requiert la mise en œuvre d’une politique budgétaire expansive avec un regard appuyé sur les allocations destinées aux investissements publics. Le déficit est couvert par les fonds prêtables provenant des marchés financiers. Dans ce cas, le financement du déficit, n’étant pas monétaire, s’accompagne du contrôle de l’inflation.

Actuellement, il est aussi financé par les avances des banques centrales via les achats des titres publics émis en créant de la monnaie. Mais, le lien entre la création monétaire et le niveau général des prix est rompu au profit de la relation entre la création monétaire et la hausse des prix des actifs au regard du rééquilibrage du portefeuille. L’excès de monnaie non désirée par rapport à celui de monnaie souhaitée amène les agents économiques à acquérir d’autres actifs (actions, obligations, immobilier.).

La récession particulière est celle observée dans les économies en développement et basées sur le système bancaire. Dans ces économies, la récession se caractérise par une baisse de la production dans un contexte d’accélération de l’inflation en raison du recours au financement monétaire du déficit public impliquant un excès de monnaie et la hausse du niveau général des prix.

Sortir de la récession suppose, dans ce cas, une couverture saine, donc non monétaire du déficit public neutralisant la hausse du niveau général des prix car cette dernière freine l’inflation. Mais sortir de la récession peut aussi passer par le regain de la demande internationale et l’attention particulière à porter sur les investissements structurants.

Le Gouvernement Congolais a mobilisé globalement le même niveau des ressources internes en 2019 et 2020 mais a dépensé plus en 2020 par rapport à 2019. D’où l’accroissement du déficit budgétaire. Si ce dernier n’avait pas été couvert par des moyens non monétaires, principalement les appuis budgétaires à partir du mois de mai 2020 mais par les avances en continu de la Banque Centrale, les conséquences sur le taux de change et les prix intérieurs auraient été graves. Les estimations situent le taux de change à 4.000 CDF/1 US$ et l’inflation à 30% sur l’année. L’économie serait certainement engluée dans la récession, la forte inflation inhibant la croissance.

Cela dit, s’agissant de l’augmentation de la base monétaire sous l’effet de la création monétaire, il est important de commencer par relever que la monnaie est une créance à vue de l’économie sur la Banque Centrale, en d’autres termes c’est une dette à très court terme de la Banque Centrale vis-à-vis de l’économie.
Quant au bilan comptable, il présente les éléments en brut sous forme d’avoirs et d’engagements. Le bilan monétaire est une situation en net tirée à partir du bilan comptable. Il reprend les contreparties et les composantes.

La transformation du bilan comptable en bilan monétaire a pour but de déterminer la base monétaire. Cette dernière est l’agrégation des éléments suivants : la circulation fiduciaire (circulation fiduciaire hors Banque Centrale + encaisses des banques commerciales) + les avoirs libres des banques commerciales à la Banque Centrale + la réserve obligatoire. La base monétaire a comme contreparties les avoirs extérieurs nets et les avoirs intérieurs.

La transformation consiste à ne retenir que les éléments constitutifs de la base monétaire, à droite, et leurs contreparties (avoirs extérieurs nets et avoirs intérieurs nets). Ainsi, la création monétaire prend fait et cause au niveau du bilan comptable. Le bilan monétaire, en tant qu’émanation du bilan comptable, ne fait que reproduire le mouvement. Les cas suivants emportent création monétaire : l’octroi des avances par la Banque Centrale à l’État, l’achat des devises par la Banque Centrale, le refinancement des banques commerciales par l’institut d’émission, le déficit de trésorerie de la Banque Centrale, l’octroi par les banques commerciales des crédits à l’économie par voie des découverts bancaires.

La création monétaire illustrée ici est le fait de l’augmentation des créances brutes sur l’État (financement monétaire du déficit public) à raison de 50 milliards dont la monétisation est matérialisée par l’augmentation de 50 milliards de la circulation fiduciaire, précisément de la circulation fiduciaire hors Banque Centrale.
S’agissant d’un Etat confronté à un excédent structurel des dépenses sur les recettes, qu’à court terme, le déficit peut nécessiter le recours aux avances de la banque centrale que si les produits des bons du trésor ou d’obligations d’État ont été mobilisés et si des appuis budgétaires sur financement extérieur ont été obtenus.

Dans ce cas, la Banque Centrale, sur instruction du Ministère des Finances, renflouera régulièrement, si besoin est, le Compte Général du Trésor par le débit de sous comptes «appuis budgétaires» et «bons du Trésor». Les dépôts de l’État, à l’occasion de l’alimentation du Compte Général du Trésor, vont augmenter et le Crédit Net à l’État diminuer et partant la base monétaire. La consommation progressive de ces dépôts va donner lieu à une augmentation du Crédit Net à l’État et partant de la base monétaire. Cette augmentation de la base monétaire n’est que temporaire aussi longtemps que la reconstitution des dépôts est assurée par des entrées au titre d’appuis budgétaires.

A moyen et long termes, l’État doit se résoudre, comme les appuis budgétaires sur financement extérieur, ne sont pas permanents ou garantis ad vitae aeternam, à de profondes réformes structurelles visant l’augmentation des ressources intérieures et l’approfondissement des marchés financiers intérieurs.

Entre fin 2012 et fin décembre 2015, les créances brutes sur l’état sont passées de 342,9 à 333,1 milliards de CDF, soit une baisse de 9,8 milliards de CDF. D’où une destruction monétaire. Les injections des liquidités sur le marché résultant des opérations financières du Trésor ont été stoppées et évoluaient même à la baisse. D’où la remarquable stabilité du taux de change ces années quand les fluctuations du taux de change étaient contenues entre 920 et 925 CDF/1 U$ au marché parallèle, avec la stabilité des prix et partant du pouvoir d’achat de la population.


Related Posts