- ven, 26/06/2020 - 11:44
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1491|VENDREDI 26 JUIN 2020.
Il ne faut pas qu’on se mente à soi-même et, du coup, il ne faut pas qu’on mente au Peuple.
Une Constitution, une loi quelconque en politique répond à des intérêts. Toujours à des intérêts politiques.
La Constitution est rédigée par une majorité au pouvoir en fonction de ses intérêts.
C’est elle face à un contexte nouveau qui menacerait son existence comme groupe, qui menacerait ses intérêts, ses objectifs qui décidera de changer de cap.
Il n’existe aucune révision de Constitution, de loi qui ne serve les intérêts de ses initiateurs.
Aux Etats-Unis, quand le Président républicain Donald Trump lance une saillie contre Obamacare (le système d’assurance santé introduit par son prédécesseur noir démocrate Barack Obama) c’est parce qu’il sait que cette loi sert les intérêts d’un électorat démocrate qui n’est pas et ne sera pas le sien, quand il décide d’ériger un mur à la frontière avec le Mexique c’est parce qu’il veut protéger le travail des Américains - America is great again, l’idéologie conservatrice - et quand il donne un nouveau tour de vis migratoire en prorogeant le gel de la green card ainsi que de certains visas jusque fin décembre, c’est parce qu’il veut redonner espoir à ses électeurs américains qui font face à un chômage record suite au confinement qu’il critique et, ce n’est pas sans arrière-pensée, c’est à la veille d’une élection qui veut qu’elle marque son maintien à la Maison Blanche.
C’EST AIDER LE PEUPLE ÇA?
Quel homme ne le comprendrait pas? Qui raisonnablement lui en ferait grief?
Qui sait combien de fois la France a modifié sa Constitution sous la Vème République malgré tout toujours en cours?
Les premières révisions sont intervenues dès les premières années du fonctionnement de cette loi fondamentale. Depuis les années 1990, ces modifications sont récurrentes sous mille prétexte - modernisation des Institutions, construction européenne, intégration à l’ordre juridique international, etc. - qui sont autant d’opportunités pour le pouvoir en place de «régler une situation». Au moins vingt-quatre fois depuis 1958...
Qui, raisonnablement, reprocherait à un pouvoir... légitime, de s’assurer, par des voies démocratiques à mieux asseoir celui-ci, en clair, à son maintien en bouchant des trous là où ils pourraient exister?
Des 92 articles originaux de la Constitution de 1958, il n’en reste aujourd’hui que 30 demeurés inchangés et le texte constitutionnel compte actuellement 108 articles. En clair, il s’agit d’une Constitution que celle de 1958 surtout en ce qui concerne l’élection présidentielle et l’instauration du quinquennat.
En 1962, la France a changé de mode de désignation de son président en passant au suffrage universel direct. Comment cela est-il arrivé? Le Général Charles de Gaulle qui veut passer outre l’opposition probable du Sénat - Chambre des Sages - fait réviser la constitution en faisant usage de l’article 11 qui permet au président de soumettre à référendum «tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics».
La légalité du recours à cet article est contestable dès lors que la Constitution en son article 89, prévoit les mécanismes de sa propre révision (un référendum est possible, à condition d’un accord du Parlement). Le recours à cet article suscite de vifs débats politiques et une controverse juridique. Un front de refus - «le cartel des non» - farouchement opposé au texte, se met en place.
C’est sans compter avec le prestige de De Gaulle qui fait que le «oui» l’emporté à plus de 62 % des voix et le fait que le Conseil constitutionnel refuse toute idée de contrôler la constitutionnalité des lois adoptées par référendum car légitimes du fait qu’adoptées directement par le peuple souverain. La réforme est donc mise en œuvre. Celle-ci ne change pas seulement le mode d’élection du président français; elle augmente considérablement les pouvoirs du Chef de l’Etat qui, du fait de bénéficier de sa légitimité populaire que nullement n’a le Premier ministre, peut, sauf en cas de cohabitation, demander à son Premier ministre de lui présenter sa démission, ce qui n’est pas prévu dans les textes.
Que le PPRD qui se targue d’être le premier parti du Congo dispose sur papier d’une majorité écrasante dans les assemblées, regrette d’avoir perdu la présidentielle de novembre 2018 au bénéfice du Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, constate l’immense pouvoir constitutionnel du Président de la République - «élu au suffrage universel direct» (art. 70), est «le Chef de l’Etat (qui) représente la nation, est le symbole de l’unité nationale» (art. 69), (qui) «nomme le Premier ministre (...), met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du gouvernement» (art. 78), (qui) «convoque et préside le Conseil des ministres» sans être responsable devant le Parlement, ces regrets peuvent se comprendre sauf que telle est la loi fondamentale du pays (la Constitution du 18 février 2006).
Que l’ex-parti présidentiel constate que «le Président de la République nomme, relève de leurs fonctions et, le cas échéant, révoque, par ordonnance, les magistrats du siège et du parquet sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature» et que cela est, dans le cadre de l’Etat de droit pour lequel le Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo s’est battu, déjà jeune voire très jeune, aux côtés de son père «Le Sphinx de Limete» et de son parti UDPS, depuis près de quarante ans, et que le Chef de l’Etat, porté par toute une Nation, à voir l’affluence suscitée par l’acte 1 du procès des 100 jours, veut coûte que coûte ériger au regard de ces procès de corruption et de détournement du programme des 100 jours, peut s’expliquer.
QUE DONC VEUT LE PPRD?
Qui ne comprendrait que le feu de brousse ayant pris, il est susceptible de mettre à mal tous les animaux de la jungle et que les petits rats ne trouveraient leur salut qu’en courant se réfugier dans des trous? Mais en même temps comment vouloir une chose et son contraire?
Si on veut l’Etat de droit, son levier n’est-il pas une justice libre et indépendante «rendue (...) au nom du Peuple (art. 149, al. 3) et que «les arrêts et les jugements ainsi que les ordonnances des Cours et tribunaux sont exécutés au nom du Président de la République» (art. 149, al. 4)? Et qui est ce président sinon Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo?
La Constitution énonce clairement que «le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif» (art 149, al. 1); qu’il «est le garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens» (art. 150, al. 1); que «les juges ne sont soumis dans l’exercice de leur fonction qu’à l’autorité de la loi. Le magistrat du siège est inamovible. Il ne peut être déplacé que par une nomination nouvelle ou à sa demande ou par rotation motivée décidée par le Conseil supérieur de la magistrature» (art. 150, al. 2).
De même, «le pouvoir exécutif ne peut donner d’injonction au juge dans l’exercice de sa juridiction, ni statuer sur les différends, ni entraver le cours de la justice, ni s’opposer à l’exécution d’une décision de justice. Le pouvoir législatif ne peut ni statuer sur les différends juridictionnels, ni modifier une décision de justice, ni s’opposer son exécution. Toute loi dont l’objectif est manifestement de fournir une solution à un procès en cours est nulle et de nul effet» (art. 151).
Ce sont là des principes intangibles que porte la Constitution de la République.
Que veut le PPRD? Pourquoi les lois Minaku (du nom de l’ancien président de l’Assemblée nationale Aubin Minaku Ndjalandjoku qui aura battu tous les records à cette fonction, soit sept ans, de 2012 à 2019 au moment où il dirigeait la Majorité présidentielle) soutenues publiquement comme jamais, sur tous les médias, sur les réseaux sociaux, par toute la machinerie estampillée PPRD, veulent-elles changer la donne en profitant d’une majorité qui n’incarne pas le pays?
Pourquoi les hauts gradés du PPRD qui a mis les gros moyens, donc, aussi lourdement déployés, intervenant en direct sous régime d’état d’urgence - signe d’une préméditation - veulent-ils faire croire que ces propositions vont renforcer l’Etat de droit quand elles cherchent à faire du magistrat de parquet un fonctionnaire obéissant aux ordres du ministre, c’est-à-dire, à ceux d’un membre de l’Exécutif à l’étiquette connue, la leur?
Le moment choisi aujourd’hui - au lendemain du procès des 100 jours et d’un début de polémique avec le président de la Cour constitutionnelle - n’est-il pas suspect, la crainte du feu de brousse qui a déjà pris et fait des victimes alors que cette même majorité n’avait jamais proposé en l’espèce des modifications quelconques quand le PPRD avait, des décennies durant, le pouvoir plein et entier du pays?
CONFIANCE EMOUSSEE?
Que le PPRD évoque désormais officiellement l’hypothèse d’un changement de la nature de l’alliance qui lie son regroupement FCC à CACH pour un régime de cohabitation plutôt que celui actuel de coalition montre le niveau de suspicion et donc de perte de confiance dans l’alliance, en clair, signe des craintes compréhensibles. Le problème est de savoir si cela va dans le sens de l’intérêt du peuple, de l’Etat de droit que tous les Congolais appellent de leurs vœux?
En jurant de faire passer ses trois propositions de loi, quoi qu’il en soit, quoi qu’il en coûte, l’ex-parti présidentiel montre qu’il n’en peut plus de cette alliance, qu’il veut organiser un passage en force, que l’heure est arrivée de gagner ce pari ou de disparaître… Mais en même temps quel risque ce parti s’apprête à prendre? N’est-ce pas la même démarche qu’il a entreprise d’imposer son nouvel homme, l’autre Corneille Nangaa Yobeluo à la tête de la CENI, la Commission électorale nationale indépendante, un certain Roland Malonda Ngimbi? En voulant tout avoir, malgré un bilan mitigé, après deux décennies de pouvoir absolu, ce parti ne risque-t-il pas de faire renaître une certaine union sacrée contre lui?
Dire que ceux qui se sont déployés mercredi 25 juin autour du Palais du peuple sont des combattants de l’UDPS n’est pas justifié. Mercredi 25 juin, c’est le peuple souverain qui s’est mis debout à Kinshasa, à Lubumbashi, dans le Bandundu, etc. Dire que CACH a passé un pacte avec la plate-forme Lamuka c’est ignorer qu’une cause légitime est susceptible de créer un consensus et rassembler un peuple.
Aux Etats-Unis, en Allemagne, en France, au Royaume-Uni, dans le monde, ceux qui descendent dans la rue et manifestent contre les violences policières de Minneapolis après le martyre de George Floyd, ne sont pas des noirs ou des démocrates américains. Ce sont des noirs, ce sont des blancs, ce sont des démocrates, ce sont des républicains rassemblés. Qui, hier, sous un président démocrate quelconque, moins encore sous Trump, aurait pu imaginer que le policier blanc Derek Chauvin qui, le 25 mai 2020, a asphyxié l’afro-américain Floyd, lors de son interpellation, dans le Minnesota, serait poursuivi, accusé, inculpé et écroué de meurtre (même au deuxième degré, même sans préméditation !) et d’homicide (même involontaire et par négligence coupable !), ce qui l’expose aujourd’hui à 40 ans de prison ferme quand les trois autres policiers, présents et impliqués dans cette mise à mort, ont été inculpés de complicité de meurtre (au deuxième degré, qu’importe !), l’un d’eux, Thomas Lane, n’a pu être libéré que contre une caution de 750.000 $US?
Qui, hier, aurait pu imaginer ce changement de cap politique et donc judiciaire dans l’Amérique de Trump qui prône la loi et l’ordre, et dans le monde avec la campagne de déboullonnement des statues de personnalités esclavagistes ou présumées racistes, n’eussent été ces manifestations de rue?
Qui ignore que dans ces combats de rue pour la liberté, pour le droit, il existe des dérapages - qui ne sont pas forcément le fait des organisateurs - susceptibles de se transformer en émeutes avec des dégradations des immeubles et des pillages? Mais quand les forces de l’ordre arrivent à fraterniser avec les manifestants, à danser ou à mettre un genou à terre, symbole de libération du peuple, n’est-ce pas un énorme message adressé aux politiques?
A quoi fait-on face au Congo, à Kinshasa, à Lubumbashi, dans le Bandundu? N’est-ce pas aux mêmes scènes de fraternisation entre manifestants et forces de l’ordre?
«L’homme politique doit comprendre que dans un Etat de droit, le peuple est le maître de tout. Nous ne pouvons continuer à tuer nos enfants, nos femmes, nos frères et parents pour contenter l’homme police. Le travail du policier consiste à sécuriser le peuple.
Je suis très ravi de constater qu’aucune poule n’a été abattue aujourd’hui dans la rue. Félicitations à tous les éléments de la police et félicitations pour la collaboration populaire. Nous sommes au service de la Nation et non des individus», a pu dire un haut gradé de la police, le général Philémon Patience Yav, selon une vidéo virale que lui prêtent les réseaux sociaux. C’est désormais ça la police. Celle qui ne doit pas dégainer mais police secours en charge de la protection des Citoyens...
Le peuple a parlé, d’une seule et même voix. Un message énorme en direction des politiciens. Ceux qui n’ont qu’un seul souci : s’asseoir, par tous les moyens, sur un pouvoir qui n’est pas sûr qu’il émane du peuple. Ceux qui, peu avant les élections de novembre 2018 refusaient, lors des réunions secrètes, d’envisager la défaite, voyant comme une catastrophe leur futur.
Mais l’Etat de droit c’est aussi la capacité d’accepter une défaite, de s’incliner, en donnant le passage à l’autre… NON de chercher, par tous les artifices illégitimes, de se maintenir au pouvoir.
DECEPTION ET COLERE.
A l’heure de libération des peuples, de la mobilisation instantanée, planétaire que permet la fibre optique, et que plus personne ne peut contrôler, le PPRD doit, plus que jamais, revoir ses calculs.
Comment ne pas comprendre la grande déception, la grande colère et, du coup, la grande puissance de la communication du Haut Représentant et Envoyé Spécial du Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, le Patriarche Kitenge Yesu faite jeudi 25 juin au lendemain des manifestations organisées dans le pays et des déclarations de guerre des princes du PPRD dont Nehemie Wilanya Wilonja. «Néhémie est une personne que je prends en estime. Je suis très déçu, très affligé par ses dires, d’une légèreté et d’une irresponsabilité déconcertantes. Ça fait penser à une petite fille candide de 10 ans qui lit la récitation et à «His Master’s Voice». Reparlons-nous SVP» @KitengeYesu.
Il reste des questions. Retenons celle-ci : est-ce un hasard ? Hier ce fut un député inscrit sur des listes des députés de la CENI de l’ex-province du Bandundu, Charles Nawej Mundele, ex- ARC, élu de Kahemba dans la province du Kwango qui s’en était pris violemment et insolemment au Président de la République provoquant des manifestations de rue avant de demander pardon.
Aujourd’hui c’est un autre député inscrit sur la liste de la circonscription électorale d’Idiofa dans la province du Kwilu Aubin Minaku Ndjalandjoku qui prend la tête d’un groupe qui monte en première ligne avec mission de dépouiller Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo de ses pouvoirs, préparer sa sortie de piste et qui provoque la colère de la même rue. Voici une province totalement déshéritée, introuvable mais qui, depuis le PALU des Gizenga partis, serait devenue une petite bananeraie - comme dirait Yoweri Kaguta Museveni - mais pour qui donc?
T. MATOTU.