- lun, 25/01/2016 - 17:58
Un projet de loi ouvre la voie au règlement du contentieux sur les adoptions d’enfants congolais.
Environ 1.400 jugements ont été prononcés par les tribunaux congolais en dépit du moratoire pris par le gouvernement portant adoptions internationales. Le gouvernement fait donc face aux pressions des familles adoptives qui ont envahi les réseaux sociaux et des chancelleries. Pas une réunion bilatérale ne se tient avec un pays dont des parents ont adopté un ou des enfants congolais sans que la question ne soit posée.
Le gouvernement américain a dépêché à Kinshasa un de ses membres en charge des questions consulaires en vue de plaider la cause des 400 familles américaines dont les enfants adoptés disposant d’un visa des Etats-Unis, restent bloqués dans des orphelinats à la suite d’absence d’autorisation de sortie du territoire par la Direction Générale des Migrations. Une délégation des membres de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants du Congrès américain en compagnie de leurs épouses, vient de séjourner dans la Capitale sur cette question.
Conduits par le président de la Commission des Affaires étrangères Edward Royce, les Congressmen ont été reçus mardi 19 janvier 2016 par le Premier ministre Augustin Matata Ponyo Mapon entouré de quelques membres du Gouvernement en charge du dossier (Intérieur et Sécurité, Affaires étrangères et Justice et Droits Humains).
Peu avant, ils avaient rencontré au siège du Parlement le président de l’Assemblée nationale Aubin Minaku Ndjalandjoku.
Dans la soirée, l’ambassadeur des Etats-Unis James C. Swan a offert une réception en sa résidence associant parents adoptifs américains, enfants adoptés et personnalités politiques congolaises. Le 18 janvier, lors d’un Conseil des ministres (extraordinaire) de rentrée, les ministres ont examiné et adopté un projet de loi modifiant la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant à la suite d’un rapport de la commission ad hoc sur les intégration des amendements au projet de loi. Ce rapport faisait suite à des réunions marathon des Commissions interministérielles (Commission Politique, Défense et Sécurité et Commission des Lois et Textes Réglementaires). L’adoption de ce projet de loi par le Conseil des ministres a ouvert la voie au règlement des jugements rendus par les tribunaux congolais en dépit du moratoire pris par le Gouvernement sur les adoptions internationales.
A en croire toutes les sources, on s’attendait à ce que sur les 1.400 cas d’adoption connus par la justice congolaise, 30% des cas soit 400 familles adoptives environ appartenant à diverses nationalités (américaines, françaises et autres), obtiennent dans les 15 jours l’autorisation de sortie du territoire, 300 soit 25% étaient jugés régularisables.
Il s’agit des parents qui, pour l’essentiel, n’auraient pas fait le déplacement du tribunal congolais mais auraient été représentés par un avocat.
Quant aux autres soit 45%, ils étaient jugés irréguliers par la commission interministérielle qui a repris du service.
La réforme envisagée présentée par le Vice-Premier ministre Evariste Boshab Mabudj (Intérieur et Sécurité), veut régulariser et encadrer, en termes de prévention et de répression, des aspects spécifiques de l’adoption internationale à la suite de nombre et graves irrégularités rencontrées dans la pratique.
Elle consacre le principe de subsidiarité (ce qui est subsidiaire) en autorisant l’adoption internationale qu’en cas de carence de toute autre solution nationale, dans la famille que par l’Etat, d’une prise en charge adéquate, de la survie du candidat à l’adoption.
Elle introduit des restrictions importantes sur la qualité de l’adoptant et les motivations de l’adoption et l’incrimination et la répression de faits contraires à l’ordre national et international. Elle veut lutter contre les activités illicites dans ce domaine.
Elle encourage la promotion de la culture et des pratiques positives permettant d’éviter aux enfants adoptés d’être privés de leur environnement familial. L’intérêt de l’enfant et la conservation de son identité culturelle sont considérés comme la finalité principale pour régler la problématique de prise en charge alternative des enfants privés de leurs familles. Le projet de loi prévoit la création d’un établissement public dénommé Agence Nationale d’Adoption de gestion administrative des procédures d’adoption internationale, placé sous la tutelle du Ministre ayant en charge les affaires intérieures.
Le processus d’adoption internationale est organisé dans le sens de le mettre à l’abri de toute ingérence politique tant nationale qu’internationale de manière à permettre aux institutions administratives et judiciaires habilitées à instruire les requetés dont elles sont saisies en stricte conformité des textes réglementaires et ce, dans l’intérêt de l’enfant laissé à leur discrétionnaire appréciation. Le texte met à charge du Gouvernement l’obligation de lutter contre notamment la traite des êtres humains.
Ci-après le Projet de loi modifiant et complétant la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant Protection de l’Enfant.
EXPOSE DES MOTIFS.
Le Continent africain est devenu «le nouvel horizon» pour l’adoption internationale. Les ressortissants de tous les continents, vivant en dehors de l’Afrique, sont aujourd’hui, de plus en plus intéressés par l’adoption des enfants africains.
En effet, les statistiques renseignent que contrairement à d’autres pays, notamment ceux d’Amérique latine, d’Asie et d’Europe de l’Est, qui connaissent une baisse de l’adoption internationale, le Continent africain apparaît comme le plus sollicité, en tant que terre d’origine d’enfants adoptés. A titre d’exemple, le nombre de ces enfants adoptés a connu un accroissement du simple au triple de 2003 à 2010 selon le dernier rapport de l’Organisme «The African Child Policy Forum (ACPF)», une institution panafricaine indépendante ayant pour vocation de maintenir des politiques et dialogues sur l’enfance en Afrique.
Ce rapport est le reflet de la crise que traverse la famille africaine et des politiques menées dans le passé avec pour finalité ou incidence, la fragilisation des cadres communautaires de solidarité. A ces causes, se sont ajoutés, dans le cas de la République Démocratique du Congo, les conflits à répétition, qui ont offert le champ à d’horribles trafics des enfants congolais sous les apparences des procédures d’adoption.
Il est donc du devoir de l’Etat de prendre des dispositions nécessaires pour combattre ce phénomène dont la finalité est de soumettre les enfants congolais aux pratiques ignobles, que sont notamment, l’esclavage sexuel, les travaux forcés et le commerce d’organes humains. C’est dans cette optique que la présente loi vient renforcer la législation congolaise en matière d’adoption internationale en consacrant notamment, l’obligation pour le tribunal, de s’assurer, sur base des procès-verbaux d’enquête ou de toutes autres pièces versés au dossier et l’instruction à l’audience, de:
a) la difficulté de garder l’enfant au sein de la famille élargie, ou de la communauté locale;
b) la difficulté d’une prise en charge sociale alternative en République Démocratique du Congo;
c) l’existence d’un lien légal de mariage entre l’adoptant et un conjoint de sexe opposé avec lequel il cohabite sous un même toit;
d) la non pertinence de la précarité ou de la pauvreté des parents ou de la famille comme seule motivation de l’adoption;
e) la nature exceptionnelle de l’adoption sollicitée, uniquement guidée par l’intérêt supérieur de l’enfant.
Aussi, la présente loi exige, en période de conflit ou post-conflit, ou dans les situations quelconques d’urgence, que les enfants séparés ou non accompagnés ne peuvent faire l’objet d’une requête en adoption qu’après avoir été hébergés dans un établissement spécialisé en République Démocratique du Congo pendant au moins une année, moyennant autorisation du Président de la République et des procès-verbaux d’enquête retraçant:
- les efforts fournis pour retrouver les parents de l’enfant et qui se sont avérés sans succès;
- le parcours de l’enfant, du site de recueillement à l’établissement d’hébergement;
- l’absence de tout lien de parenté ou social de l’enfant au sein de la communauté nationale;
- l’absence de toute offre de prise en charge alternative dans les familles congolaises en République Démocratique du Congo.
Cette réforme porte sur les articles 18, 19 et 199.de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant. Telle est l’économie générale de la présente loi.
LOI.
L’Assemblée Nationale et le Sénat ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit:
Article 1er:
Les articles 18, 19 et 199 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant sont modifiés et complétés comme suit:
Article 18:
Tout enfant a droit à l’adoption.
L’adoption internationale d’un enfant mineur est une mesure de tout dernier ressort. Elle n’est admise que dans les conditions prévues par la présente loi.
Sans préjudice des dispositions des articles 650 à 691 du Code de la Famille, l’adoption d’un enfant congolais par un étranger ou par un Congolais habitant en permanence hors de la République Démocratique du Congo n’est admise que lorsqu’il est établi par le juge compétent, la difficulté de trouver un cadre familial alternatif propice à l’éducation et à la croissance harmonieuses de l’enfant, dans des familles des Congolais habitant de manière permanente sur le territoire de la République Démocratique du Congo.
Article 18 bis:
L’adoption internationale d’un enfant congolais doit être décidée par le Tribunal pour enfant compétent, ou par la juridiction ayant reçu à titre transitoire cette compétence.
Article 18 ter:
Le Tribunal statue sur requête du Ministère public, en présence de celui-ci, au cours d’une audience publique à laquelle sont appelés:
- Le requérant qui devra faire acter personnellement son consentement;
- Les père et mère, le tuteur de l’enfant ou le représentant du Conseil de famille dûment désigné pour ce faire;
- L’enfant.
Article 18 quater: Outre le consentement de toutes les parties à l’instance d’adoption, le Tribunal s’assure, sur base des procès-verbaux d’enquête ou de toutes autres pièces versés au dossier et l’instruction à l’audience, de:
a) la difficulté de garder l’enfant au sein de la famille élargie, ou de la communauté locale;
b) la difficulté d’une prise en charge sociale alternative en République Démocratique du Congo;
c) l’existence d’un lien légal de mariage entre l’adoptant et un conjoint de sexe opposé avec lequel il cohabite sous un même toit;
d) la non pertinence de la précarité ou de la pauvreté des parents ou de la famille comme seule motivation de l’adoption;
e) la nature exceptionnelle de l’adoption sollicitée, uniquement guidée par l’intérêt supérieur de l’enfant.
Article 18 quinquies: En période de conflit ou post-conflit, ou dans les situations quelconques d’urgence, les enfants séparés ou non accompagnés ne peuvent faire l’objet d’une requête en adoption qu’après avoir été hébergés dans un établissement spécialisé en République Démocratique du Congo pendant au moins une année, moyennant autorisation du Président de la République et des procès-verbaux d’enquête retraçant:
- les efforts fournis pour retrouver les parents de l’enfant et qui se sont avérés sans succès;
- le parcours de l’enfant, du site de recueillement à I’établissement d’hébergement;
- l’absence de tout lien de parenté ou social de l’enfant au sein de la communauté nationale;
- l’absence de toute offre de prise en charge alternative dans les familles congolaises en République Démocratique du Congo.
Article 19:
Le requérant adoptant doit donner la preuve de son engagement à œuvrer avec la famille de l’enfant dont l’adoption est sollicitée ainsi que les autorités administratives nationales chargées de l’adoption, à assurer la prise en charge de l’enfant au sein de sa propre famille ou communauté, afin de garantir la continuité de son éducation, dans son environnement socioculturel naturel.
Si cela s’avère matériellement irréalisable, l’adoption internationale de l’enfant congolais ne pourrait être accordée que si, en sus des conditions prescrites à l’article 18 de la présente loi, les autorités compétentes de l’Etat
d’accueil délivrent des attestations constatant que:
a) l’adoptant est apte à adopter et à fournir à l’enfant un cadre d’épanouissement acceptable;
b) l’adoptant a l’extrait de casier judiciaire vierge et est de moralité publique irréprochable;
c) le consentement n’est pas obtenu moyennant paiement ou contrepartie d’aucune sorte et qu’il n’a pas été retiré;
d) les souhaits et avis de l’enfant sont pris en considération selon son âge et niveau de maturité;
e) le consentement de l’enfant à l’adoption, lorsqu’il est requis, est donné librement, dans les formes légales requises, et que ce consentement est donné ou constaté par un acte écrit authentique et confirmé devant le juge compétent.
Article 19 bis:
L’adoption internationale de l’enfant congolais ne peut être requise, par préférence, qu’à destination de l’Etat avec lequel la République Démocratique du Congo entretient des relations diplomatiques au moment de la prise de la décision judiciaire d’adoption.
Elle ne peut être prononcée en faveur d’un ressortissant du pays dont les lois sont contraires à la Constitution, à l’ordre public et aux bonnes mœurs de la République Démocratique du Congo.
Article 199:
En attendant l’organisation des structures appropriées de la protection des enfants, celle-ci est assurée de manière générale, conformément aux mécanismes en vigueur non contraires à la présente loi.
En attendant les mesures d’exécution de la présente loi, tous les dossiers et procédures d’adoption internationale des enfants congolais sont suspendus.
Article 200:
Le Gouvernement est tenu de prendre des mesures pratiques équitables en vue du règlement des cas en cours de traitement.
Article 2:
La présente loi entre en vigueur un an à dater de sa promulgation.
Fait à Kinshasa,
le...
Joseph KABILA KABANGE