Comment Bobo rentre dans ses frais à l’Equateur
  • jeu, 28/03/2019 - 04:44

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Il est incontestablement un opérateur économique notable du chef-lieu de la province de l’Equateur, Mbandaka. La candidature de Dieudonné Boloko Bolumbu alias Bobo élu mi-décembre 2018 cinquième gouverneur à Mbandaka fit l’objet d’un vif échange au sein du bureau politique de l’ex-majorité présidentielle. Le débat opposa les membres de l’élite politique locale aux caciques du pouvoir.

Les premiers estimaient que cela souillait une province débordant d’intellectuels que de penser pouvoir désigner un homme d’affaires d’«aussi bas niveau intellectuel». Devant la controverse, l’homme fut testé en live, sans qu’il ne sache rien, ayant été piégé de devoir répondre en français sur un téléphone portable au micro ouvert.

BOBO PASSE AU TEST.
Délit d’initié? L’homme s’attendait-il à cette épreuve et avait-il, en l’espèce, été préalablement coaché?
Contre toute attente, le test ne parut pas si peu concluant... et on accorda unanimement la mention «satisfaction».
N’empêche! Connue pour son discours électrique, l’élite Mongo n’en démordait pas, tenant mordicus à déloger Bobo!
Il fut même envisagé un véritable affrontement et, à terme, d’une mobilisation de la province...
Une vidéo diffusée sur internet au lendemain de l’élection de Bobo Boloko Bolumbu à son retour d’une visite dans la Capitale Kinshasa auprès de son ViPi ministre de l’Intérieur et à la veille de la campagne électorale pour la Présidentielle et les Législatives, visionnée des centaines de fois par des internautes, expose finalement le niveau intellectuel de ce gouverneur. Insignifiant...
Mais, au fond, à l’ex-majorité présidentielle, il n’y a jamais eu de débat. La partie est toujours perdue pour ceux qui ne rallient pas des positions préalablement arrêtées dans une cellule d’étude stratégique où siègent quatre ou cinq individus qui font d’office leur position «celle de l’Autorité Morale à ne jamais remettre en cause sauf crime de lèse majesté».
En réalité, ces positions sont millimétrées et représentent des intérêts politiques à sauvegarder pour tel ou tel individu. Question de vie ou de mort...
Ainsi, contre l’avis unanime de l’élite provinciale, Bobo et son colistier Thaty Bikamba levèrent l’investiture à la candidature et, la machine politique PPRD étant déployée, firent carton plein: 21 voix sur 22 votants.

DEPUTES PRECARISES.
Ce succès s’explique-t-il par le fait que Bobo est un natif de la ville de Mbandaka? Pas sûr... L’homme de l’immobilier qui dispose de chambres froides dans une ville noyée par les eaux poissonneuses du fleuve, fabrique et livre des blocs de glace dans une contrée où la température est torride sur toute l’année, misait, depuis longtemps, sur ce poste et s’y était préparé.
Alors que le versement de leurs émoluments arrive généralement en retard quand les élus locaux vivent dans des conditions extrêmes, l’opérateur économique se met au service d’aide et d’assistance, octroyant généreusement des avances ou livrant des paquets repas.
Mais quand les précieux émoluments finissent par atterrir, peu d’élus surendettés passent à la caisse de l’homme d’affaires, remettre les comptes à zéro. Du coup, ils restent redevables... à vie.
L’un des deux gouverneurs du grand Equateur - avec Pancras Boongo de la Tshuapa (capitale Boende) - à avoir été proclamés élus par la CENI à la Chambre basse aux élections du 30 décembre, Boloko Bolumbu ne souhaite pas s’arrêter en si bon chemin.
Il se demande en réalité ce que lui, Mongo, viendrait faire dans cette ville de Kinshasa où il ne serait qu’un homme parmi d’autres alors qu’il est, le long du fleuve, «le roi de Pili-Pili Libende», autre nom de Mbandaka.
Bobo veut rempiler à la tête de sa province. Pour cela, il compte sur ses paquets cadeaux distribués aux élus mais, cette année, à en croire des originaires, il a misé spécialement, sur des maisons qu’il aurait fait construire comme dons à offrir à un grand électeur contre un bulletin vote.
A Mbandaka comme dans tout le Grand Equateur ou ailleurs au Congo, les candidats à un scrutin au second tour savent parfaitement compter. Ils ne rechignent pas à mobiliser US$ 500.000 voire US$ 1 million pour se garantir une victoire.
A Lisala, province de La Mongala, Grand Equateur, le porte-parole de la Majorité présidentielle sortante et Président du Conseil d’administration de l’entreprise publique d’électricité Snél, André-Alain Atundu Liongo dénonce avec force auprès du procureur général de la Cour d’appel de Lisala, l’offre de prix qu’il aurait reçue de quatre députés provinciaux s’il espérait être élu Sénateur. Les Députés?

LA RECUP DE FONDS.
Célestin Matili, Pacheco Mayombe, Mosala et Aimé Bokungu. Chacun lui réclamait chacun US$ 10.000 et US$ 15.000. De n’y avoir pas répondu favorablement explique la nouvelle débâcle électorale du très élitiste porte-parole.
Qui, écrit-il, dans cette correspondance dont l’objet est on ne peut plus clair («dénonciation de faits de corruption à charge de quatre députés provinciaux de la Mongala»), «compte sur l’autorité» du Procureur général «pour mettre fin à ces faits de corruption». Atundu qui, samedi 16 février 2019, déclarait que le président Joseph Kabila «laisse au Président Tshisekedi un pays en état parfait de gouvernabilité», que «sur le plan moral, le peuple est dans un état de grande cohésion nationale; sur le plan spirituel, le peuple garde intacte sa foi à l’avenir du pays; sur le plan intellectuel, le peuple est décidé à poursuivre sans complexe sa lancée vers l’émergence économique».
Faut-il s’en prendre à ceux qui s’investissent ainsi?
«Dans le secteur politique, avec le système de scrutin au second degré, la corruption des députés provinciaux pour l’achat de leurs voix lors du vote des gouverneurs et des vice-gouverneurs est devenue une preuve de puissance financière pour plusieurs candidats qui ne se gênent même pas, d’étaler sur la place publique leurs taux de corruption à proposer aux députés provinciaux.
Une fois élus et installés à la tête de la Province, le Gouverneur et le Vice-Gouverneur s’emploient d’abord à utiliser les ressources publiques pour recouvrer d’importantes sommes d’argent dépensées pour l’achat des consciences des élus provinciaux et ensuite pour étouffer tout au long de leur mandat toute tentative des députés provinciaux de contrôler leur gestion de la Province. Dans de telles conditions, nous pouvons affirmer que les ressources générées par les provinces ne profitent pas aux populations qui continuent jusqu’aujourd’hui de croupir dans la misère», dénonçait lundi 11 mars à son domicile de la Gombe, à Kinshasa, l’ancien président du Conseil judiciaire Joseph N’Singa Udjuu Ungwankebi Untube, autorité morale du système judiciaire national pour avoir été également deux fois ministre de la Justice sous Mobutu.
En clair, à la suite d’un système électoral pervers, comment s’en prendre à Bobo - et à d’autres - qui, aussitôt parvenus à la fonction convoitée, se chargeront de travailler, nuits et jours, à rentrer dans leurs frais, le fameux retour sur investissement, le ratio financier qui mesure le montant d’argent gagné ou perdu par rapport à la somme misée au départ.

MAIS BASSE SUR L’EQUATEUR.
N’est-ce pas pour ça que le gouverneur Bobo de l’Equateur a fait main basse sur tout ce qui bouge à Mbandaka et dans la province?
Dans une lettre datée du 1er mars (réf. 001/SC/EQ/2019) adressée au Conseiller Spécial du Chef de l’Etat en matière de bonne gouvernance, de lutte contre la corruption et de blanchissement des fonds et du terrorisme, la Société civile de l’Equateur porte des accusations graves au gouverneur PPRD Dieudonné Boloko Bolumbu Bobo, candidat à sa propre succession à Mbandaka. Accusé de «spoliation à outrance du patrimoine de l’Etat», de «gestion calamiteuse de la Régie Financière de la Province de l’Equateur, DGRPEQ», de «détournement des biens destinés à la prison centrale de Mbandaka». Une autre lettre adressée cette fois au ministre national de l’Intérieur datée du 5 mars 2019 (Réf. 002/SC/EQ/2019) porte sur «la dénonciation de la mauvaise Gouvernance et des cas des violations des droits de l’homme dans la Province de l’Equateur). Si, dans cette seconde lettre, les signataires exigent la démission de «l’actuel gouverneur de province avant les élections prochaines du gouverneur et du vice-gouverneur de province pour son incompétence et sa manque de vision transformationnelle afin de permettre à la province de décoller», dans les deux correspondent, ces acteurs de la société civile de l’Equateur appellent à l’envoi d’une «équipe d’experts» en vue de «mettre de l’ordre dans la province de l’Equateur» qui serait aujourd’hui en situation de «danger sans précédent».
Bobo Boloko se serait offert tout ce qui compte à Mbandaka: groupe électrogène, écran géant, kit complet d’instruments de musique, jeu de ballons, etc. Tout comme des motos arrivées de Kinshasa destinées à la campagne de riposte contre la maladie à virus Ebola, de même que la paie des «prestataires de riposte contre la maladie à virus Ebola au profit des prestataires fictifs».
Certains de ces biens auraient été distribués à certains de ses amis politiques, en vue de consolider sa base électorale. Ainsi, un élu, le Dép. Efoloko aurait bénéficié d’un terrain du ministère de l’Agriculture outre d’une moto de la riposte Ebola; le président sortant de l’Assemblée Provinciale, Lofandje Kulube aurait reçu une moto, tout comme le Dép. Buka, le Dép. Elodji, le Secrétaire Provincial, le Secrétaire du Cabinet du Gouverneur, la grosse part (5 motos) revenant à l’ex-ministre provincial de la Santé.

LES ACCUSATIONS PLEUVENT.
D’autres accusations pleuvent: disparition de véhicules ASF laissés à la Province ainsi, disparition de deux véhicules Nissan Patrol servant à la suite du cortège des gouverneurs, ingérence active au projet PDSS afin de tirer profit, imposition par l’exécutif provincial d’achat des médicaments à la pharmacie IndaDaphar avec des rétro commissions, abandon de la résidence officielle du gouverneur mise en location au bénéfice sa résidence privée louée par le trésor public et, last but not least, «incompétence notoire de l’actuel Gouverneur de Province ne lui permettra pas de briguer un autre mandat de cinq ans à la tête de la province».
Outre ces accusations, la société civile de l’Equateur charge le gouverneur de faits de violations des droits de l’homme (arrestations arbitraires en cascade, tortures corporelles, cas du journaliste Steve Mwanyo Iwewe de la radio Sarah ou du président de l’association des taxis-vélos, menaces, agressions et préméditations à l’endroit des acteurs de la Société civile, violation de liberté d’expression, de manifestation et d’opinion), nomination d’agents de l’Etat en violation de l’instruction du Chef de l’Etat interdisant tout mouvement des Fonctionnaires de l’Etat). Copie de ce courrier adressée à une multitude de personnes, au Président de la République, aux deux présidents des Chambres, au procureur général près la Cour de Cassation, au président de l’Assemblée Provinciale de l’Equateur et, pour qu’il n’en ignore rien, à Dieudonné Bobo Boloko Bolumbu, gouverneur de la province de l’Equateur. Les acteurs de la Société civile de l’Equateur appelle à l’envoi dans la province d’une équipe d’experts en charge de «mettre de l’ordre dans la province de l’Equateur» qui serait aujourd’hui en situation de «danger sans précédent», écrivent les acteurs de la société civile de la province. Que sont Barnabé Bongambo, vice-président du Cadre de Concertation Provincial de la Société civile de l’Equateur, Cyril Yango, coordonnateur Adjoint de la Nouvelle Société Civile Congolaise et membre du Cadre de Concertation Provinciale de la Société Civile de l’Equateur, Daniel Lokuli, conseiller du Conseil d’administration de la Nouvelle Société Civile Congolaise et membre du Cadre de Concertation Provinciale de la Société Civile de l’Equateur, Jean Inonga, président de l’ONG La Sentinelle et membre de la Socipeq/Membre du Cadre de Concertation Provinciale de la Société Civile de l’Equateur.
D. DADEI.


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