L’opération Kin Bopeto donne lieu à Kin Bosoto
  • jeu, 23/01/2020 - 06:02

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1479|JEUDI 23 JANVIER 2020.

Il y a trois mois, le 19 octobre 2019, le Gouverneur de la Ville de Kinshasa Gentiny Ngobila Mbaka invitait le Président de la République à présider la cérémonie de lancement de l’opération Kin Bopeto (Kin Propre) tellement que l’ex-Kin-La-Belle avait été envahie par des monticules de déchets. A voir les montagnes d’immondices sorties des égouts qui jonchent rues et avenues de la Capitale, il n’est pas sûr que le bilan soit très brillant.
Le Kinois vit, mange, circule sur des dépotoirs.
Dans le centre - la belle Gombe, la zone résidentielle plutôt chic comme dans le quartier des affaires - que le Premier ministre Matata avait voulu transformer en entreprenant de lui redonner la splendeur d’antan en faisant planter des espaces verts arrosé jour après jour - il ne pas exagéré d’affirmer que la vie a disparu.
Sur les ports qui reçoivent des produits qui aident à une bonne partie de Kinois de vivre - un tant soit peu - comme sur des cimetières où les tombes restent ouvertes et sur lesquelles des habitations ont été érigées, même tableau rebutant.
Route des Poids Lourds voulue par les Belges pour abriter une zone industrielle de la Capitale. Là existe un petit port privé au nom de la famille propriétaire.
Si cette route de la commune de Barumbu qui longe le majestueux fleuve a été remise à neuf par une enrobée à grande durée de la coopération japonaise, elle est retournée aux années Enfer.
Une voie vitale donnant sur une multitude de ports où accostent des embarcations de fortune transportant de la nourriture des villages de l’ex-Equateur, de l’ex-Bandundu, de l’ex-Province Orientale.
Afin qu’il n’y ait aucun doute, chacune des familles propriétaires a donné son nom à son port : port Ndjimbi, Baramoto, Dokolo, Ngwaka, Wayi-Wayi, Appolo, Mbasa, Bemba ou Scibe (Société commerciale et industrielle Bemba).
Sans ces ports où accostent des embarcations de fortune, des Kinois souffriraient de disette.
Mardi est le grand jour d’activités. Le rendez-vous de négoce. A 5 heures ça bouscule déjà.
C’est l’arrivée des baleinières qui viennent au contact des commerçants, vendeurs, porteurs, policiers, voleurs potentiels accourus de toutes parts. Rendez-vous de joie et des pleurs.

OBAMA EN SACHET
Les embarcations accostent. L’une après l’autre, côte à côte, formant un pavé de planches de bois superposées comme de petites passerelles pouvant faciliter le débarquement des produits.
A l’intérieur des embarcations bondent poisson frais, banane plantain, chèvres vivantes, sacs de riz, de manioc, d’arachide, de braise, etc.
Si Dokolo et Bemba sont pris d’assaut, Liaki fait courir pour son produit phare : sa banane plantain dont le régime s’arrache au prix imbattable de CDF 10.000 mais le petit port livre au même prix une montagne de microbes à la base de maladies infectieuses. Tout corps humain qui s’y frotte emporte sa part.
Pour faire face au danger, les commerçantes ont trouvé un succédané: la pantoufle Obama, sachet blanc vendu CDF 100/pièce. Les bottes en caoutchouc constituent une trop lourde charge. Deux sachets à chaque pied soit CDF 400, affaire réglée. Reste à les passer au pied espérant y aller et s’en sortir quitte.
Pas évident puisque l’entrée de Liaka offre une succession de flaques d’eau nauséabonde, au milieu et entre les tables des marchands, le pays de boue épaisse, charbon noir, déchets de poissons frais, écorces pourries de plantains. Cette boue atteint le genou voire le slip.
«Mayi ya fleuve eleki mingi (le fleuve est en flux)», explique Françoise, une jeune vendeuse de beignets qui a quitté sa table et a pris les hauteurs de l’une des pirogues abandonnées en vue d’écouler avec un peu de soin son produit. Avec un peu de chance, elle s’en sortira. à Kinshasa, on ne meurt pas de microbes. Semble-t-il! Qui ne sait Cette situation arrive tous les cinq ans, poursuit-elle. «Actuellement, l’eau ne nous atteint qu’au mollet. Il y a des jours où cette eau nous noie. Souvent, on jette des sacs de sable pour bien circuler mais cela ne règle rien», déplore Françoise.
«Mwana tozo niokwama awa na ba policiers (nous faisons face à des tracasseries de la part des agents de l’ordre)», se morfond dans son substrat Mongo, une vendeuse de plantain, tout juste débarquée de sa province. Obligation de donner aux policiers présents quelques pièces de son plantain.
Sinon, ils prendront de gré ou de force dans chaque sac : arachide, manioc, plantain, poisson, etc.
A l’entrée, une situation similaire règne. Ici, c’est le territoire de l’administration du port. Table sous un parasol rouge, une caisse en bois placée dessus aux côtés de la table, deux délégués du port assis tenant la caisse.
Benjamin, l’administrateur assistant du Directeur général du port, est absent. Les deux hommes sont le Secrétaire général du port et son adjoint. Dans la caisse, CDF 1000 sont versés pour chaque sac, CDF 2000 pour deux sacs, etc.. L’argent sert de droit d’entrée. Sans lequel, aucune entrée n’est possible.
Marie Lipepele, 69 ans, détaillante, habituée à s’approvisionner en arachides à Scibe et à Liaki se plaint des équevilles de Liaki.
«Je déplore l’état dans lequel se trouve ce port. Cette saleté est insupportable! Les administrateurs de ce port gagnent beaucoup d’argent sans s’occuper de la propreté des lieux».
Kinois de naissance (et même?), le Gouverneur Gentiny Ngobila Mbaka ignore-t-il cette situation de pollution dans laquelle gît la ville? Son gouvernement a-t-il un ministre en charge de la Santé publique? Comment peut-on s’occuper des Kinois sans s’assurer de leur santé, des lieux où ils population s’approvisionnent?
DEBORAH MANGILI.


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Portrait de Déborah Mangili Atumba