- mar, 05/07/2022 - 15:16
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1556|MARDI 5 JUILLET 2022.
C'est lundi 11 juillet 2022 que l'affaire Matata Ponyo va être appelée pour la seconde fois à la Cour de cassation, selon une lettre datée 21 juin 2022 du greffier en chef de la Cour de cassation, Albert Tamba Tsana, qui est aussi Secrétaire général à la Cour de cassation, adressée au Procureur général près la Cour de cassation.
Objet du courrier (nr 1194/CCas/CAB-GRECHEF/LUZ/2022 du 21 juin 2022) : «transmission exploit affaire : Ministère public contre Mr Matata Ponyo et crts RP 09/CR».
Il y est écrit ce qui suit : «Monsieur le Procureur Général, j'ai l'honneur de vous transmettre en annexe de la présente les citations à faire notifier au prévenu Matata Ponyo pour l'audience publique du 11 juillet 2022, conformément à la circulaire n°001 du 07 décembre 2010 portant directives sur l'installation et l'exercice de la profession d'huissier de justice, le greffe de la Cour de cassation n'ayant plus d'agent ayant qualité d'huissier et le greffier ne pouvant procéder à la citation qu'à partir de son bureau».
L'affaire, appelée à l’audience de lundi 13 juin, avait amené la composition à constater la présence physique de deux coaccusés de Matata Ponyo : l'ancien ministre délégué aux Finances sous Matata et ancien Directeur Général du Fonds de Promotion de l'Industrie désigné par Matata, Patrice Kitebi Kibol M'vul et le sujet sud-africain Grobler Christo, le directeur de la société sud-africaine Africom Commodities.
Un absent, le principal prévenu : l'ancien Premier ministre, le sénateur Augustin Matata Ponyo Mapon, qui se serait rendu, selon des réseaux sociaux, aux États-Unis d'Amérique, sur invitation... «du Secrétaire général des Nations-Unies, António Guterres», mais que des médecins - sans savoir de quoi Matata souffrait finalement - auraient «imposé des séances de désintoxication» à l'ex-Premier ministre, selon l'un de ses avocats mais n'aurait pas obtenu l'autorisation d'arrêter ou de suspendre ces séances pour se présenter devant la justice congolaise ! «Séances de désintoxication»? Mystère !
La composition, formée des magistrats Mukendi, Kazadi, Mathe, Kibamba, Kombe, Kabasele, Kanku, a constaté cette absence et décidé de renvoyer la cause au 11 juillet. Il faut noter que, selon ses avocats, l’exploit de l’organe de la loi n’avait pas atteint physiquement l’intéressé. Acte avait donc été pris par la composition.
Me Laurent Onyemba, un des avocats, avait néanmoins assuré que le sénateur n’était nullement en fuite même si des proches de l'ancien Premier ministre assuraient qu'il ne se présenterait certainement pas devant la justice.
Les réseaux sociaux, parfois mieux informés et plus vite que les médias classiques, ont fait état du retour dans la Capitale, «ces derniers jours», de l'ancien Premier ministre.
Il reste à le voir se présenter, avec sa kyrielle d'avocats et leurs moyens de défense, devant la composition qui connaît du dossier.
Ces jours à venir, le Congo et le monde vont donc plonger dans les détails du scandale du méga projet du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo.
Après que le 15 novembre 2021, une composition de la Cour Constitutionnelle se soit déclarée incompétente pour juger Augustin Matata, accusé de détournement d'au moins 204 millions de $US dans Bukanga-Lonzo, dans le Kwango-Kwilu, lors de ses années Primature, la Cour de cassation s’était saisie de l’affaire.
Dans le rapport de l'Inspection Générale des Finances, cité dans ce dossier, plusieurs autres noms sont repris dont celui l'ancienne ministre au Portefeuille Louise Munga Mesozi aujourd'hui députée.
PAR QUEL MIRACLE ?
La citation directe du greffe pénal écrit ce qui suit : « Avoir, étant auteurs ou co-auteurs, selon l’un des modes de participation criminelle prévu par l’article 21 du Code Pénal livre 1er (…), entre les mois de novembre 2013 et novembre 2016, période non encore couverte par le délai légal de prescription de l’action publique, étant respectivement, Agents Publics de l’État, notamment Premier Ministre et Ministre Délégué auprès du Premier Ministre en charge des Finances du Gouvernement de la République Démocratique du Congo, pour les deux premiers cités et dirigeant de la Société Africom Commodities, pour le troisième cité, détourné par surfacturation la somme globale équivalente en Francs Congolais de 204.903.042 $US (deux cents quatre millions neuf cents trois mille quarante-deux) qui était remise à la Société Africom Commodities pour la gestion du Parc Agro-Industrie de Bukanga Lonzo, projet mis en place par le Gouvernement de la République Démocratique du Congo.
Faits prévus et punis par les articles 21 et 23 du code Pénal Livre 1er, 145 du Code Pénal Livre II»; et «avoir, dans les mêmes circonstances de lieu et de temps que dessus, comme co-auteurs, par coopération directe, étant Agents Publics de l’État, respectivement Premier Ministre et Ministre Délégué auprès du Premier Ministre en charge des Finances du Gouvernement de la République démocratique du Congo, pour les deux premiers cités et dirigeant de la Société Africom Commodities, pour le troisième cité, détourné la somme globale de 823.695.230 CDF (Francs Congolais Huit cent vingt-trois millions six cent nonante cinq mille deux cent trente) équivalent à 890.702,80 $US (huit cent nonante mille sept cent deux et quatre-vingt centimes) en payant indûment les parts sociales de la Société Africom Commodities dans la constitution des sociétés d’économie mixte PARCAGRI, SEPAGRI et MARIKIN, sociétés issues de la Convention d’actionnaires entre l’État congolais et la Société Africom Commodities, alors que cette dernière devait elle-même apporter ses parts sociales.
Faits prévus et punis par les articles 21 et 23 du Code Pénal Livre 1er, 145 du Code Pénal Livre II ».
L’incompétence déclarée le 15 novembre 2021 par la composition de la Cour Constitutionnelle avait donné lieu dans le pays et à l’étranger à une énorme contestation dans l’opinion et dans les milieux judiciaires où certains avaient évoqué une circulation d’énormes fonds.
Est-ce à la suite de cet incident, qui, de l'avis de tous, n'avait pas grandi la justice congolaise, que le 10 mai 2022, le président de la Cour Constitutionnelle Dieudonné Kaluba Dibwa fut humilié par ses pairs lors d’un tirage au sort en se faisant éjecter de la haute Cour ?
Selon divers juristes, la Cour de cassation pourrait siéger en audience unique, le temps de constater une « erreur matérielle » dans le prononcé du jugement du 15 novembre 2021 et renvoyer les trois prévenus devant leur juge naturel, la Cour constitutionnelle, là où tous vont être poussés à parler à haute et intelligible voix pour que la vérité toute nue éclate au grand jour. En l'espèce, la Constitution de la République est claire comme l’eau de roche.
«La Cour constitutionnelle est la juridiction pénale du Chef de l'État et du Premier ministre dans les cas et conditions prévus par la Constitution (art. 163)» ; « la Cour constitutionnelle est le juge pénal du Président de la République du Premier ministre pour des infractions politiques de haute trahison, d'outrage au Parlement, d'atteinte à l'honneur ou à la probité ainsi que pour les délits d'initié et pour les autres infractions de droit commun commises dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions.
Elle est également compétente pour juger leurs co-auteurs et complices» (art. 164).Par quel miracle la composition du juge Dieudonné Kaluba Dibwa suivit l'incompétence défendue par les avocats de Matata conduits par Me Raphaël Nyabirungu Mwene Songa, un professeur d'Université certes mais d'abord défenseur de son client ?
Alors que la Constitution est aussi claire, comment, même moralement, face à des accusations présentées par l’Inspection Générale des Finances, dont unanimement tous reconnaissent la technicité et la compétence, imaginer rendre libre un homme sur qui pèse autant de suspicions ?
Qu’il ait volé des fonds publics ou quelconques, qu'il ait ôté la vie à une personne, qu'il ait commis un délit quelconque, aucun juge au Congo ne serait fondé de juger Matata parce que trop fortuné et trop puissant ? Existe-t-il un juriste en capacité de défendre cette thèse ?
ALUNGA MBUWA.