- jeu, 02/05/2024 - 10:52
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1604|VENDREDI 22 MARS 2024.
Après qu'il a signé à Kigali un nouveau traité pour renvoyer les migrants au Rwanda, pays voisin du Congo, texte que le Congo critique avec virulence assurant qu'il constitue un nouveau danger à ses frontières, Londres cherche-t-il à relancer ses liens avec Kinshasa ?
Malgré les divers revers judiciaires et autres provenant des milieux de défense des droits de l'homme, le Royaume Uni est resté de marbre, déterminé à expédier les migrants - de toute origine - arrivés illégalement sur le territoire britannique. Le texte, hautement controversé, devrait encore être ratifié par les Parlements des deux pays.
Le 5 décembre 2023, le ministre de l'Intérieur britannique James Cleverly et le ministre rwandais des Affaires étrangères, Vincent Biruta ont signé à Kigali un nouveau texte sur le sujet trois semaines après le camouflet infligé au gouvernement de Rishi Sunak par la Cour suprême britannique. Mi-novembre 2023, les hauts magistrats britanniques avaient confirmé l'illégalité, en l'état, du projet du gouvernement.
Ils avaient ainsi rejeté l'appel du gouvernement de Rishi Sunak et jugé que c'est à juste titre que la cour d'appel avait conclu que le Rwanda ne pouvait être considéré comme un pays tiers sûr. Cette décision, a insisté le président de la Cour suprême Robert Reed, se fonde sur des raisons légales et non politiques, mettait fin à la mesure phare des conservateurs pour lutter contre l'immigration illégale.
La nouvelle copie avait mission de corriger les failles décelées par la justice dans le précédent texte.
Londres et Kigali veulent attaquer le mal à la racine. «Le traité que nous avons signé aujourd'hui s'appuie sur ce travail commun. Il reprend l'attitude professionnelle positive que vous et votre gouvernement affichez et l'associe au travail que le Royaume-Uni accomplit pour s'assurer que nous brisons le modèle commercial de ces gangs diaboliques de passeurs», avait déclaré James Cleverly.
Selon ce texte de 43 pages, les migrants expulsés au Rwanda ne seront pas renvoyés vers un pays où leur vie ou leur liberté seraient menacées. Pas surtout vers leur pays d'origine.
«Le Rwanda et le Royaume-Uni sont conscients qu'il est absolument nécessaire de trouver des moyens novateurs pour remédier aux souffrances des migrants qui effectuent des voyages dangereux et désespérés, ainsi qu'à l'exploitation des passeurs criminels. Il est également nécessaire de s'attaquer aux causes sous-jacentes qui poussent les gens à quitter leur pays. En d'autres termes, les bateaux ne seront pas complètement stoppés si nous n'inversons pas le manque d'opportunités et l'insécurité dans les pays du monde entier», avait expliqué le ministre rwandais Biruta.
Sur le premier texte étudié en novembre 2023, la haute cour avait conclu que le Rwanda ne pouvait être considéré comme un pays tiers sûr. En 2023, 29.705 personnes étaient arrivées par la Manche à bord de petites embarcations.
RWANDA «PAYS SÛR».
«J'en ai assez que notre politique avec le Rwanda soit bloquée», avait déclaré le Premier ministre Rishi Sunak dans une interview au Sun. En plus du traité, le gouvernement entendait introduire une «législation d'urgence» au Parlement pour désigner le Rwanda comme un pays sûr et ainsi «mettre fin à ce manège», avait précisé Rishi Sunak.
Reste les défenseurs des droits de l'homme toujours vent debout demandant au gouvernement britannique d'annuler son projet.
Londres doit «ouvrir les yeux sur le passé du Rwanda en matière de violations des droits humains, notamment à l’encontre des réfugiés et des demandeurs d’asile (...) et abandonner une fois pour toutes ses projets d’expulsion des demandeurs d’asile vers le Rwanda», avait exhorté Yasmine Ahmed, directrice Royaume-Uni pour l'ONG Human Rights Watch.
Un discours porté par Kinshasa.
Début mars 2023, dans une interview au Times de Londres, le président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo avait critiqué ce texte dans des termes non équivoques expliquant que le Rwanda avait conclu ce texte avec le Royaume-Uni en échange du silence sur les exactions commises par le régime dictatorial, criminel et sanguinaire de Paul Kagame.
« Comment un pays aux grandes valeurs comme le Royaume-Uni peut-il faire des compromis avec de tels partenaires?», s'était interrogé le président congolais alors quand l'alors ministre britannique de l'Intérieur, Sue-Ellen Cassiana Braverman, se rendait à Kigali pour finaliser cet accord. Suella Braverman décrivait le Rwanda comme «un modèle dans la région».
La Grande-Bretagne «ferme les yeux» sur les abus de Kagame, sur le bilan antidémocratique de celui-ci et sur les atrocités commises par son armée supplétive dans l’est du Congo, riche en minerais, avait estoqué le président congolais.
Puis : « Il semble que l’accord sur l’immigration ait plus de valeur pour le Royaume-Uni que le soutien à la paix et à la stabilité en RDC ».
Mi-mars, Kinshasa avait fait état de sa mauvaise humeur vis-à-vis de Londres. En visite à Kinshasa, du 18 au 21 mars, le Monsieur Afrique de Rishi Sunak, Andrew Mitchell n’avait pu être reçu par le Chef de l’État congolais. La rencontre du ministre britannique en charge du Développement et de l’Afrique avec le président congolais figurait à l’agenda communiqué par l’ambassade britannique à Kinshasa.
Arrivé dans la Capitale dans la soirée du 18 mars pour une visite de trois jours, Andrew Mitchell n’avait finalement été reçu que par le chef de la diplomatie congolaise, Christophe Lutundula Apala Pen'Apala.
«La présidence congolaise a fait attendre Andrew Mitchell toute la journée du 20 mars, jusqu’à minuit. Il a donc quitté Kinshasa le 22 mars». Ceci explique cela ?
Voilà que l'ambassade britannique à Kinshasa annonce un événement, «UK-Democratic Republic of The Congo Trade & Investment Mission». Prévu pour se tenir dans la capitale congolaise du 10 au 11 avril 2024, ce Business Forum qui va réunir des chefs d'entreprise et des investisseurs des deux pays, dont Peter Fowler de la firme Westminster, aura comme point d'orgue une rencontre avec le président congolais.
Une rencontre avec le Premier ministre est aussi prévue. Les ministres dont des Finances, de l'Économie, de l'Industrie, des Hydrocarbures, de l'Agriculture sont annoncés. Londres veut clairement relancer ses liens avec le Congo quand les relations de Kinshasa avec l'Union Européenne marquent le pas après notamment la signature le 21 février 2024 d’un accord sur la création de la chaîne de valeur pour les minerais stratégiques et critiques.
Lors du IIème Forum sur le Commerce et l'Investissement en Afrique de l'Ouest et en Afrique Centrale, WCAF, tenu à Londres, les 17 et 18 octobre 2023, Rishi Sunak avait insisté sur les liens entre Londres et Kinshasa, disant sa volonté de créer un partenariat prospère et mutuellement bénéfique, mettant en avant l'importance des ressources naturelles essentielles du Congo, qui jouent un rôle clé dans la transition mondiale vers le «zéro émission», ainsi que dans le développement de l'économie verte.
Il avait dit son souhait de renforcer les liens économiques avec Kinshasa pour la promotion de la croissance économique, la création d'emplois et la promotion du développement durable, soulignant son enthousiasme à l'idée de continuer à renforcer ces relations pour libérer le plein potentiel du Congo et travailler ensemble sur des intérêts communs.
ALUNGA MBUWA.