- lun, 05/05/2014 - 05:08
«Il y a de bonnes lois là où il y a de bonnes armes». Revu et complété.
Tshisekedi avait été un ami proche voire intime de Mobutu que tôt, il l’aida à construire et à consolider son idéologie et son pouvoir. Dans la crise avec le Président Kasavubu, il se trouve avec Mobutu tout comme dans celle avec le Premier ministre Lumumba, c’est toujours Tshisekedi avec Mobutu.
C’est le juriste Etienne Tshisekedi wa Mulumba - docteur en droit de Lovanium dès 1961, premier Congolais à avoir décroché ce diplôme - qui, plus tard, transformait la Constitution du pays pour le mettre au service du MPR devenu parti-Etat. Mobutu, ancien de la Force publique, l’armée coloniale belge, qui n’avait jamais poussé loin les études, qui se forma au contact des autres - en journaliste formé sur le tas - n’en a jamais eu qualité.
Tshisekedi aurait pu être le dauphin de son ami s’il l’avait voulu.
Il préféra s’en éloigner brutalement, affronter le Léopard en créant un propre parti d’opposition - l’UDPS - qui poussa Mobutu dans ses retranchements que le Président lui en fit boire des couleuvres. Si l’histoire reconnaîtra Tshisekedi comme l’homme qui aida à la libération de la parole dans le pays, elle dira ce qu’il fut en réalité ou ne fut pas: celui qui, grâce à son ascendant, aurait pu faire que son pays ne sombre pas dans la crise dans laquelle il fut plongé et ne vive les effets collatéraux d’une guerre qui ne fut pas la sienne.
NE JAMAIS BADINER AVEC L’AVENIR.
Voici un pays d’exception, béni de Dieu qui le dota de tout le potentiel pour son développement, joua le rôle de leader sur le Continent, cité dans le monde comme «le miracle géologique», a touché le fond d’où il tente de se tirer pour n’avoir pas connu la stabilité que d’autres en Afrique ont connue - le Cameroun, le Burkina Faso, le Gabon - et au nom de laquelle l’Algérie vient de confier un quatrième mandat à son président sortant Abdelaziz Bouteflika, 77 ans, malade, très affaibli, ne pouvant ouvrir la bouche, ne pouvant gouverner au point d’avoir accompli son droit de vote assis sur un fauteuil roulant, guidé par un garde. Pourvu que règne la stabilité et que la Nation soit sauve. On ne blague pas avec l’avenir d’une Nation! Quand on voit ce qui se passe tout autour - en Tunisie, en Egypte, en Libye, en Syrie emportées par le Printemps arabe vanté puis décrié - comment ne pas écouter l’Algérie? De là l’absence de réaction à Paris, à Washington d’où aucune voix n’est venue pour dénoncer «l’infamie». Au contraire, le président François Hollande n’a pas attendu l’arrêt de la Cour Suprême pour saluer cette réélection de Bouteflika avec 81,53% des suffrages exprimés. Dans un communiqué, le président français souhaitait au président réélu «plein succès dans l’accomplissement de sa haute mission». «Dans l’esprit d’amitié et de respect qui existe entre les deux pays, compte tenu des liens humains exceptionnels qui les unissent, la France forme des vœux chaleureux pour la prospérité de l’Algérie et du peuple algérien», ajoutait-il dans un communiqué. Puis: «La France réitère ainsi sa volonté de continuer à travailler avec les autorités et le peuple algériens à l’approfondissement de la relation bilatérale, au service du développement des deux pays».
L’Espagne a souhaité «grand succès» durant son nouveau quinquennat au président réélu. Comme le roi du Maroc. Un Président toujours en fauteuil roulanrt qui n’a pu lire son discours d’investiture. Qu’importe tant que la stabilité est sauve.
PERILLEUX POUR LA STABILITE DU PAYS.
Au nom de la sauvegarde de la Nation et de la stabilité, le monde s’interdit de réagir aux événements d’Egypte: montée en puissance du général Abdelfattah al-Sissi qui s’apprête à recevoir un plébiscite à la présidentielle qu’il a convoquée. Il a pourtant destitué et jeté en prison le premier président démocratiquement élu du Moyen Orient! Au nom de la Nation et de la stabilité...
Nommé en août 2012 ministre de la Défense et président du Conseil suprême des forces armées par Mohamed Morsi, il a démis celui-ci accusé de vouloir imposer un régime islamique. L’homme fort du Caire pratique pourtant un Islam conservateur (une épouse voilée, l’un des cousins de son père fut l’une des grands figures des Frères musulmans), mais cet ancien du Royaume-Uni et des Etats-Unis où il s’est formé à l’École de guerre américaine de Pennsylvanie défend une thèse qui vient d’être rendue publique sur Internet par Judicial Watch, organisation américaine qui surveille les activités de l’administration américaine.
Al-Sisi y écrit: «Aux premières heures de la démocratie, aux États-Unis, la religion a joué un rôle important et a fondé les valeurs de la Nation américaine. Au Moyen-Orient, l’approche n’est pas vraiment différente, excepté le fait que l’Islam y est la religion dominante. Il est donc logique de présumer qu’une forme démocratique de gouvernement serait fondée sur ces croyances». Puis: «Idéalement, dans leur pratique du pouvoir, les corps législatif, exécutif, et judiciaire devraient tous prendre en considération les croyances islamiques». Puis: «La démocratie, au Moyen-Orient, pourrait n’avoir que très peu de ressemblances avec les démocraties occidentales. Le grand défi reste de savoir si le reste du monde sera capable d’accepter une démocratie au Moyen-Orient fondée sur des croyances islamiques». Puis: «Les autocrates de la région ont raisons valables de se méfier d’un contrôle de leur régime par le vote populaire».
Estimant l’organisation de scrutins populaires prématurés - car le peuple ne serait pas assez éduqué pour voter «en toute conscience», il soutient: «Les forces de sécurité sont loyales au parti au pouvoir, et non à la nation. Si une démocratie émerge, avec, à sa tête, différents groupes, il n’existe aucune garantie pour que la police et les forces militaires respectent cette nouvelle donne du pouvoir».
Une thèse bénie par toutes les chancelleries du monde. Il est vrai que l’Egypte est face à Israël et Israël n’est pas n’importe quel pays. L’Etat hébreu ne saurait tolérer face à lui un régime islamique des Frères Musulmans.
LES PAYS AU SUD DU SAHARA.
Voyons l’Afrique noire ou les pays au Sud du Sahara et citons quelques cas.
- Le Kenya cité comme modèle de développement qui l’échappa belle au lendemain de scrutins mais qui doit aujourd’hui faire face à une situation invraisemblable avec le président de la République Uhuru Kenyatta et son Vice-président de la République William Ruto, élus démocratiquement en mars 2013 mais qui sont poursuivis devant la Cour Pénale Internationale pour leur rôle présumé dans les terribles violences ayant suivi le scrutin présidentiel de décembre 2007.
- La Côte d’Ivoire dont l’ancien président Laurent Gbagbo croupit à la Cour de La Haye, a eu moins de chance. Alors le pays voyait arriver à sa tête un ancien haut fonctionnaire international - le président Allasane Dramane Ouattara, directeur général adjoint du Fonds Monétaire International - voici que le pays traîne à être remis sur le droit chemin malgré une guerre féroce qui avait coupé le pays en deux, d’une part le nord musulman, de l’autre, le sud chrétien. La vérité est que le pire est à venir en Côte d’Ivoire…
- La Centrafrique, dont l’ancien président François Bozize, exilé en France, pourrait se voir signifier un mandat d’arrêt international. Des voisins poussés par l’Europe avaient pourtant cru bonde dégager Bozizé, puis le rebelle Djotodia dégagé par les mêmes voisins aussi vite qu’il est arrivé.
- Le Mali où le tout fraîchement élu Ibrahim Boubacar Keïta, opposant historique, est contesté, accusé de pillages économiques et de népotisme…
- Le Sénégal, longtemps exemple de réussite démocratique dont le président Macky Sall fut invité et congratulé à la Maison Blanche par Barack Obama. Mais le retour retardé au pays de l’ancien président Abdoulaye Wade, annonce ce qui attend le pays. «Lorsqu’il a gagné la présidentielle, je l’ai immédiatement appelé pour le féliciter. Je lui ai proposé mon aide, explique Wade, parlant de son successeur, à son retour à Dakar où son avion a fini par se poser peu à minuit après avoir négocié l’atterrissage deux jours durant. «Je lui ai exprimé ma disponibilité à l’aider en cas de besoin. Il ne m’a jamais répondu. Mais peu après, il s’est mis à s’attaquer à mes proches: les ministres, les directeurs de cabinet, les chefs de cabinet… toutes les hautes personnalités de mon régime… il a fait une liste pour tenter de les mettre en prison. Il leur a d’abord interdit de sortir du territoire. Et par-dessus tout, ce régime a fini par emprisonner certaines personnalités. Aïda Ndiongue, Ndèye Khady Guèye… et Karim sont en prison. Mais ce qui est le plus poignant, c’est d’être à l’étranger et de regarder le Sénégal souffrir! … Le pays souffre à cause de la pauvreté, à cause du gaspillage… J’ai vu les paysans souffrir… Mais je vais vous montrer le droit chemin… de sorte que ceux qui ont tout gâté ici, ne seront plus au pouvoir!»
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Faut-il craindre l’alternance démocratique? Mais il y a alternance et alternance. C’est à quoi pensait ce négociant en politique, grand connaisseur du Continent, le Français Jean-Yves Olivier lorsqu’il dit: «C’est très bien de remplacer des gens très compétents et très valables. Mais est-ce que c’est aussi bien de les remplacer par des gens qui n’ont pas d’expérience? Est-ce que c’est bien de vouloir faire partir ce qui n’est pas très bien et le remplacer par quelque chose qui est pire?» Alors, faut-il citer Machiavel? «Il y a de bonnes lois là où il y a de bonnes armes». Comment ne pas l’en croire!
T. KIN-KIEY MULUMBA.