- lun, 13/07/2020 - 03:34
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1492|LUNDI 13 JUILLET 2020.
En séjour à l’étranger, en Europe, en Belgique, parti officiellement du pays, il semble pourtant avoir réussi à passer la frontière par les mailles du filet.
A Kinshasa, FCC ou CACH ou opposition Lamuka, qu’importe! Sur Benoît Lwambo Bindu bya Maganga, c’est l’unanimité absolue.
Sur ce président de la Cour constitutionnelle qui fut longtemps président et 1er président de la Cour suprême de Justice, la plus haute instance judiciaire du pays, les mêmes mots - les mêmes maux - reviennent. Avec récurrence...
«Il est dans tous les coups, de tous les coups, à la tête d’une bande, d’une association de malfaiteurs, avec des expatriés, de préférence ceux du Moyen Orient, syriens, indiens, libanais, etc. Il est dans les mines, dans le bois, dans l’immobilier, etc. Il arrache des maisons sans maître ayant appartenu à des étrangers, des Belges; il organise des amputations des terrains à Limete, au centre ville, à Kinshasa, dans l’arrière-pays. Devant toutes les cours et tous les tribunaux, on perçoit sa silhouette via des intermédiaires...».
AU PROCES 100 JOURS REBONDISSEMENT.
Un autre trouve le mot pour qualifier ce haut, en réalité petit magistrat: «Il est vénal... Pour lui, seuls comptent les billets de banque...».
Rebondissement, coup de tonnerre, gros scandale au procès des 100 jours du Programme du Président de la République quand deux jours avant le prononcé d’un jugement qui captive le pays et le monde, annoncé pour le 20 juin, le greffier de la Cour constitutionnelle étonne, détonne, réclame, «toutes affaires cessantes», le dossier.
«Faisant suite à la lettre du 17 juin courant adressée au Président de la Cour Constitutionnelle ainsi qu’à moi-même par Me Kabengela Ilunga Jean-Marie au nom de son client, M. Vital Kamerhe, j’ai l’honneur de vous demander, conformément aux articles 162 de la Constitution et 65 du règlement intérieur de la Cour Constitutionnelle, de daigner transmettre en état, et toutes affaires cessantes au greffe de la Cour de céans, le dossier judiciaire frappé de l’exception de l’inconstitutionnalité dont référence en marge pendant devant votre juridiction», écrit le Greffe.
C’est Benoît Lwamba Bindu bya Maganga qui est derrière. Ultime baroud d’honneur?
«L’affaire a dû se régler contre beaucoup de briques de billets de banque, des millions de $US. Heureusement qu’elle avait été prise en délibéré. Nul ne pouvait plus - même Dieu sur Terre - la bloquer. Sinon, il aurait réussi le coup au moins momentanément...», confie au Soft International l’un de ses amis qui dit connaître les relations du juge, depuis le lendemain de Sun City, avec l’un des inculpés... Les deux hommes avaient toujours agi ensemble, jure notre interlocuteur.
«Toutes ses promotions, depuis Sun City, c’est lui à la manœuvre...»
UNE VILLA AVENUE DES FLAMBOYANTS.
«Au moins 70% des membres actuels des Assemblées législatives - la chambre basse comme la chambre haute et même les Assemblées provinciales - siègent et sont en place grâce à lui, contre argent comptant».
Un autre qui dit aussi bien connaître ce Lwamba Bindu bya Maganga sous sanctions américaine, témoigne sur les relations dangereuses de ce magistrat. L’homme dit l’avoir régulièrement vu au n°35, avenue des Flamboyants, commune de la Gombe, avenue parallèle à celle du Haut Commandement.
«Dans cette maison de l’Etat, le magistrat reçoit à la pelle des candidats à un mandat de député national. Chacun y arrive avec un paquet voire un carton de billets de $US qu’il lui remet, repart assuré d’être proclamé. Ceux qui ne venaient les mains vides avec les seules listes de la CENI et repartaient avec promesse verbale, après l’avoir convaincu, restent, à ce jour, à la paille...».
DEPUTES SANS DOSSIER AU BRTC.
La villa du 35, avenue Flamboyant, est depuis devenue sa propriété en échange d’un siège dans le grand Kivu obtenu pour l’Assemblée nationale par l’un des visiteurs alors ministre du secteur, jure un autre. «Ce ministre a dû déplacer un baobab local, un nom connu à l’international... Tristesse!».
Enième témoignage d’un autre proche du dossier : «Savez-vous qu’il existe des députés proclamés par la Cour constitutionnelle dont les dossiers sont inconnus aux BRTC, ne les ayant jamais déposés. La CENI très émue - une fois n’est pas coutume - a vu des noms d’élus - souvent des personnalités de premier ordre - être parachutés depuis la Cour constitutionnelle. Aujourd’hui encore, pas un dossier de ces élus n’est connu à un seul BRTC (les fameux Bureaux en charge de réception et de traitement des candidatures) car jamais passé par la CENI...».
Il faudrait évoquer ce confinement au Fleuve Congo Hôtel où tous avaient fait fortune...
Depuis vendredi 10 juillet, à propos de ce Lwamba, les langues se délient après ce qui n’est rien moins qu’un jeu, un énième, d’un juge à la morale réprouvée qui aurait pu pourtant être un vrai aristocrate à l’image irréprochable mais désormais dépravée.
«Ce juge président a officiellement sollicité une audience auprès du Président de la République, qui l’a reçu. Le 26 juin, il est venu lui faire part de sa décision de remettre sa démission de son poste et a sollicité des facilités pour se rendre à l’étranger, en Belgique. Le président n’y a trouvé aucun inconvénient et lui a donné les facilités en cette période de Covid-19. Et comme il avait annoncé, le juge a, le lendemain, 27 juin, déposé sa lettre de démission en original au service courrier du Palais de la Nation. Puis, il a fait remettre à chacun des juges - neuf au total - une lettre de démission en original cette lettre dans laquelle il fait part des aspects personnels ayant motivé son départ.
Vendredi 10 juillet, sept juges ont siégé constatant la démission du président. Mais, le jour même, un nouveau courrier arrive contredisant les lettres antérieures avec une nouvelle et dont l’objet est «démenti», expliquant que les réseaux sociaux font état de sa démission et qu’il s’agit «des rumeurs contre lesquelles» (il) «apporte un démenti». Comment comprendre cette volte-face au moment où les sceaux de la Cour sont introuvables? Pourquoi cet homme a-t-il ainsi agi?».
Un proche du Président de la République se dit écœuré...
Katangais - né au Katanga - il est vrai que Lwamba est d’abord un homme des services. En 1997, à la prise de pouvoir par l’AFDL, il est directeur de cabinet du conseiller spécial du Président de la République en matière de sécurité. Depuis, il n’a cessé d’aller de promotion à promotion.
En 1999, il est président de la Cour suprême de Justice, en devient en 2003 le premier président. En 2014, il entre à la Cour constitutionnelle à la création de celle-ci et, l’année suivante, en est investi président en même temps qu’il occupe la présidence du Conseil supérieur de la magistrature et, en 2018, est reconduit à ce poste. Voici que le plus grand magistrat congolais est descendu dans des trottoirs.
D. DADEI.