- lun, 04/10/2021 - 17:16
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1535|LUNDI 4 OCTOBRE 2021.
Au départ ce fut Ronsard Malonda Ngimbi. Alors que les deux chefs de la coalition FCC-CACH dissoute le 6 décembre 2020 étaient réunis à N'Sele, faubourg Est de la Capitale, en vue de tenter un accord de sortie de crise, qu'un projet de communiqué final était préparé par la partie FCC, en l'occurrence par l'ancien ministre des Affaires étrangères Raymond Tshibanda Ntunga Mulongo depuis président de la cellule de crise FCC, le partenaire CACH apprend avec stupéfaction l'entérinement par la Chambre basse à majorité écrasante FCC, de la candidature de Malonda à la succession de Corneille Nangaa Yobeluo à la tête de la CENI.
Côté CACH colère intense. Le mot est repris le 6 décembre dans le discours du Président de la République quand, à l'issue des consultations du Palais de la Nation, il annonce la fin de la coalition...
« Mes chers compatriotes, je vous ai consultés. Vous m'avez parlé. La colère a été prise en compte ».
Jouant l'ignorant de ce qui vient de se passer à la plénière de l'Assemblée nationale, Tshibanda tente d'obtenir la signature de la partie CACH au bas du communiqué de presse mais échoue.
Les parties se séparant en queue de poisson !
« INFRACTION DE DETOURNEMENT DE DENIERS PUBLICS ».
C'est le dernier acte d'un processus de fin de coalition. CACH - plutôt l'UDPS - déboule, à la vitesse lumière, la solution finale: son plan de démolition du FCC qui commence par le commencement.
Le 10 décembre, quatre jours après cette réunion de N'Sele, survient l'incroyable chute de la présidente FCC de la Chambre basse.
Citée quelques semaines plutôt à Paris par Patricia Chapelotte, la présidente de Génération Femmes d’Influence, comme «la femme d'influence politique 2019», Jeanine Mabunda Lioko Mudiayi est destituée.
Moins d'un mois plus tard, le 27 janvier 2021, c'est Sylvestre Ilunga Ilunkamba, Premier ministre FCC, chef du gouvernement, qui s'écroule.
On pensait la série terminée. C'est mal connaître l'UDPS. Très vite, le 5 février, au tour d'Alexis Thambwe Mwamba, président FCC de la Chambre haute à majorité FCC, menacé d'être humilié par une motion de déchéance, de quitter la scène. Il présente sa démission.
ATM - comme ses proches le nomment - est soupçonné par le parquet de détournements de deniers publics.
Dans son réquisitoire, le procureur général près de la Cour de cassation cite quelques faits. Le 6 janvier 2021, le président du Sénat a tiré pour le compte de son institution trois chèques d’un montant respectif de 2 millions de euros, de 1 million de $US et de 1 million de CDF. Dans le même document réceptionné le 1er février par la Chambre haute, le procureur explique que l’argent a été retiré par le trésorier du Sénat qui l'a remis au conseiller financier du questeur avant d’être remis au président du Sénat, chez lui, à son domicile. Pour le parquet, ces faits sont «susceptibles de constituer l’infraction de détournement de deniers publics».
Si Thambwe Mwamba dément ces accusations, il déclare à propos de la pétition : «Nous sommes en démocratie. Il n’y a pas de poste qui soit là pour la vie, ça n’existe pas. On a un mandat et un jour, si ceux qui m’ont donné le mandat décident que je dois partir, je dois partir. Ce n’est pas la fin du monde». Depuis, Thambwe a trouvé refuge en Europe alors que la brigade financière de l'Inspection Générale des Finances plonge dans les comptes du Sénat.
L'ENTRÉE EN SCENE DE L'AMÉRICAIN HAMMER.
Voici un an que le mandat de Corneille Nangaa Yobeluo est arrivé à terme mais qu'il attend de passer le témoin quand il alerte continuellement sur le glissement, à savoir, le report des élections.
Mais voici deux mois que la sous-composante Confessions religieuses - plate-forme légalement en charge de désigner le président de la CENI - peine à trouver un consensus sur le successeur de Nangaa et d’un membre de la plénière de la centrale électorale après le rejet, par le Président de la République, de la candidature de Malonda et que les huit confessions religieuses divergent, s'entre-accusent à fleurets mouchetés, se répandent dans les médias comme des politiques.
Après le refus du président de la République de les recevoir pour l'arbitrage, les ayant dirigées vers l'Assemblée nationale, la seule légalement en charge, les huit chefs religieux ont rencontré jeudi 30 septembre l'ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique, Mike Hammer.
«On ne voudrait pas avoir de glissement. Ça, c’est fini ! Tout le monde est d’accord qu’on doit avoir des élections bien faites en 2023», déclare le diplomate, qui n'a pas sa langue dans sa poche, à l'issue de la rencontre avec six des huit chefs religieux, qui portent le candidat Denis Kazadi Kadima rejeté par les deux autres.
« Les États-Unis d’Amérique sont aux côtés de la République démocratique du Congo comme pays partenaire et ami, qui entend renforcer les efforts du gouvernement Sama Lukonde, dans la consolidation de la démocratie au Congo-Kinshasa », poursuit le diplomate américain qui avait rencontré le président de l'Assemblée nationale quelques jours avant.
Côté Union Européenne, même discours quoique plus diplomatique.
Après une rencontre avec le président Christophe Mboso Nkodia Mpwanga, un tweet sur le compte officiel de l’Ambassadeur de l’UE Jean-Marc Châtaigner écrit : «Rencontre ambassadeurs #UE dans le cadre de notre dialogue politique #RDC avec l'honorable Président Assemblée nationale @MbosoNkodia et le bureau. L'occasion de faire le point sur le calendrier électoral et notre attachement commun au respect des échéances constitutionnelles ».
Le même jeudi, Mboso accorde aux confessions religieuses un énième délai mais délai «ultime» de 72 heures.
« La nation toute entière qui vous a fait confiance, s'impatiente, elle reste attentive et ses yeux braqués vers ses pasteurs pour voir se manifester, comme par un sursaut de conscience patriotique, notre dignité d'hommes intègres, en trouvant une solution autour de cette question, gage de la tenue des élections crédibles et à bonne date dans notre pays», écrit-il dans un courrier qu'il leur adresse.
Il rappelle l’échec de ce processus depuis l’année dernière, précise que la suite du processus électoral dépend de la charge confiée à la plate-forme religieuse.
« Je rappelle que votre obligation légale vous a été confiée par les représentants du peuple qui n'ont cessé de garder présent en leur mémoire le rôle social combien crucial que jouent vos institutions religieuses dans notre pays en dépit de son caractère laïc. Au cas où vous ne l'accomplirez pas pleinement, vous aurez échoué à votre mission une seconde fois comme en 2020. Pourtant, pour la tenue des élections en 2023, l'Assemblée nationale est appelée impérativement à entériner tous les membres de la Commission électorale nationale indépendante au courant de ce mois, et ce, sur base de dossiers qui seront mis à sa disposition ».
Cet énième délai a pris cours vendredi 1er octobre et c'est ce même vendredi que le secrétaire général de la Conférence épiscopale nationale du Congo, CENCO, l'abbé Donatien Nshole, au nom de Mgr Marcel Utembi Tapa, le président de la sous-composante religieuse, convoque une assemblée plénière.
«Le Président de la plate-forme invite ses pairs, donc les chefs des confessions religieuses à une assemblée plénière demain (samedi 2 octobre 2021, ndlr) pour statuer là-dessus», déclare l'abbé à un média en ligne.
«Sans trop de surprises, l'article 12 alinéa 5 de l'actuelle loi portant organisation et fonctionnement de la Commission électorale nationale indépendante stipule qu'en cas de non-entérinement d'un candidat ou de plusieurs candidats, le bureau de l'Assemblée nationale retourne le dossier à la composante pour qu'il siège de nouveau et trouver un candidat. Je crois que c'est dans cet esprit-là que le Président de l'Assemblée nationale a donné cet ultimatum. Nous en sommes conscients ».
LA FUMEE BLANCHE ÉTAIT-ELLE PROCHE?
Et si impossible n'était pas congolais? L'abbé Nshole: « Je crois que c'est la conscience religieuse et patriotique de chacun qui est interpellée. Le bon sens demande qu'on évolue ».
Sur son compte Twitter, l'Eglise du Christ au Congo écrit : « Ultime 72 heures accordées aux Confessions religieuses, en vertu de l'article 12 de la Loi sur la CENI, pour la désignation du #PRCENI, l'ECC salue la sagesse de l'#AN et réitère son appel au consensus dont les fondements reposent sur les valeurs éthiques et morales ».
Puis : « Les initiatives de bonne volonté s'activent. Hier, après avoir conféré avec nos frères, les chefs de six autres confessions religieuses, Mike Hammer a rencontré #ECCCENCO. Ici, tout a tourné autour de la question du processus de désignation des animateurs de la #CENI ».
Sauf que rien n'a bougé à ce samedi 2 octobre, chaque groupe a gardé intactes ses positions. CENCO et ECC invoquent leur taille, leur expertise, leur capacité de mobilisation dans le pays et dans les chancelleries occidentales.
Elles avaient un candidat, Cyrille Eboloko, proche de l'église catholique et ne veulent rien entendre du candidat Kadima. Les six autres réclament respect du choix de la majorité.
Catholiques et protestants estiment qu'il faut oublier tous ces candidats et appellent les six chefs religieux à «évoluer».
A nouveau, pas de fumée blanche consensuelle. « Nous réitérons la confiance au travail que nous avons abattu et nous estimons être cohérents. Nous avons tenté de convaincre nos confrères pour nous rejoindre et revenir à la raison parce que nous n’avons plus le temps à perdre et que nous ne voulons pas porter la responsabilité d’un quelconque glissement. Nous respectons les avis de chacun de nous surtout les avis qui viennent des églises sœurs », déclare le porte-parole des six confessions, le Révérend Dodo Kamba.
Nshole se veut positif: « Prenons patience. Jusqu’à présent, il n’y a pas de compromis. L’avenir nous dira des choses. L’esprit nous dira quoi le week-end ».
Sur son compte Twitter, l'ECC écrit : «C’était beau de nous retrouver en plénière, ensemble, plus de 60 jours après. Mais si pour aujourd’hui, ça n’a pas marché comme souhaité, rien d’étonnant. Pour une première rencontre, c’était prévisible. A chaque jour suffit sa peine ».
Puis : « Plus de 60 jours après, revenir imposer, à tout prix, le même nom qui était à la base de l’impasse, et ce, au mépris de l’article 12 de la Loi portant sur la CENI, est un mauvais signe. Mais pas besoin d’être pessimistes. Pour le Congo, la voix du bon sens peut toujours l’emporter ».
Question : et si mésentente était dans l'ADN congolais? Il reste à savoir ce que va faire cette semaine l'Assemblée nationale. Son bureau va-t-il donner aux huit confessions religieuses un nouveau délai sûr de se retrouver au même point de départ? Va-t-il passer à l'entérinement du candidat de la majorité quand l'opposition menace ? Qui vivra verra...
ALUNGA MBUWA.