- lun, 31/01/2022 - 18:20
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1545|LUNDI 31 JANVIER 2022.
Regard droit devant, micro accroché dans la paume de la main, une femme s'adresse au Président de la République. Debout, sous une tente, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo écoute cette femme au centre d'une foule égrener un discours sans l'interrompre. Puis, une autre femme saisit le micro. Même scène. Tout autour, à quelques mètres, le public en silence assiste à ce spectacle inédit.
Puis, un homme apparaît, prend à son tour le micro, s'excuse de vouloir en public tout dire au Président de la République. Puis s'emballe.
La première femme est l'épouse d'un militaire, dit-elle au Président qui l'interroge ; la seconde, l'épouse d'un agent de police. Toutes deux font part au Président de la misère qui les anéantit ; de ce que leurs maris reçoivent à la fin du mois; de ce qu'elles peuvent faire avec ce que leurs maris apportent à la maison...
Elles vont plus loin. Impossible qu'elles s'achètent un vêtement - l'une d'elle explique que le pagne qu'elle porte pour se rendre à cet accueil, elle l'a emprunté - ou qu'elles acquièrent de quoi manger ; impossible qu'elles soient en situation d’envoyer leurs enfants à l'école.
Si chacune se tient debout, l'épuisement dans la voix témoigne d'un désarroi profond...
Le Président glisse un doigt sous un verre de ses lunettes. Il essuie une larme... Comment cela se termine ? La vidéo postée sur les réseaux sociaux ne donne pas la suite.
La scène se déroule dans le Kasaï, la province d'origine du Président. Depuis trois ans qu'il est au pouvoir, c'est la première fois que Félix Tshisekedi fait le déplacement dans cette partie du centre du pays, Mbuji Mayi, Kabinda, Kananga, Tshikapa, Lodja.
Sous les années Mobutu, il s'y était trouvé avec son père quand le redoutable opposant fut contraint à la relégation sur ses terres de Kabeya Kamwanga et dans son village Mupompa.
Avec l'aide des chancelleries, le fils se fit exfiltrer vers l'Europe. Félix Tshisekedi est revenu au Kasaï pendant la campagne électorale de 2011 en candidat député et, fin 2018, en candidat Président de la République sous l'étiquette de CACH, Cap pour le Changement.
En trois ans de pouvoir, le Président a beaucoup voyagé. A l'étranger pour remettre le pays sur les agendas à l'international. En province, au Katanga, dans les Kivu, en province Orientale, dans le Kongo Central. Il retardait son départ ailleurs, au Bandundu, à l'Équateur, au Kasaï.
En trois ans, le Président a voyagé en avion et sur des routes bitumées.
Au Kasaï, où il vient de passer son plus long séjour en y restant deux semaines pour les fêtes de Noël et de Nouvel An, le Président a touché du doigt comme jamais les réalités. Celles d'un pays et d'un peuple ramenés des années en arrière par une certaine élite politique ; celle d'un pays et d'un peuple qui attendent et attendent sans comprendre mais sans perdre espoir…
Voulant se déplacer vers un site, Tshisekedi prend son véhicule tout-terrain officiel de marque japonaise mais s’embourbe sans espoir de s'en sortir sauf un coup de main d’une garde armée rapprochée alignée et essoufflée.
RETOUR A L'AGE DES TENEBRES.
A l'aérodrome de Lodja, dans le Sankuru, le ministre des Transports use d'un «pousse-pousse» tiré par des jeunes sur la piste aérienne pour se sortir d'un espace transformé en lac par des eaux de pluie.
Retour à l'âge des ténèbres? Reste la coïncidence : au même moment, dans une partie du Continent moins nantie, le ministre des Transports du Sénégal fait partie de la suite de son Président Macky Sall qui inaugure un train à grande vitesse qui n'a rien à envier au Thalys qui dévale la ligne Paris-Bruxelles.
Le TER, Train Express Régional Dakar-Diamniadio se présente «comme un des moyens de transport les plus modernes du monde», déclare Stéphane Volant, président du conseil d'administration de la SETER, la Société d'exploitation du TER, filiale de la SNCF, la Société publique française de transport ferroviaire. Même si le Kasaï a été gâté par des centaines de millions de $US déversés des comptes publics depuis 2019 mais qui ont pris d'autres destinations, la situation de cet espace géographique est aussi étrangement faillie à ce que les Congolais vivent ailleurs dans le pays. Dans la Capitale Kinshasa, c'est la même misère que l'on rencontre dans le quartier des affaires comme dans toutes les communes.
L'eau, l'électricité, les transports en commun, les infrastructures scolaires et de santé, érosions, mort d’hommes à chaque pluie, etc., le pays est à même le sol.
A Lodja, l'une des dernières étapes de la visite présidentielle, une vidéo de la chaîne de télévision publique Rtnc montre le Chef de l'État, dans une allocution devant une foule prononcer deux phrases terrifiantes : «Nous sommes là pour travailler pour le Congo et les Congolais. Nous ne sommes pas là pour voler ou détruire le pays puisqu'il n'y a rien à détruire car le pays n'existe plus». La Rtnc n'explique rien du contexte. Ni un ministre ne recadre...
La vidéo se partage comme jamais sur les réseaux sociaux...
Est-ce le bilan d'une visite dans l'arrière-pays? Cela en a bien l'air dans un espace géographique singulièrement gâté, vers lequel, dès janvier 2019, des centaines de millions de $US ont été déversés mais qui ont pris des directions autres...
Dans dix jours, le 19 janvier 2022, c'est l'avant dernière année de fin de mandat, c'est la tenue de la présidentielle. Le pays est en pré-campagne.
Que peut le Président de la République? Comment désormais parler aux Congolais ? Comment reprendre la main et mettre le cap ?
Certes, au foot, l'espoir n'est jamais perdu. Tout est dans le casting. A ce sport favori du Président, même s'il reste une minute avant la fin du match, un joueur d'exception peut transformer la partie. Aujourd'hui et maintenant, le Président doit trouver ce joueur et l'aligner.
Il y a trois ans, à sa prise de fonctions, que de candidats défilaient à tous les postes! Quels critères avait-on fixé ? Où sont les résultats ?
Entre-temps, à une équipe a succédé une autre. L'Union Sacrée que le Président a voulu de «Warriors» est à la manœuvre.
Quels critères a-t-on fixé et quels résultats à l'arrivée ?
L’heure a sonné de regarder le Congo et les Congolais, de décider de faire renaître l'espoir.
Mais que maintenant et aujourd’hui, que ceux qui rencontrent matin, midi et soir le Président, qui parlent avec lui, qui paraissent tellement attachés à leurs intérêts personnels et se trouvent tellement éloignés de l’intérêt du Congo au point que leurs faits et gestes apprêtent chaque jour le désastre d’un mandat qui, à ses débuts, avait soulevé espoir, changent fondamentalement.
KKMTRY.