Kengo défenestre sans pitié
  • dim, 17/05/2015 - 14:18

En frappant sans pitié ses anciens amis, Léon Kengo affermit son image de l’homme de la loi.

L’implacable PGR qu’il a été ne l’a jamais quitté. Sous des airs de bonhomie se cache une colère à fleur de peau. On peut dire qu’il réprouve voir des principes être bafoués.
Quand il préside ses plénières qu’il maîtrise à la perfection à la manière des grands maestros, il voue tout le respect à ses «chers collègues Sénateurs» mais chez lui plus que chez tout le monde, tout a une limite et l’homme charmant qu’il est prêt à faire état de son exaspération en chapitrant littéralement l’indésirable. Lors du débat mi-janvier sur le projet de révision de la loi électorale, on l’a vu sermonner un «collègue» qui tentait de revenir sur le débat depuis son strapontin alors qu’il avait eu tout le temps devant le pupitre de dire sa désapprobation du projet gouvernemental et lui intimer l’ordre de se taire. Sentant que le sol allait se dérober sous ses pieds, l’élu la boucla nette.

DIS-MOI QUI TU VOIS...
Quelle mouche a piqué trois des grandes figures de la IIème République mobutiste qui connaissent l’ancien PGR - si certains s’habituent à l’appeler «Président» ou «Honorable Président» quand d’autres ne le quittent pas de leur «Premier», le seul homme sous Mobutu à avoir été trois fois Premier ministre - le Président du Sénat Léon Kengo wa Dondo a, comme un lion dans la savane, estimé le temps venu pour montrer sa crinière brune fournie en rugissant, appelant le respect. S’il y en a qui n’ont pas compris - allant jusqu’à traiter certains de ses actes de félonie ou de perfidie, il n’y avait aucune place pour ceux-là autour de Kengo. De l’antre du lion, on ne sort pas vivant...
Samedi 9 mai 2015, Jean-Baudouin Idambituo Bakaato, Gérard Kamanda wa Kamanda et Kitenge Yezu se font sans ménagement débarquer de l’OR (Opposition Républicaine). Décision prise à l’issue d’un Conseil National. Et Kengo l’a annoncé au monde entier sur tous les médias.
Si le trio dégagé dispose des réseaux, qu’il en fasse usage à son tour. Qui ne sait que désormais, la guerre se gagne à l’international!
C’est la force d’un politique: les réseaux. A n’en point douter, Kengo les a et affiche. Que signifie une masse locale à drainer si on n’est pas ou si on est peu admis dans les salons ouatés des décisions? Tshisekedi l’a compris mais... à son grand âge!
Ceux qui lui opposent le nombre oublient que dans nos pays ce sont des identités qui comptent. Dis-moi qui tu vois, je te dirai qui tu es... Kengo peut avoir deux ou trois élus, son nom est en lui-même une force! De là la grande surprise qu’il créa à la Chambre haute. Ni élu national, ni élu provincial, cela ne l’empêcha point de s’arroger le présidium. Nombre de ses amis peu au fait qu’il eût traversé indemne les années d’exil - années de braise - restèrent bouche bée devant le triomphe inouï...
Aujourd’hui encore, l’ancien PGR avance et place les siens en se rapprochant davantage de Joseph Kabila Kabange qu’il respecte sans aucun doute. Celui qui accepta de s’afficher le 20 décembre 2011 à la prestation de serment du Chef de l’Etat, esplanade de l’UA désertée par des missi dominici étrangers avant de se faire agresser, une semaine plus tard le 31 décembre 2011 par des «Combattants» extrémistes de l’Udps et laissé pour mort sur la chaussée au moment où il montait dans une voiture qui l’attendait, au sortir de la gare du Nord à Paris, répète qu’il fait la différence entre l’homme politique et l’homme d’Etat qui gît en lui. Face à l’action publique, l’homme d’Etat ne faisant montre d’aucun état d’âme...

TROP C’EST TROP...
A qui appartient l’Opposition Républicaine? Au trio Kamanda- Idambituo-Yezu ou, au contraire, à Léon Kengo wa Dondo-Michel Bongongo Ikoli Ndombo-Franck mwe Di Malila Malela Apenela-Albert Mpeti et d’autres? C’est quoi l’Opposition Républicaine? C’est quoi l’Ordre Républicain? C’est le débat - la polémique - dont des tabloïds kinois se nourrissent ces dernières semaines.
Tout est parti de la fameuse tombe commune de Maluku. Le trio diffuse un communiqué arrimant ses positions sur celles de l’opposition. Ministre d’Etat en charge du Budget Michel Bongongo Ikoli Ndombo n’apprécie pas un acte qui apparaîtrait comme un signe d’absence de solidarité gouvernementale. Il diffuse un communiqué et réfute une position à laquelle l’Opposition Républicaine ne se reconnaît pas, expliquant que le trio engageait ses seules signatures et non celles de l’OR. Oublié de l’équipe Matata II, le trio cherche-t-il des poux sur la tête de Kengo? Hypothèse...
Mais voici que le trio paraît avoir la peau dure! D’où lui vient cette force? Il contrarie Bongongo jusqu’à sa légitimité faisant un distinguo entre l’OR (Opposition Républicaine) et L’OR (l’Ordre Républicain). C’est à y perdre son latin. Expliquant que le ministre d’Etat, les Vice-ministres à la Coopération Franck mwe Di Malila Malela Apenela et aux Finances Albert Mpeti ne représentaient ni l’opposition, ni l’OR (Opposition Républicaine) mais L’OR (Ordre Républicain) ne manquant pas sur le coup de faire mouche. Traînant au passage dans la boue le président du Sénat. Trop c’est trop...
«Léon Kengo wa Dondo n’appartient pas à l’Opposition Républicaine, mais à l’Ordre Républicain. Une majorité écrasante des présidents et personnalités politiques membres du Conseil national de l’Opposition Républicaine a décidé de se passer de lui comme autorité morale, le laissant libre de poursuivre son chemin. Cela après avoir constaté que Kengo avait définitivement pris ses distances avec les valeurs fondamentales de la plateforme résumées dans sa devise «Unité dans la transparence et la loyauté réciproque». «Kengo n’est investi d’aucun pouvoir qui permette de parler au nom de la plateforme Opposition Républicaine. C’est depuis le 31 mars 2015 que les chemins se sont séparés entre l’Ordre Républicain et la plateforme Opposition Républicaine. Le tapage médiatique auquel se livrent le Secrétaire Général de l’UFC (Union des Forces du Changement), Michel Bongongo et ses amis politiques cache une réalité dont ils ne seraient pas très fiers».
Et de brandir les points 19 et 23 de la liste des regroupements politiques publiés par les services du Secrétaire général aux relations avec les partis politiques du ministère de l’Intérieur et Sécurité. Il y a là le sigle L’OR (Ordre Républicain, animateur Franck mwe Di Malila, Autorité Morale Léon Kengo Wa Dondo). Puis au point 23, OR (Opposition Républicaine, animateur Kitenge Yezu).
Selon le trio, c’est Bongongo au titre de Secrétaire Général de l’UFC qui, le 13 juillet 2014, a donné mandat à Albert Mpeti, Secrétaire exécutif aux relations avec les partis politiques à l’UFC, de signer l’Acte constitutif du 15 juillet 2014 créant le regroupement l’Ordre Républicain. Après cette sortie, on croirait le groupe Kengo atteint. Il n’y a rien de tel.
Ses communicants doivent éteindre le feu et plongent dans les archives.

AUX ORIGNES DE L’OR.
Tout part du Conclave de l’opposition réuni en juillet 2013 à Limeté et des Concertations politiques (septembre-octobre 2013) convoquées par le Président de la République. Après tractations, des partis et regroupements de l’opposition ayant pris part à ces deux assises créent samedi 14 février 2014 l’Opposition Républicaine. Ils veulent fédérer l’opposition autour d’une ligne de défense commune pour servir d’interlocuteur face à la Majorité. Organes de cette OR: Autorité Morale (Léon Kengo wa Dondo), Conseil national et Coordination.
L’OR est conçue comme une méga plate-forme constituant un bloc compact de l’opposition. Les membres fondateurs se donnent pour mission d’élaborer le Règlement Intérieur du «méga regroupement». Bongongo est désigné Représentant de l’Autorité morale, Jean Pierre Lisanga Bonganga est coopté coordonnateur. Mise en place, la Commission du Règlement Intérieur est conduite par Delly Sesanga Hipungu Dja Kasenga. Ses membres: Jean-Baptiste Bomanza, Mfumu Toto Basanga, Menga Lubuele, etc. La commission se met au travail et donne la forme définitive du texte régissant l’OR, adopté le 30 juillet 2015. Vint la nominationdes animateurs des organes. Conseil national, modérateur Florentin Mokonda Bonza, avec modérateurs adjoints Laurent Batumona, Charles Bofasa Djema, Idambituo Bakaato, Kamanda wa Kamanda. Tandis que Mutumbi Abeli est coopté rapporteur.
La Coordination est conduite par Delly Sesanga, assisté de coordonnateurs adjoints. Outre cela, l’OR se dote d’un Comité des sages, dépendant du Conseil National. Kitenge Yezu en assure la présidence. Mais Yezu qui n’avait jamais quitté Kengo depuis les années exil, n’a pris part ni au Conclave de Limeté, ni aux Concertations convoquées par le Président de la République. Il n’a pas plus signé l’acte constitutif de l’OR. Aucun organe de l’OR ne relève de sa compétence et le Comité des sages dont il est le président relève du Conseil National. «Le fait de s’être placé animateur principal de l’Opposition Républicaine jusqu’à remettre en cause l’autorité de Léon Kengo wa Dondo est une tricherie morale et une usurpation.

L’OMBRE DU PROBABLE DIALOGUE.
C’est pour cette raison que le Conseil National décide samedi 9 mai 2015 de l’exclure, autant que les deux autres qui l’accompagnent», commente un proche du dossier. Depuis la fronde Lisanga Bonganga autoproclamé coordonnateur de l’opposition, puis la démission à sa propre initiative de Mokonda Bonza comme modérateur, puis le show José Makila qui a quitté l’OR, que de mutations à l’Opposition Républicaine. L’OR (Ordre Républicain) n’est rien de plus qu’un courant parmi d’autres qui forment l’OR (Opposition Républicaine). «L’Ordre Républicain ne s’est jamais substitué à l’Opposition Républicaine qui passe pour le grand ensemble», expliquent des proches du dossier pour qui «l’autorité de Léon Kengo wa Dondo ne peut nullement être remise en cause».
En clair, «l’Opposition Républicaine dont fait partie l’Ordre Républicain se reconnaît en Kengo comme sa seule et unique autorité morale». Est-ce l’annonce d’un probable énième dialogue qui met en transe des membres de la classe politique, chacun cherchant à mieux se positionner désormais pour espérer gagner quelques postes comme au lendemain de toute rencontre politique congolaise?
T. MATOTU.


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