Avec le Covid-19, le quinquina c’est du cobalt mais l’Etat n’a droit qu’à 100 US$ sur une exportation qui a rapporté des millions
  • mar, 15/12/2020 - 15:45

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1511|MARDI 15 DECEMBRE 2020.

Si un exportateur chinois ou indopakistanais du quinquina r-dcongolais gagne 5 millions de dollars, l’Etat ne devrait espérer se retrouver tout au plus avec 100 dollars sur la transaction.

Ce sont des agents des ministères de l’Agriculture et du Commerce extérieur qui ont étalé au grand jour ce coulage des recettes. Le team leader du réseau Gouvernance économique de la société civile, le prof et Bishop Abraham Djamba Samba a préféré taire leur nom devant le VPM du Budget, Jean-Baudouin Mayo, lors de la plénière du 18 novembre 2020, de l’examen du projet de loi des Finances 2021 par la commission ECOFIN de l’Assemblée nationale à l’Hôtel Royal. Mais selon ces agents, a-t-il fait comprendre, la faute est à l’Etat qui n’a jamais actualisé l’acte générateur des recettes inhérent au quinquina qui date du siècle dernier.

Par ce temps de crise mondiale de coronavirus, le quinquina vaut de l’or. Il est autant recherché, parfois plus que le cobalt ou le lithium pour la fabrication des véhicules électriques. Il n’y a que des étrangers qui l’ont compris. Et dans l’Est, dans les régions du Kivu, Chinois et Indopakistanais venus en quête des métaux rares se sont reconvertis dans l’agro-quinquina. L’on observe d’ailleurs une flambée des prix des écorces du quinquina et de la poudre de totaquina sur le marché mondial.

Les écorces du quinquina sont passées de 1,50 US$ à 3,5 US$ le kilo, et la poudre de totaquina de 52,80 US$ à 112 US$s, en l’espace de quelques mois. Sans doute du fait de la pandémie de coronavirus. Mais les majors de l’industrie pharmaceutique ne le diront jamais de peur de pousser l’opinion mondiale vers la pharmacopée et laisser échapper ainsi des centaines des millions de dollars des revenus attendus de la vente d’un hypothétique vaccin contre la Covid-19. Le quinquina est, en effet, un arbre longtemps perçu comme important grâce à la substance qu’il renferme, la quinine. Son écorce et ses racines sont utilisées pour leurs propriétés médicinales, ce qui lui a valu pendant un temps d’être récolté de manière excessive.

Cet arbre renferme de la quinine, de la quinidine, des tanins et bien d’autres principes actifs importants.

MULTIPLICITÉ DES TAXES.
Au Sud-Kivu, c’est plutôt les pharmacies locales qui font les frais d’une multiplicité des taxes créées par le fisc local, aussitôt emboîté par l’ex-Office national du café (ONC) et les autres services au niveau étatique. A Kinshasa, le ministère de l’Industrie a dû revoir la liste des droits, taxes et redevances dus à l’État et aux entités administratives décentralisées quand la société Pharmakina a menacé de suspendre ses activités.

Pharmakina, propriété de Roche Suisse, dispose, en effet, de 4 000 ha - dont 3 800 ha dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu - de plantations de quinquina en RDC et au Rwanda, et en tire l’essentiel de sa matière première. Le laboratoire congolais est l’un des premiers producteurs africains de sels de quinine et de toute une gamme de médicaments (sirops, comprimés, solutions injectables pour nourrissons, enfants et adultes) destinés à combattre la fièvre et le paludisme, l’une des maladies les plus mortelles en Afrique subsaharienne.

Installée à Bukavu, l’entreprise produit 100 tonnes de sels de quinine par an. Mais Pharmakina doit encore acheter une bonne quantité d’écorces auprès des paysans en vue d’atteindre 2 400 t d’écorce de quinquina l’an requis pour ses usines de transformation. Mais de plus en plus, des entreprises kinoises qui fabriquent des liqueurs achètent aussi des écorces quinquina dans la région. Un marché d’exportation s’y est aussi développé, selon le ministère provincial de l’Agriculture du Sud-Kivu.

Seule entreprise de la filière en RDC, Pharmakina qui emploie quelque 2 000 personnes, dont 1 300 saisonniers, est aussi l’unique unité pharmaceutique du pays à avoir ciblé l’export. Un marché qui représente environ 40 % de son chiffre d’affaires - dont le montant reste confidentiel. Ce sont surtout les sels de quinine qui sont exportés vers l’Asie (Inde, Pakistan, Chine), l’Europe (Allemagne, Espagne, France) et quelques pays africains dont le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie, l’Afrique du Sud, le Sénégal, le Cameroun, le Bénin et le Ghana. Mais Pharmakina doit depuis quelques mois, affronter la concurrence asiatique (Shalina, Zenufa, etc.). Des pharmacies indiennes viennent également s’approvisionner en quinquina dans le Kivu, puis fabriquent en Inde des médicaments qu’ils exportent ensuite vers la RDCongo.

Et combien la vente locale ou l’exportation du quinquina et ses dérivés rapporte-t-elle au Trésor public ? Aucune régie financière, ni le ministère de l’Agriculture, ni la BCC, la Banque centrale du Congo, ne dispose des données spécifiquement retracées sur les exportations de quinquina. Pendant que des expatriés s’enrichissent dans l’exportation du quinquina, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a alerté les autorités locales sur la circulation de la fausse quinine portant la mention Pharmakina avec comme date d’expiration l’an 2020. Plus de 2.000 boîtes de quinines auraient donc été mises sur le marché par la maison Zenufa.

Au Sud-Kivu, l’autorité provinciale a rassuré qu’une enquête indépendante était déjà ouverte pour établir des responsabilités et punir sévèrement les coupables.
Mais d’ores et déjà, des faisceaux d’indices avaient mis à nu des pratiques obscures de l’ONG américaine TPH citée par ailleurs par l’OMS et sa compère, la firme Zenufa.

L’ONG américaine avait, en effet, vendu les 2 000 boîtes à Zenufa pour une somme de 150.000 US$ au lieu de 250.000 US$, croit-on savoir à l’Ordre national des pharmaciens congolais.
POLD LEVI MAWEJA.


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