- ven, 05/04/2019 - 06:26
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
La nuit où il fut nommé Haut Représentant et Envoyé Spécial du Président de la République - fonctions qui relèvent, aux termes de l’ordonnance présidentielle, des services personnels du Président de la République - Yesu Kitenge se trouvait à bord d’un avion le ramenant en Europe, à Bruxelles, où il avait, depuis peu, installé son QG familial, Madame, les enfants, les petits-enfants. Le Patriarche qui avait, deux semaines auparavant, réuni un caucus du Grand Kasaï autour du Président de la République, lors d’un dîner introuvable à la Cité de l’Union Africaine où s’agglutinaient toutes les tendances politiques et tous les âges d’une province très hyper politisée, n’avait pas estimé devoir revenir dès le lendemain à Kinshasa prendre ses fonctions.
«Cela ne lui ressemble pas», opine un homme qui le fréquente depuis des décennies.
«Ce repas fut un repas de réconciliation. On aurait jamais imaginé qu’il ait eu lieu. Ce n’est que Kitenge Yesu - cet homme de poigne et, en même temps, de tempérance qui suscite respect, crainte et admiration à la fois - qui aurait pu l’envisager, l’a organisé et l’a réussi. Bravo!».
Même Mobutu - le Maréchal - dont il fut très proche mais aussi très éloigné idéologiquement n’avait que crainte, respect et admiration pour ce Lumumbiste africaniste que certains appellent «Jésus», très lié à son ami Mandung Bula Nyati qui fut tout sous Mobutu, jadis étiqueté comme «homme de l’Est» maoïste. Sous Mobutu, il aurait pu porter le nom de «démineur». C’est à lui que Mobutu dirigeait tout tracas, qui, aussitôt, trouvait solution. Yesu est resté le même...
Mobutiste assumé, le Sénateur Jacques Tshimbombo Mukuna - l’un des proches du Maréchal quand celui-ci tombe, un certain 17 mai 1997 à l’entrée des troupes de l’AFDL, ne pouvait pas manquer ce rendez-vous du tout Kasaï avec le tout nouveau Président de la République. Il faisait partie de ceux qui ont, à cette occasion, pris la parole.
«Il fallait qu’ils parlent, que chacun qui avait quelque chose à dire le dise», explicite un homme.
DINER A TOUTE LA REPUBLIQUE.
Ce fut une semaine avant que le Président de la République ne poursuive son programme, dans ce même cadre aseptisé où Joseph Mobutu dévissait avec son ami Etienne Tshisekedi avant que celui-ci ne prenne ses distances d’un Maréchal dont le pouvoir virait à l’exercice personnel.
Après le Grand Kasaï, ce fut le tour du Grand Bandundu, puis du Kongo Central, puis du Grand Kivu, puis du Grand Equateur. Félix Tshisekedi va terminer sa marche avec le Grand Katanga. Tshimbombo Mukuna a-t-il ouvert une nouvelle série?
Lui qui a offert samedi 30 mars un dîner non au Grand Kasaï mais à toute la République, dans sa somptueuse villa? Si toutes les calandres étaient dans ce beau quartier de Binza Pigeon, avenue Kananga, sur ce toit de la ville, l’Ambassadeur Kitenge Yesu l’a immédiatement compris, et expliqué, comme sait le faire, souvent avec provocation, cet homme du parler vrai. «Ce soir, la République n’est ni à Kingakati, ni à l’UA», la Cité de l’Union Africaine où bivouaque le nouveau Président qui a décidé, avec raison, de doter le Congo, d’un Palais présidentiel, la résidence officielle du Président de la République, qui - paradoxe congolais - n’existe pas au Congo.
Avant de poursuivre, sur le même ton: «Monsieur le Président de la République honoraire Joseph Kabila, si vous cherchez la République, elle est ici. Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat Félix Tshisekedi, si vous cherchez la République, vous savez où elle est.
Ici se trouvent le FCC, le CACH, l’Ensemble est ensemble avec nous ici».
Puis, en Tshiluba, l’une des langues qu’il parle, pour cet homme qui n’ouvre pas la bouche sans une citation: «On dit Mukalenge wa Bantu, Bantu ba Mukalenge (Un Chef se reconnaît en ses hommes)».
«Ce soir, je suis le Haut Représentant, sans coloration ni formules mathématiques complexes! Ma mission, c’est assembler pour la Nation, au nom du Président de la République pour la Paix. Majorité, coalition, cohabitation, n’ont pas tellement de signification pour moi. En Afrique, les Mânes de nos Ancêtres, avec en tête Afra, le Saint Patron de l’Afrique, recommandent que celui ou ceux qui ont gagné les élections assemblent. Quelles soient législatives, sénatoriales, présidentielles. L’Afrique de part en part a échoué pour avoir transgressé ce principe immémorial.
Le Parlement et le Sénat ne réussiront rien sans le Président de la République.
Par voie de conséquence Lui non plus ne réussira rien sans les autres. Mettons de côté les calculs, voyons le peuple, dont certains d’entre nous parlent peu.
Je refuse et je récuse une confrontation entre Kabila et Tshisekedi». De demander que l’assistance lui dise quel nom porte le plus grand parti du Congo. «Le plus grand parti politique de la RDC se nomme Misère». Puis: «Qui en connaît le comité directeur et le président? J’avoue sincèrement que je ne sais pas, vous non plus d’ailleurs. Et pourtant, ce parti couvre les 2 millions et demi de km2 de notre pays. CACH et FCC doivent travailler la main dans la main sans calcul ni calculette». Là, il cite l’égerie partie, Mpongo Love pour qui «il n’y a pas de machine à calculer les amours. CACH et FCC doivent être l’addition de convergences des combats communs, des objectifs communs, nobles dans la noblesse. Tout cela dans la sagesse. Oui, sagesse d’abord car la sagesse est la boussole de la vie». Puis, le Liberia, on dit: «si vous avez compris quelque chose sur le Libéria, c’est qu’elle vous a été mal expliquée! Evitons que l’on dise la même chose de la RDC».
Mais quelles missions exactes pour ce Haut Représentant du Président de la République qui coiffe aussi cette autre fonction d’Envoyé Spécial? Rien qu’à entendre ces deux appellations, il s’agit d’un personnage très haut placé dans le système de fonctionnement de la Présidence de la République, attaché à la seule et unique personne du Chef de l’Etat. Sans nul doute un haut commis de l’Etat, du niveau de ministre d’Etat - ailleurs un Vice-Président de la République, ce qui lui décerne un pouvoir réel de représentation - et en même temps un diplomate de premier ordre pouvant représenter le Chef de l’Etat en toutes circonstances et pouvant prendre la parole en son nom en interne comme à l’interne.
«LE PUISSANT DU PUISSANT».
C’est tout cet honneur fait à un homme qui a justifié ce banquet et, dans son élément, le maître des lieux, n’y est pas allé sans son fin mot, estimant que c’est «un honneur que le Président de la République vient de faire non seulement aux contemporains, mais aussi, à d’autres frères et amis de Yesu Kitenge».
Et, c’est «au nom de l’heureux élu et à celui de nous tous qui nous sentons honorés par ce choix» que «Tshim» a exprimé sa gratitude au Chef de l’Etat et lui a «renouvelé l’expression de nos sincères remerciements». «Notre devoir de reconnaissance envers le Président de la République est d’autant plus important que la fonction confiée à notre frère lui permet d’occuper une position protocolaire élevée au sein de l’Etat», reconnaît Tshim pour qui, «ce qui est arrivé à notre frère et ami Yesu est, à vrai dire, le fruit du rôle qu’il a joué dans l’ombre» auprès de celui qui, sans que personne ne sache rien, allait inexorablement devenir le Président de ce pays. «Yesu a cru de façon inébranlable en Félix. Voilà ce que procure la fidélité à une personne et la foi en elle».
Mais le Tomatier exècre les éloges. L’homme aime à vivre effacé, loin des phares. Mais ce n’est pas sans avoir ces mots ci: «le Président de la République a misé sur un cheval gagnant. Yesu est un oiseau rare comme en témoigne sa très riche trajectoire politique. Il n’a pas été que grand commis de l’Etat. Il demeure un grand homme d’Etat. Le voilà rattrapé aujourd’hui par la politique, lui qui croyait s’en être éloigné pour toujours». Selon Tshim voulant contribuer à donner du contenu à cette fonction inconnue dans la nomenclature des postes publics au Congo, le Haut Représentant en Afrique notamment, au Burkina-Faso, au Niger et en Guinée Conakry, est une personnalité qui représente un Puissant. «Celui qui représente un Puissant est, du coup, un puissant».
Puis, «notre grande joie est de compter parmi nous quelqu’un qui est très proche du Président de la République. Nous avons désormais un pont pour approcher plus facilement le magistrat suprême de notre pays. C’est ce qui importe pour l’instant, à mon humble avis».
C’est Yesu qui part en repartie par une note d’humour: «Quand j’ai amené le Grand Kasaï chez le Président de la République le 4 février, personne ne m’a demandé mes coordonnées. Ce soir, je constate qu’il y a une forte demande et je me suis préparé en conséquence. Les cartes de visite du Haut Représentant vous ont déjà été distribuées». Et, fin des fins: «Lorsque je faisais le tour des tables, quelqu’un m’a dit: «vous êtes notre fenêtre sur la Présidence. Au lieu d’une fenêtre, c’est une porte qui restera toujours ouverte. Et, je compte sur vous. Je travaillerai avec vous. Travaillons ensemble. Soyez réceptifs à mes sollicitations. Que mon message parvienne à qui de droit (au pluriel) et qu’il soit entendu. L’assistance ici présente leur sait gré!» Sacré Tomatier...
D. DADEI.