- jeu, 02/05/2024 - 14:04
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1605|LUNDI 15 AVRIL 2024.
Saura-t-on ? Saura-t-on jamais? D'où est parti le fake diffusé par la radio publique belge francophone sur la présence du Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo à Kigali à la commémoration du génocide des Tutsis rwandais ?
« La nouvelle » ayant été diffusée alors que le Président de la République venait de quitter la Capitale sans que ses services n'annoncent rien, et alors que le président sud-africain Cyril Ramaphosa dont des forces se trouvaient dans le Kivu aux côtés des FARDC, se trouvait à Kigali, nul n'aurait pu exclure l'hypothèse d'un tête-à-tête entre les deux personnalités. Fallait-il que ce tête-à-tête ait lieu au Rwanda, le pays de Paul Kagame ?
Le 7 avril, sur son compte X (Twitter @TinaSalama2), Tina Salama, la porte-parole officielle du Chef de l'État a démenti. « Le Président de la République Félix Tshisekedi n'a pas fait le déplacement à Kigali pour participer à la comméoration du génocide contrairement à ce que a été diffusé sur la @RTBF » (...). Sans cependant être précise. « Il effectue plutôt un déplacement à l'étranger pour des dossiers urgents liés au pays ».
Selon des informations du Soft International, le Chef de l'État qui est revenu le week-end à Kinshasa, n'avait pas fait le déplacement de Kigali. Il avait voulu prendre trois ou quatre jours, loin des dossiers. Certainement pas sur le continent européen. Ne dit-on pas que «le corps est un corps. Il a besoin d'un moment de répit...» ?
Sur les relations avec Kigali, dans une interview accordée à trois médias occidentaux (l'édition Afrique du quotidien français Le Monde, la radio française Radio France, le quotidien économique américain, Wall Street Journal), le Président de la République est le même, toujours aussi intraitable.
Il critique la présence des forces rwandaises sur le territoire congolais, l'appui de Kigali à la rébellion du M23, un groupe armé activement soutenu par le Rwanda, selon divers rapports des experts des Nations unies et qui a fait alliance, le 15 décembre 2023, avec un autre mouvement rebelle en créant une alliance appelée, AFC, Alliance Fleuve Congo.
Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo dénonce la « complicité de la communauté internationale » dans ce conflit armé.
Sur la déclaration de guerre annoncée par le Président de la République, « à la moindre escarmouche », réponse du Chef de l'État :
« Oui, mais il y a eu depuis une intense activité diplomatique - pour ne pas dire des pressions sur la RDC - pour laisser une chance à la paix. Je n’emprunte pas cette voie par faiblesse, mais avec l’espoir qu’elle aboutira à quelque chose. Les provocations de Paul Kagame, le président rwandais, sont nombreuses, sa manipulation et ses mauvaises intentions ne font pas l’ombre d’un doute. C’est la voie de la dernière chance, au-delà de laquelle nous répondrons aux escarmouches, parce que nous en avons les moyens».
Vous refusez de négocier avec les insurgés, et n’acceptez de le faire qu’avec avec votre homologue rwandais. Est-ce qu’une rencontre avec Paul Kagame est prévue ?
C’est possible. Cela dépendra de la démarche qui est en cours actuellement. Le président angolais (João Lourenço) a été désigné par l’Union Africaine comme médiateur de cette crise. Je préfère ne pas spéculer sur ce qui va arriver ou pas.
Comment comprendre l’absence de progrès des opérations militaires congolaises et la progression du M23, épaulé par l’armée rwandaise ?
Il faut relativiser. C’est peut-être le cas sur certains axes, mais sur d’autres, nous les repoussons. Et ils ont compté beaucoup de morts dans leurs rangs.
Mais cette guerre nous empêche de continuer les réformes de notre armée. Celle dont j’ai écrite était truffée de rebelles qui ont été intégrés après la signature d‘accords pour résoudre les précédentes crises impliquant des groupes armés, soutenus par le Rwanda. Cela explique les vraies difficultés que nous avons aujourd'hui. Nous devons séparer le bon grain de l’ivraie. Il y a des traîtres dans notre armée. Pas uniquement des rwandophones, il y a aussi des Congolais d’autres expressions linguistiques. Nous nous battons aujourd'hui à la fois contre un ennemi visible, le Rwanda, et un invisible, ceux qui ont infiltré nos rangs.
La RDC a fait appel à deux sociétés militaires étrangères privées, Congo Protection et Agemira, dirigée par un Français, Olivier Bazin, officiellement pour former ses soldats. Vos adversaires disent que vous avez recours à des mercenaires. Quelle est la différence ?
La différence, c’est que les mercenaires se battent et sont payés pour ça. Tandis que les sociétés d'instructeurs renforcent les capacités sur le terrain. Il leur arrive d'être sur le théâtre des opérations, mais ils ne se battent pas.
Ces sociétés appuient-elles et forment-elles aussi les milices appelées «Wazalendo», alliées de l'armée congolaise ?
Elles ont un contrat avec l'État congolais et ne sont pas là pour entraîner les Wazalendo. (Ces derniers) sont des compatriotes de l'Est de la RDC, qui ont décidé de prendre les armes pour défendre leur communauté. Cela ne date pas de mon avènement. Au moment de leur création, l’armée ne faisait rien pour les protéger Nous devons les valoriser et les canaliser. Ce sont des vaillants guerriers, mais ils n’ont pas suivi de formation. Il peut y avoir des atrocités, des débordements.
Ces milices pro-gouvernementales enrôlent pourtant des enfants-soldats.
Voilà pourquoi j'ai parlé d’encadrement. Mais arrêtez de regarder cette situation comme étant une situation normale, nous sommes ici dans un monde irréel. Certains d’entre eux ont vu leurs parents se faire violer, d’autres se faire massacrer ou décapiter.
Ce ne sont pas des gens qui raisonnent comme vous et moi. Mettez-vous à leur place un seul instant Ils se défendant avec tout ce qu’ils ont pour le faire. Il faut juger les agresseurs, ceux qui les poussent à entrer dans cet état. Arrêtez vos regards occidentaux qui commencent à agacer les Africains, Vous les jugez en disant qu'il y a des normes internationales. Mais ils sont dans un tel état d’esprit qu’ils n’obéissent plus à rien, y compris à nous-mêmes.
J'ai mis beaucoup de temps à établir un contact avec eux, à cause de la politique de bon voisinage que j'ai menée au début de mon premier mandat. Les Wazalendos m'ont considéré comme un traître pendant au moins trois ans. C’est lorsque cette politique a échoué, à cause, évidemment, du comportement du Rwanda, que j'ai basculé dans le camp du radicalisme.
Comment jugez-vous la réaction de la communauté internationale ?
Je vais être très dur: c'est de la complicité. Quand on a accusé Kagame de piller les ressources de la RDC, il a affirmé lui-même que ces dernières prenaient la direction d'autres pays et qu'elles étaient transformées là-bas. Ces pays font donc du recel.
Vous pouvez les nommer ?
J'ai juste retenu que le Rwanda n’était pas seul responsable des malheurs du Congo.
Les condamnations Internationales de l’action du Rwanda dans l’Est de la RDC ne suffisent-elles pas?
Savez-vous combien de sanctions il y a eu dans le cas de la Russie et de l’Ukraine ? Je ne sais même plus. A la mort (de l'opposant russe) Alexei Navalny, il y en a eu 500 prises aux États-Unis. Pour un individu. Au Congo, il y a eu 10 millions de morts. Combien do sanctions contre le Rwanda ? Zéro. Et quand Kagame vient en Europe, on lui déroule encore le tapis rouge.
Le 27 mars, vous avez eu un entretien téléphonique avec Vladimir Poutine. Est-ce qu’un rapprochement avec la Russie, qui renforce sa présence en Afrique, est envisageable ?
Si elles respectent les lois de la RDC, il y aura des relations avec ce pays. Il y en a d’ailleurs déjà. Mais cela ne nous empêche pas d'être lucides. Nous sommes parmi les rares nations africaines à avoir condamné l’agression de la Russie centre l’Ukraine.
Nous savons ce que c'est que d’être un pays agressé et nous ne pouvons pas soutenir cela. J'irai au sommet Russie-Afrique au mois de juin. Pas parce que je vais défier qui que ce soit, mais parce que nous avons aussi des relations avec ce pays.
Et puis, il pourrait y avoir d’autres choses intéressantes à faire avec la Russie.
Aujourd'hui, la démarche de l’Europe, pourtant partenaire naturel de l’Afrique, est biaisée.
Quand l’Union Européenne accorde 20 millions d’euros d'aide à l'armée rwandaise, soi-disant pour l’aider à lutter contre les groupes djihadistes au Mozambique, ou quand cette même institution signe un accord sur les minerais avec le Rwanda, alors que ces richesses sont pillées au Congo, c'est incompréhensible et inaudible par l’opinion.
avec C. PIERRET.