Comment les conservateurs des titres immobiliers montent des dossiers d'expropriation
  • mer, 25/01/2023 - 08:50

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1572|LUNDI 23 JANVIER 2023.

Trop habitués et pressés de s'en mettre plein les poches que nos fonctionnaires n'ont plus le temps de parfaire les opérations de prévarication ? Sont-ils trop couverts par des magistrats ou par leurs responsables qu'ils pensent que rien ne leur arrivera jamais ? À observer le changement de paradigme qui se déroule dans le pays, qui peut désormais être sûr de quoi ? Qui aurait pu s'imaginer que telle personne se retrouverait en si mauvais endroit ?

HISTOIRE ROCAMBOLESQUE.
Comment expliquer qu'un espace de terre vide, dans une cité de province où tout le monde connaît tout le monde, un espace de terre connu historiquement comme propriété d'une famille, qui le vend publiquement à tel notable, qui l'accepte moyennant dossiers et attestations des Affaires foncières, qui met des années à mettre en valeur cet espace de terre, y érige au su et au vu de tout de tout le monde, pendant des années, un imposant immeuble à étage, visible de tous, s'y installe lui-même, des années durant, avant, des années plus tard, d'accepter que la première banque commerciale du pays y ouvre une antenne, après inauguration avec pompe, en présence des dirigeants européens venus de Kinshasa, du gouverneur de province, des notables locaux, et aide au démarrage économique de la contrée, tout, sur base des dossiers - certificats et attestations des mêmes Affaires foncières - et, alors qu'une étape de développement s'amorce, voici qu'un autre conservateur à la réputation peu recommandable, arrivé curieusement par accident à Masimanimba, prétend que cet espace de terre et, du coup, cet immeuble, appartiennent à une société connue de personne et que personne n'en avait jamais entendu parler ? Une «société Compagnie Agro-Industrielle du Kwilu-Kasaï, agissant par son Directeur-Gérant» dont le nom n'est pas précisé ! Un espace de terre, sur la Route Nationale n°1, par ailleurs connu et reconnu par les autorités administratives du territoire.
C'est l'histoire rocambolesque que vit, depuis le 25 avril 2022, à Masimanimba, dans le Kwilu, à quatre heures de route de la Capitale, la banque commerciale Rawbank. Du fait d'un conservateur, Antoine Muhika Mvula Kabongo venu, il y a un an, remplacer un autre conservateur, Bernard Kilangu Mwenze. Quand le ministre Aimé Sakombi Molendo qui a pris ses fonctions le 10 septembre 2019 aux Affaires foncières, évoque «l'ampleur du désastre» à ce ministère - «déplorable état des lieux; système travesti, fonctionnaires véreux, cadres et agents ont soumis le ministère à une coupe réglée; l’essentiel des ressources du secteur va dans leurs poches ; ils ne réservent à l'État propriétaire qu'une portion congrue» (Le Soft International n°1566|mardi 29 novembre 2022) et déclare avoir mis fin à ces pratiques, il est certainement trop tôt de tenir cela pour acquis.
Alors qu'un certificat d'enregistrement ne peut être annulé que par un juge, comment un conservateur annule, le lendemain de son arrivée, des certificats d'enregistrement d'un conservateur ?
C'est à raison que la Direction Générale de la Rawbank, dans un courrier daté du 7 décembre 2022 signé par Gabriel Wembolowa, responsable des Affaires Juridiques et Christian Kamanzi Muhindo, Directeur Général Adjoint, adressé à Antoine Buhika Mvula Kabongo (copie au Procureur Général à la Cour de cassation, au ministre et au Secrétaire Général des Affaires Foncières, au Gouverneur du Kwilu, au Procureur Général à la Cour d'Appel du Kwilu, au Procureur Général de la République du Tribunal de Grande Instance du Kwilu), en lien avec le certificat d'enregistrement Vol. KMAS XXX IV Folio 126 du 12 janvier 2022, de la parcelle portant le n°cadastral 564 à Masimanimba, aligne des arguments imparables de droit.
« Nous tenons à vous rappeler que, par votre lettre référencée 2.594/AFF/CTI/KLU/MASI/23/2021, du 29 septembre 2021, vous avez certifié que la parcelle portant le n°1, sur la RN, à Masimanimba, dans laquelle la succursale de Rawbank était installée sur base d'un contrat de bail (...), en vertu de l'acte de vente du 21 juin 2006 passé (avec) la succession Mfumu Nseke Damada.
Vous avez attesté qu'aucune charge, contestation ou réclamation ne grevait ladite parcelle. C'est dans ce contexte que Rawbank a été conforté sur la régularité du titre de propriété qui couvrait cette parcelle et a procédé à son achat, en vue de participer au développement de la province du Kwilu».

AUTEUR DES FAITS INFRACTIONNELS.
Puis, le courrier de la Rawbank de poursuivre : « C'est à la suite de cet achat que votre office a établi un nouveau certificat d'enregistrement au nom de Rawbank aux fins de constater son droit de propriété en vertu des articles 227, 231 et 236 de la Loi n°73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés telle que modifiée et complétée par la loi n°80-008 du 18 juillet 1980. Nous sommes désagréablement surpris des allégations contenues dans votre lettre référencée 2.594.1/AFF.F/CTI/KLU/MASI/023/2022, du 25 avril 2022, qui ne sont ni plus ni moins qu'un acte de semeur d'insécurité juridique notoire, émanant d'une autorité à qui incombe l'obligation de protéger les droits des personnes, mais qui se voue à perturber l'ordre public, en mettant en place une stratégie aux fins de troubler les droits de propriété de Rawbank sur la parcelle qu'elle a acquise en bonne et due forme. En vertu de l'article 223 de la loi susmentionnée, nous nous réservons le droit de recourir à tous les moyens de droit pour mettre en cause votre responsabilité pénale personnelle pour les faits infractionnels dont vous êtes auteur (...)».
Puis, dans la même veine : « Il sied de noter que les actes ou les décisions du conservateur des titres immobiliers ne peuvent être attaquées que par un recours devant le tribunal de grande instance, conformément à l'article 244 de la loi précitée. Nous vous invitons à rapporter les actes que vous avez posés en violation manifeste de la loi.
Tout en condamnant les antivaleurs qui caractérisent vos actes, nous pensons que les hautes autorités de la République, qui nous lisent en copie, et qui recevront les annexes cotées de 1 à 8, prendront des mesures appropriées contre des manœuvres frauduleuses que vous avez mis en place pour non seulement nuire aux droits de Rawbank sur ladite parcelle, mais aussi induire son Excellence Monsieur le Ministre des Affaires Foncières en erreur et troubler le climat des affaires à Masimanimba».
Il faut dire que la cité de Masimanimba et ses environs, les fonctionnaires, enseignants, professeurs, corps médicaux, etc., sont trop remontés contre ce fonctionnaire des Affaires foncières. Ils soupçonnent un complot de Kinshasa visant à bloquer l'élan de développement pris par la contrée et ses environs...

D. DADEI.


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