Chérubin Okende se fait sèchement sermonner par Sama Lukonde
  • ven, 01/04/2022 - 16:15

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1549|VENDREDI 1 AVRIL 2022.

Il n'avait peut-être jamais été aussi sec avec un membre de son Gouvernement mais Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge a fait remonter les bretelles à l’un de ses ministres dans un style rarement aussi rocailleux.

OKENDE, MINISTRE VANDAL?
Allant jusqu'à user du caractère gras dans son courrier, à certains passages, afin de mieux attirer l’attention de Chérubin Okende Senga à lire et relire ce qu’il lui a écrit, le chef du Gouvernement, dans le conflit qui oppose son ministre au DG a.i. de l'Ogefrem, Sayiba Ntambwe, lui fait parvenir le texte ci-après : «Je vous engage, en définitive, à la stricte observance du contenu de la présente, qui ne doit souffrir d’aucune faille, de veiller au climat de paix et de sérénité à l’Ogefrem et de me faire rapport de l’évolution de ces deux dossiers...», ordonne le Premier ministre comme s'adressant à un apprenant.

Dans une correspondance de style dernière mise en garde datée du 18 mars 2022, référencée CAB/PM/DIRCABA/PAJD/VMM/03/2022, Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge décrit son ministre des Transports comme un Don Quichotte, quelqu’un qui s’emmêle les pinceaux, s’adjugeant des ailes d’un aigle alors qu’il n’est qu'un moineau, en intriguant de se passer même de l’institution Président de la République.

De deux dossiers évoqués par le Premier ministre, l’un porte sur les contrats de partenariats conclus il y a quatre ans par l’Office de gestion du fret multimodal et certaines firmes privées. «(...) Il me revient qu’un climat malsain s’est installé à l’Office de gestion du fret multimodal (Ogefrem) au sein duquel s’observent des actes de vandalisme de tous ordres ainsi qu’un arrêt brusque du travail et des services, suite à certaines injonctions que vous avez données directement au DG a.i de cet office», constate Sama.

Depuis fin décembre 2021, Cherubin Okende exerce un certain lobbying sur la direction générale de l’Ogefrem en flagrante violation de la loi n°08/009 du 7 juillet 2008 portant disposition générale applicables aux établissements publics ainsi du décret n°09/63 du 3 décembre 2009 fixant les statuts de l’Ogefrem. Le Premier ministre en veut pour preuves, écrit-il : «vos lettres référencées 000702 et 000703/CAB/MIN/TVCD/2021 du 28 décembre 2021 et 00052/CAB/MIN/TVCD/2022 du 26 février 2022, vous avez enjoint le DG ai, d’une part, de suspendre les contrats qui lient l’Ogefrem aux sociétés Golden Jiangsu Coast et Africa Union Cargo et, d’autre part, de réintégrer dix agents et cadres licenciés en 2017».

Pourtant, «les statuts de l’Ogefrem circonscrivent votre champ d’exercice du pouvoir de tutelle, que je vous invite à observer», insiste le Premier ministre.
«Je tiens à vous faire observer, en ce qui concerne les injonctions de suspension des contrats liant l’Ogefrem (...), que vous auriez dû demander à l’Ogefrem, à la rigueur, d’établir un état des lieux desdits contrats au regard des accusations et irrégularités qui auraient été portées à votre connaissance afin de vous permettre d’avoir des éléments d’appréciations objectifs susceptibles de vous éclairer utilement (...)». Ne l'ayant pas fait, le Premier ministre demande à son ministre «de reconsidérer vos injonctions de suspension desdits contrats, et de faire procéder, au préalable, à un état des lieux...».

COMME ÉRIC DUPOND-MORETTI.
L’autre dossier évoqué par Sama porte sur la réintégration des dix agents et cadres de l’Ogefrem licenciés depuis 2017. Sama s’offusque de l’ukase de son ministre au DG a.i. Sama lui rappelle les recommandations de la commission discipline, en 2021.

«Vider le dossier, toujours pendant, des agents et cadres de l’Ogefrem révoqués, note le Premier ministre, en prenant soin d’examiner froidement toutes ses implications, étant donné que diverses institutions, en l’occurrence, le Président de la République, le Parlement, le Gouvernement et le pouvoir judiciaire en sont saisies au même moment, afin d’éviter le chevauchement, le télescopage et la contradiction des décisions pouvant être prises, à défaut de son traitement inter-institutionnel».

Avis expert : l’affaire Ogefrem sent trop mal pour Chérubin Okende Senga, un ancien du secteur des transports. Une affaire qui rappelle celle, en France, du ministre de la Justice et Garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti accusé de tirer profit de sa position de ministre de la Justice pour régler les comptes de l'ancien avocat avec des magistrats qui lui avaient fait vivre l'enfer. Eric Dupond-Moretti a été entendu le 29 mars par les magistrats de la Cour de justice de la République. Éric Dupond-Moretti a été mis en examen l’été dernier pour des soupçons de conflit d’intérêts.

Seule juridiction habilitée à poursuivre et juger des ministres pour des infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions, la CJR a été saisie pour enquêter sur les accusations contre le ministre de justice, soupçonné d’avoir cherché à régler des comptes avec des magistrats avec lesquels il avait eu maille à partir quand il était avocat.
POLD LEVI.


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