Jamais nulle part une passation de flambeau n’a été une mince affaire
  • mar, 18/03/2014 - 01:48

Ils sont une dizaine de Chefs d’état africains dont le mandat arrive à échéance au cours des prochains mois.
-Le Mozambicain Armando Guebuza (avril 2014), 70 ans;
-le Namibien Hifikepunye Lucas Pohamba (novembre 2014), 78 ans;
-le Burundais Pierre Nkurunzinza (juin 2015), 49 ans;
-le Tanzanien Jakaya Kikwete (octobre 2015), 63 ans;
-le Burkinabé Blaise Campaore (novembre 2015), 62 ans;
-le Béninois Thomas Boni Yayi (mars 2016), 61 ans;
-la Libérienne Ellen Johnson Sirleaf (novembre 2017), 75 ans;
-le Brazza-congolais Denis Sassou Nguesso (juillet 2016), 70 ans;
-le Rwandais Paul Kagame (juillet 2017) 56 ans;
-le Sierra Léonais Ernest Bal Koroma, (2017), 60 ans.
-Et, bien sûr, le nôtre, le Congolais Joseph Kabila Kabange, décembre 2016, le plus jeune de tous, 42 ans.
Sur des médias périphériques - à commencer par notre… Rfi qui, pour des raisons d’audience, a collé sa ligne éditoriale sur les nouvelles locales des pays africains, plus particulièrement d’Afrique centrale francophone, on entend rien ou pas grand-chose d’aucune autre échéance sauf de la nôtre! Et, pour le coup, tout est dramatisation...
On entend rien non plus - ou, disons, presque rien - des pays qui ont échappé à ces comptes à rebours et où rien… ne se passe.
Rien donc
-de l’Ouganda, rien
-de l’Angola, rien
-de la Guinée équatoriale, ni
-du Cameroun, ni
-du Tchad où l’on parle pourtant aussi le français.
Comment ne pas dire sa surprise face à tant de sollicitude! Il arrive un moment où l’historien du présent doive froidement s’interroger. Le Congo est-il un pays d’exception ou est-ce sa classe politique qui ferait exception?

Too big to fail.
On a tendance à l’oublier mais jamais nulle part au monde passation des pouvoirs n’a été une mince affaire. Il n’y a qu’à voir ces querelles à fleurets mouchetés même dans le saint des Saints de la Démocratie, aux états-Unis où la défaite n’est concédée que parce que le vaincu est assuré qu’il existe une vie en paix en dehors des joyaux de la République? Or, dans nos jeunes états où la Valeur Démocratie qui signifie tolérance et acceptation de l’autre est loin d’être une Valeur partagée par tous? L’état de droit est certainement une œuvre commune à construire patiemment - comme l’Occident a mis des siècles à la mettre en œuvre et n’est vécue qu’avec le bien-être qu’a apporté le Développement - mais que signifie l’état de droit face au risque réel de perte d’état découlant de la fragilité de nos états avec des opposants revanchards dont le premier acte, aussitôt l’alternance obtenue, est non pas de poursuivre l’action de reconstruction nationale engagée mais de régler des comptes en expédiant en prison sinon à l’échaffaud ceux qui les ont précédés, aussi bien que leurs proches? Kengo wa Dondo, l’actuel président du Sénat proclamait un jour sous le régime Mobutu cette belle phrase de Péguy: «Je compte, Halévy, que vous ne réglerez point ces débats par les méthodes kantiennes, par la philosophie kantienne, par la morale kantienne. Le kantisme a les mains pures mais il n’a pas de mains. Et nous, nos mains calleuses, nos mains noueuses, nos mains pécheresses, nous avons quelquefois les mains pleines».
C’est dire s’il est impossible d’avoir été aux affaires sans avoir eu, d’une manière ou d’une autre, à se salir les mains. à ce propos, faut-il un dessin? Les exemples les plus forts sont légion en Occident, là où la tradition est telle que le Droit est une primauté même si tout cela, avec les crises qui frappent aux portes du monde, doive désormais être relativisé.
Dans nos pays post ou en conflit, l’impératif de l’état et de la Nation passe devant. Qui aurait pu s’imaginer qu’en Centrafrique couvait une haine féroce inter-communautaire dans un pays où rien ne se passait sauf des coups d’état? Il a fallu le départ de force du pouvoir d’un président élu François Bozizé pour qu’un nouveau génocide prenne place dans la sous-région.
Too Big to Fail (trop gros pour tomber) est un concept qui vient des états-Unis et de son pragmatisme légendaire.
Il y a des entreprises dont le poids dans l’économie est tel que l’état se doit de s’interdire de les laisser tomber étant donné les conséquences qu’une telle situation engendrerait dans le système financier, donc économique, donc politique. Le Federal Deposit Insurance Act de 1950 autorise l’État fédéral à les aider par des prêts ou par des rachats d’actifs dès que «la continuité» de ces entreprises est «essentielle» à l’économie. Essentielle paraît être la survie de nos états.

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