- lun, 28/08/2017 - 06:43
Comment exerce-t-on le pouvoir de nomination conféré à l’Exécutif par le constituant dans nos systèmes démocratiques? Cette question de désignation des hommes et des femmes à des compétences au sein de l’Exécutif (gouvernement, territoriale, entreprises publiques, hautes fonctions dans l’armée, la police, la diplomatie, etc.) taraude nombre d’individus au lendemain d’un triomphe électoral ou d’un avènement politique majeur. Au Congo, elle est au cœur du débat au sein de la Majorité Présidentielle comme au sein de l’opposition. Doit-on rappeler les joutes suivies de risques d’implosion encourus par l’UNC après la nomination, le 20 décembre 2016, du Gouvernement Badibanga qui vit l’arrivée au ministère du Commerce Extérieur du député Aimé Boji Sangara, beau-frère de Vital Kamerhe-Lwa-Kanyingini, ressortissant comme lui du Sud-Kivu (est) quand d’aucuns auraient pu attendre le très populaire élu de Kinshasa Baudouin Mayo Mambeke, ressortissant du Kwilu (ouest) ou les échanges épistolaires peu amènes dans une aile du Rassop au lendemain de la mise en place du Gouvernement Tshibala? à la veille d’enjeux politiques cruciaux et dans le souci d’asseoir une plus grande cohésion au sein de sa famille politique, ce débat a refait surface dimanche 20 août 2017 à la ferme présidentielle de Kingakati, introduit à la réunion du Bureau Politique de la Majorité Présidentielle par le Président de la République lui-même au titre d’Autorité Morale de son regroupement.
Depuis, le dossier «frustrations» meuble les rencontres de cellules du Bureau Politique de la Majorité Présidentielle dans le sens sinon de le vider du moins de l’atténuer. Un dossier aussi délicat qu’indécent dès lors qu’en démocratie, le pouvoir de conférer des charges au sein de l’Exécutif relève de la seule autorité de l’élu national, en l’espèce, le Président de la République, Chef de l’état. En clair, une prérogative qui relève de son seul pouvoir discrétionnaire souverain. Talleyrand le dit: «L’art de mettre les hommes à leur place est le premier, peut-être, dans la science du gouvernement». C’est le Président de la République, Chef de l’état seul et nul autre qui sait quel individu représente quoi dans sa machine politique, ce qu’il a apporté à son architecture (loyauté, fidélité, engagement, combativité, et, sans doute plus fort encore, exploit électoral en faveur du leader, etc.) et ce qu’il pourrait apporter à l’action future. C’est le poids! En clair, quel homme pèse de quel poids et quel intérêt représenterait sa présence au sein de l’Exécutif? Du coup, ces hommes et ces femmes s’étant ainsi distingués sont gratifiés d’un maroquin ou forment les équipes rapprochées du monarque républicain.
C’est le fameux thème du poids politique qui fait florès et qui, dans nos systèmes démocratiques de représentation, pourrait se décliner en termes de représentation parlementaire certes même si dans nos pays, les élus formant nos Chambres législatives sont à bon droit sujets à caution à la suite des manipulations des listes surtout lors des législatives de 2016 avec des élus déclarés par des juges à la morale douteuse même si en l’espèce aucune plainte n’aurait été déposée. Mais surtout en termes d’acteurs politiques majeurs (les PPP, Personnalités Politiques Populaires ou celles marquantes pour leur combativité et qui auraient posé des actes héroïques). Hiérarques du pouvoir, ces personnalités dignes de figurer au Panthéon du pouvoir, dont le poids en termes de représentation est évidente, figurent au sein d’organes prééminents, en l’espèce au Congo, le Bureau Politique de la Majorité Présidentielle. Le fait d’être membre d’un tel organe confère en soi une dignité et c’est sans nul doute signe de reconnaissance d’une représentation sociologique, donc de poids politique, une désinence majeure en Afrique où l’absence dans l’Exécutif d’une ethnie significative peut être source de remous politiques sinon de guerre. Kadhafi ne s’était-il pas assis sur des tribus tout comme un certain... Maréchal du Zaïre?
Les frustrations proviennent aussi d’une conduite qui fait droit à des nominations à de hautes fonctions d’individus notoirement connus pour leur hostilité envers le régime en place ou le leader au pouvoir et dont les postures sont susceptibles de désacralisation et d’écorner une image publique et une stature internationale. Ces actes blâmés de toutes parts au sein de la Majorité Présidentielle peuvent être le fait d’une dyarchie qui se serait arrogée un pouvoir substantiel de nomination et qui, du coup, exerce un réel pouvoir de patronage et, en définitive, un magistère d’influence. En aucun cas, la nécessité d’union nationale ne devrait priver une majorité au pouvoir d’un travail de sélection des candidats à des postes stratégiques. L’absence de ce travail déroute les bases qui s’imaginent que l’espoir de parvenir à un poste est proportionnel à sa capacité de tenir un niveau de posture publique de mépris et d’insulte, ce qui serait une inversion des valeurs. La sauvegarde d’une identité autour du leader au pouvoir réside dans un savant dosage tout comme dans le travail permanent d’éveil des consciences et de veille sanitaire.
par Le professeur Tryphon kin-kiey Mulumba.