- lun, 21/09/2015 - 02:12
Les «combattants» minoritaires continuent de dominer les débats à Bruxelles-Matonge.
Bruxelles est aussi une base de repli pour une partie de l’élite politique kinoise. Les barons du régime de Mobutu y ont trouvé refuge au lendemain de la chute de ce dernier, en 1997. Et plusieurs responsables politiques congolais disposent d’un passeport belge, bien que la législation interdise la double nationalité.
ILS SE PROVOQUENT.
Mais on y trouve surtout une «majorité silencieuse», qui mène son existence loin de ces passions. Or, son opinion va compter dans les prochains mois, car pour la première fois elle devrait être autorisée à s’exprimer lors des prochains scrutins, notamment la présidentielle.
Le camp Kabila n’a d’ailleurs pas renoncé à la séduire. Lors du remaniement gouvernemental de décembre 2014, un poste de vice-ministre des Congolais de l’étranger, rangé au ministère des Affaires étrangères, a été rétabli et attribué à Antoine Bolamba, un ancien de la diaspora, la fameuse Diassa-Diassa. L’homme veut recenser la diaspora et lui délivrer des cartes consulaires (payantes), voire encadrer ses transferts de fonds vers le pays.
Il n’empêche, les «combattants» minoritaires continuent de dominer les débats à Matonge, et font parfois régner la discipline révolutionnaire à coups de poing, comme le 28 août, lorsqu’un militant pro-Tshisekedi a été tabassé. La police de Bruxelles a créé une «cellule Matonge» pour encadrer les manifestations. Dans ce mouvement sans structure, différentes factions se provoquent - souvent par vidéos interposées - et parfois s’affrontent. Jeannot Kabuya, 35 ans, a longtemps joué à ce jeu-là. Fils de Jean-Baptiste Kabuya, un opposant en exil depuis les années 1980, il revendique la traque de plusieurs personnalités kinoises de passage à Bruxelles.
Ses actions lui ont valu des interpellations. Mais il ne regrette rien. «Au pays, ces gens n’ont pas de pitié pour la population», clame-t-il. Ce 28 août, il n’est cependant pas allé manifester: «Ce rassemblement n’a fait que diviser et affaiblir l’opposition. En quoi est-ce que cela a fait avancer le Congo?»
Si son objectif reste le même - parvenir à changer les hommes au pouvoir à Kinshasa -, ses méthodes ont changé ces derniers mois. Assistant social au chômage («dur de retrouver du travail quand on est étiqueté»), il ouvre désormais son blog, Banamikili, contre rémunération, aux opposants actifs sur le terrain et espère peser davantage en s’alliant à certains d’entre eux. «J’ai par exemple organisé un événement avec [l’ancien bâtonnier de Lubumbashi] Jean-Claude Muyambo. À l’époque, on m’a traité de traître. Mais aujourd’hui, Muyambo est en prison pour s’être opposé à Kabila. La stratégie, c’est de convaincre, progressivement, tous les alliés de Kabila de le lâcher».
Rex Kazadi, son ami et camarade combattant, est allé plus loin. En avril, il s’est rendu à Kinshasa pour la première fois depuis des années afin de rencontrer les autorités. Il fut invité sur le plateau d’une télévision privée, comme n’importe quel acteur politique… Même un combattant peut s’adoucir.
avec PIERRE BOISSELET.