- lun, 29/05/2023 - 18:20
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1583|LUNDI 29 MAI 2023.
Quand la Chine s'éveillera...» fut le titre d'un essai paru en France chez Fayard en 1973. La réponse était dans le titre : «... le monde tremblera ».
En 1973, qui eût cru Alain Peyrefitte, diplomate, politique, écrivain, académicien, né en 1925, mort en 1999 ? Quatre après la sortie de ce livre monumental, Alain Peyrefitte redevient ministre, Justice et Garde des Sceaux sous Valéry Giscard d'Estaing. Il y reste quatre ans. Ministre sous plusieurs présidences, porte-parole du Gouvernement, il crée l'ORTF (aujourd'hui Rfi et autres). Sa relation privilégiée avec Charles de Gaulle fait élire député dans toutes les législatures de la Vème République et sénateur l'une des figures majeures de la droite en France. Un livre né après une visite en Chine en 1971 d'Alain Peyrefitte qui préside la Commission des Affaires culturelles et sociales à l'Assemblée nationale et conduit une délégation parlementaire. À son retour à Paris, Alain Peyrefitte écrit un rapport d'enquête sur l'état de la Chine en plein milieu de la Révolution culturelle. Il observe la taille et la croissance de la démographie en Chine et conclut que le pays finira inexorablement par s'imposer au reste du monde quand elle maîtrisera suffisamment la technologie. Il explique que « la Chine d'aujourd'hui ne prend son sens que si on la met en perspective avec la Chine d'hier ». Il considère que le paysan chinois bénéficie d'une indéniable amélioration de son niveau de vie.
«Quand la Chine s'éveillera..., le monde tremblera» s'arrache à près de 900.000 exemplaires.
En 1980 paraît une nouvelle édition mise à jour. En 1996, comme un écho à ce livre, Alain Peyrefitte publie une suite en forme de constat : «La Chine s'est éveillée», Éd. Fayard.
Si l'homme politique garde une distance avec la Chine quotidienne, il reste fasciné par « l'extraordinaire concentration du pouvoir qui sévit en Chine».
Les critiques ? Pour l'universitaire François Joyaux, le livre d'Alain Peyrefitte sur les potentialités de la Chine s'impose par sa profondeur. René Etiemble pense que l’ouvrage est «un bilan intelligent et alerte» mais conseille, pour comprendre les luttes politiques chinoises, de lire «Les Habits neufs du président Mao» (Simon Leys).
Il ajoute qu'Alain Peyrefitte traite « de la Chine en politicien conscient de ses devoirs d’État, et de ce qu’il doit à l’État dont il fait la politique ». Pour le sinologue Lucien Bianco, Peyrefitte considérait que « la démocratie n'était pas faite pour les Chinois. Il n'avait donc rien à redire d'essentiel contre la tyrannie maoïste ».
L'auteur se défend d'une «maolâtrie», indique que « les cent dernières pages de l'édition originale énuméraient ce qu'il faut mettre dans le plateau négatif de la balance : le sacrifice des libertés, le sang versé, la persécution religieuse, les fugitifs de Hong Kong. C'est moi qui, le premier dans la presse occidentale, ai parlé d'un chiffre de 50 millions de morts !». Pour le dissident chinois Harry Wu, l'homme politique français n'a jamais évoqué le laogai alors qu'il savait. Nom d'un camp de rééducation par le travail en République populaire de Chine et au service de l'appareil répressif de l'État, le laogai est considéré comme l'équivalent du goulag soviétique.
CHIFFRES FOUS.
Il reste que l’Empire du Milieu a détrôné les États-Unis dans l’innovation et les matières premières hors énergie et pourrait dépasser les États-Unis d’ici 3 ou 4 ans au plan de PIB. La notion de «grande puissance » fait référence à des domaines comme la capacité à contribuer à l'ordre mondial ou le développement militaire. En matière économique, la notion de « puissance économique » est souvent mesurée par le PIB, le produit intérieur brut. Si, selon cet indicateur, l'Inde était en tête devant la Chine jusqu'aux années 1500, la Chine a pris la première place jusqu'au milieu du XIXe siècle. Au moment de la révolution industrielle, l'Empire britannique a pris la première place avant de se faire doubler par les États-Unis juste avant la Première Guerre mondiale. Depuis un peu plus d'un siècle, les États-Unis sont considérés comme la première puissance économique mondiale. Sauf qu'il y a eu des challengers. En 1956, le prix Nobel d'Économie, Maurice Allais indiquait qu'avec son rythme de production industrielle, l'Union soviétique allait rattraper les États-Unis vers 1970-1975. La croissance était de 4 à 10% comme aux États-Unis au XIXe siècle. Mais avec les chocs pétroliers et les crises économiques, cela n'arriva pas.
Dans les années 1980, le Japon était sur le point de rattraper les États-Unis. Son PIB augmentait de 5% par an alors que celui des États-Unis de 1%.
À ce rythme, le Japon pouvait prendre la place de première puissance économique du monde. Cela n'est jamais arrivé avec la stagnation de l'économie au pays du Soleil Levant. Plus récemment, le décollage économique de la Chine a permis à l'Empire du milieu de dépasser rapidement tous les autres pays sur de nombreux critères jusqu'à atteindre la seconde place. Aujourd'hui, selon les indicateurs, la Chine et les États-Unis rivalisent pour la place de leader. La hiérarchie a-t-elle effectivement été aujourd'hui bousculée ? Selon la Banque mondiale, les PIB totaux sont respectivement de 15.000 milliards de $US et de 21.000 milliards. La tendance montre que les courbes pourraient se croiser d'ici trois ou quatre ans. Et, si on utilise les PIB constants en parité de pouvoir d'achat, la Chine a déjà dépassé les États-Unis avec 23.000 milliards contre 20.000 milliards. Le Fonds monétaire international indique dans son World Economic Outlook des prévisions pour 2022 pour le PIB courant à 18.000 milliards de $US en 2022 pour la Chine contre 24.000 milliards pour les États-Unis. On observe que la Chine a fait un bond sur ces deux dernières décennies en matière commerciale. D'après l'Organisation Mondiale du Commerce, OMC, à laquelle la Chine a adhéré en 2001, pour les exportations de marchandises, la part de la Chine est passée de 5,9 % à 15,2 % entre 2003 et 2020 et celle des États-Unis a reculé de 9,8 % à 8,4 %. Désormais, la Chine est désormais, et de loin, le premier exportateur mondial de marchandises. En valeur, cela représente 2.600 milliards de $US pour la Chine contre 1.400 milliards de $US pour les États-Unis. L'«usine du monde» est désormais le premier fournisseur de plus de 60 pays, dont une vingtaine en Afrique.
Au-delà du PIB, on observe que la Chine rivalise désormais avec les États-Unis en matière d'innovation. La Chine est devenue le premier déposant mondial de brevets en 2011 devant les États-Unis et le Japon. Longtemps considérée comme une nation douée pour la copie, la Chine a depuis plusieurs décennies misé sur l'innovation et la R&D (Recherche et Développement Expérimental) même si le nombre de brevets n'est pas le seul indicateur, car il faut examiner l'exploitation de ces brevets et les redevances qu'ils génèrent. Selon l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, l'écart est en train de se creuser : la Chine dépose plus de deux fois plus de brevets que les États-Unis et représente à elle seule 43 % de dépôts dans le monde.
En matière de R&D, les investissements chinois sont considérables et ont fortement augmenté. Selon l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement, la Chine est passée de dépenses de 0,9% du PIB en 2000 à 2,4% en 2020. Sur la même période et les États-Unis de 2,6% à 3,4%. En volume, la Chine est passée de 38 milliards de $US en 2000 à 563 milliards en 2020. Elle reste encore derrière les États-Unis (664 milliards) à la seconde place. Mais la Chine a dépassé les États-Unis en nombre de chercheurs (2 millions contre 1,4 million). Quant à la comparaison entre les tissus d'entreprises, les États-Unis restent encore devant la Chine, avec une capitalisation boursière de près de quatre fois supérieure grâce aux groupes comme Apple, Microsoft, Amazon, Facebook mais l'écart se resserre avec la montée de Tencent, Alibaba, etc. Côté chinois, les géants du numérique sont plus récents mais en forte croissance : Alibaba a un chiffre d'affaires de 72 milliards de $US (contre 296 pour Amazon), Tencent a 1,2 milliard d'utilisateurs, Baidu comptabilise environ 80% des requêtes en Chine, Xiaomi a 13,5% des parts de marché (devant Apple et derrière Samsung). En termes de capitalisation boursière, les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi), représentent trois fois moins que les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) mais avec des taux de croissance supérieurs en termes de chiffres d'affaires. La montée en puissance économique de la Chine se traduit également par son rôle de plus en plus important sur le marché mondial des matières premières.
Pour le fer et l'acier, d'après l'OMC, la Chine est aujourd'hui le premier exportateur mondial avec 13% du marché, loin devant les États-Unis, 4%. La Chine est le pays qui extrait le plus d'or face à l'Australie, à la Russie et aux États-Unis, et produit le plus d'aluminium face à la Russie, au Canada et à l'Inde. Mais pour le pétrole et les autres combustibles, les États-Unis restent le premier exportateur mondial avec 8,6 % du marché, loin devant la Chine à 2,6 %. Et ce secteur crucial reste problématique pour la Chine, qui représente 21 % des importations mondiales. Si ces importations permettent des exportations de produits finis plus importants, cela reste bénéfique à la Chine.
À l'avenir, la Chine pourrait prendre une position dominante dans d'autres domaines. L'empire du Milieu investit massivement dans l'électrique : 1 voiture vendue sur 5 dans le monde est aujourd'hui à moteur électrique et certaines villes remplacent tous leurs bus par des bus électriques. Dans ce secteur, la Chine investit partout dans le monde via l'entreprise State Grid Corp. of China (SGCC), qui est aujourd'hui le plus grand gestionnaire de réseau et de distribution d'électricité dans le monde.
D'où l'intérêt que porte la Chine à un Congo riche en lithium et cobalt, deux composants essentiels dans la fabrication de batteries pour les véhicules électriques favorisant la transition du monde vers l'abandon des combustibles fossiles. Lors de la visite d'État du président congolais en Chine du 24 au 29 mai à l’invitation du président Xi Jinping, plusieurs accords ont été signés.
avec AGENCES.