- dim, 05/02/2023 - 22:42
On craignait l'escalade. A voir l'évolution des derniers événements et les déclarations faites de part et d'autre, on touche du bois.
«Le processus électoral est une dynamique, c'est une étape qui a été franchie. Il y a un temps pour tout : un temps pour réfléchir, un temps pour se quereller, un temps pour se concerter, un temps pour être réaliste et prendre des décisions ».
CHANGEMENT DE CAP.
Déclaration du président de la CÉNCO, la Conférence épiscopale nationale du Congo, Mgr Marcel Utembi Tapa. Elle a été faite vendredi 26 novembre 2021 en fin d'après-midi à l'issue d'une rencontre de deux heures à la cité de l'Union Africaine, entre le président de la République et les évêques du Congo, le Cardinal Fridolin Ambongo Besungu et le Nonce apostolique Mgr Ettore Balestrero compris. Une délégation épiscopale forte de dix-huit évêques membres du comité permanent de la CÉNCO, le Cardinal, tous les Archevêques et les présidents des Commissions épiscopales.
Le Chef de l'État était entouré du président de la Chambre haute du Parlement Christophe Mboso Nkodia Puanga, de celui de la Chambre haute Modeste Bahati Lukwebo, du Premier ministre, chef du Gouvernement Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge, du Conseiller spécial en matière de sécurité du Président de la République Jean-François Beya Wa Kasonga.
Quatre personnalités représentant toutes les institutions du pays dépêchées mardi 23 novembre 2021 à la résidence du Cardinal Ambongo et, le surlendemain, jeudi 25 novembre 2021, à la Cathédrale du Centenaire chez le président et représentant légal de l’ÉCC, l'Église du Christ au Congo, André-Gédéon Bokundoa-Bo-Likabe. Deux confessions religieuses les plus importantes du pays en termes de fidèles et d'organisation, opposées à la désignation de Denis Kadima Kazadi à la tête de la Commission électorale nationale indépendante.
Le 22 octobre, dans une brève allocution à la radio-télévision nationale, le président de la République a annoncé avoir «décidé de signer l’ordonnance désignant les membres du nouveau bureau de la Commission électorale nationale indépendante» en exhortant « vivement ces derniers à œuvrer pour l’organisation d’élections libres, démocratiques et transparentes dans le délai constitutionnel ».
Une annonce plutôt que de calmer l'opposition, a déversé celle-ci dans la rue, dans la Capitale et dans certaines villes, à l'appel des mouvements de laïcs catholiques et protestants soutenus par les évêques catholiques et protestants.
Qui pouvait prédire la suite des événements qui mettaient ensemble les deux églises et l'opposition kabiliste, katumbiste, Lamuka? Certes, le Président de la République avait opposé un refus cinglant aux demandes de rencontre avec ces confessions, expliquant, dans une interview à la Voix de l'Amérique, lors d'un passage à New York en septembre dernier, qu'il ne voyait aucun intérêt de recevoir ces chefs religieux dans le dossier de désignation du bureau de la Commission électorale qui relevait de la seule compétence de l'Assemblée nationale.
Mais qui - quel homme de Dieu et en démocratie - ne pouvait recevoir avec bienveillance une telle initiative venue du Président du pays ? Le fait qu'il ait dépêché ces quatre dignitaires - avec le Premier ministre, Chef du Gouvernement - auprès de ces chefs religieux qui passeraient décidés à tout, ne montre pas sinon un changement de cap, du moins «une compréhension» ?
« REPARTIR SUR DE NOUVELLES BASES».
« Je dois vous dire qu'on est familiers ici. C'est notre père spirituel, c'est notre Cardinal. Nous avons l'habitude de venir ici. Mais, aujourd'hui, nous sommes venus par rapport aux rumeurs que vous entendez dans les réseaux sociaux et nous sommes venus échanger avec son éminence. Tout a été clarifié. Il y a des gens qui veulent profiter du nom de l'église pour faire n'importe quoi. Le Cardinal est là. Il n'y a pas de problème entre l'État et l'Église catholique, ou le Cardinal en particulier. Il n'y en a pas. Nous sommes venus clarifier ces différents points. Nous allons continuer à collaborer avec l'église pour le bien-être de notre population et pour le progrès de l'Église catholique au Congo », déclare, face au Cardinal, Christophe Mboso.
« D'abord je suis très heureux, très honoré de recevoir les grands animateurs de notre pays (...) Ils sont venus pour échanger, et nous avons échangé sur tous ces points qui pourraient faire prêter à des interprétations comme vous avez l'habitude de le lire sur les réseaux (sociaux). On écrit du n'importe quoi sur l'église; on n'écrit du n'importe quoi sur le cardinal. C'était pour nous l'occasion de clarifier les choses et de repartir sur de nouvelles bases. L'Église comme l'État, nous sommes au service du même peuple et nous avons intérêt à conjuguer nos efforts, à travailler main dans la main pour aller de l'avant afin que notre peuple puisse vivre dignement », surenchérit le Cardinal qui, précédemment, s'était « déclaré en insécurité à Kinshasa » après que sa résidence eût été attaquée par des inconnus mais qu'il disait «parfaitement connaître».
Mêmes propos amènes à l'ÉCC. « La même mission que nous avons effectuée auprès du Cardinal, c'est la même mission que nous sommes venus effectuer auprès du Représentant légal qui, lui aussi, était entouré des autres évêques de l'ÉCC, des Révérends pasteurs également, des professeurs spécialistes de l'église. Nous sommes venus solliciter la collaboration de l'Église du Christ au Congo, et nous avons demandé qu'on tourne la page des frustrations, mécontentements nés à la suite de l'entérinement de l'équipe de la commission électorale nationale indépendante », déclare Mboso à l'issue de la rencontre.
« LA COMPREHENSION DE TOUS » SOLLICITEE.
Puis : « Nous avons présenté nos explications. Je pense que nous avons fait le pas jusqu'à ce que le seigneur nous demande de faire la paix. Si cela dépend de nous - ça dépend de nous - nous sommes venus demander qu'on tourne la page, que nous allions de l'avant. Nous avons bien de choses à réaliser pour le bien de notre population. Nous n'avons pas à traîner les pieds sur un dossier pour lequel nous demandons la compréhension de tout le monde. Les élections, nous allons les organiser avec la collaboration de tout le monde. Voilà ce que nous sommes venus faire auprès du Représentant de l'Église du Christ au Congo. C'est la même mission des bons offices, de réconciliation, de compréhension et d'entente ».
« Nous, Congolais vivant dans ce pays, nous devons collaborer avec les institutions. Nous devons privilégier le consensus dans nos discussions, dans tout ce que nous vivons dans le pays, pour la paix de tous», assure l'ÉCC André-Gédéon Bokundoa-Bo-Likabe. Plus tard, par son compte Twitter, l'ÉCC écrit : « Par son Président National, le Rév. Dr André-Gédéon Bokundoa-Bo-Likabe, l'ÉCC se dit honorée d'avoir reçu les Représentants des Institutions de la République et réitère toujours son appel au consensus comme mode de gestion de la République ».
Puis, le surlendemain de cette deuxième visite, cerise sur le gâteau : le président de la République reçoit les évêques catholiques à la cité de l'Union Africaine.
« Cette rencontre fructueuse permet d'unir les forces sociales pour accompagner le processus électoral que tous veulent transparent, juste et efficace », écrit le service de presse de la Présidence de la République.
Les évêques ont remis un mémorandum au Président de la République comprenant une série de recommandations sur la situation sécuritaire à l'est du pays, sur l’enseignement et sur le processus électoral. Sur la sécurité en Ituri et au Nord-Kivu, ils recommandent au président de la République d’envisager une requalification de l’état de siège.
So, What's next? Denis Kadima Kazadi a son fauteuil verrouillé. Nul doute. «Il y a un temps pour tout, pour se quereller; pour se concerter ». Les confessions religieuses sont entrées concertation avec le pouvoir politique, qui porte non sur un individu Kadima mais sur la transparence et la réussite du processus électoral en cours. Elles entendent jouer un rôle clé... Le Pouvoir n'y voit aucun inconvénient.