- ven, 26/06/2020 - 11:04
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1491|VENDREDI 26 JUIN 2020.
par Tryphon Kin-kiey Mulumba.
Lu et corrigé.
Lettre à l’HIStoire.
Il avait tout, il suffisait de…
Il n’a jamais été, loin s’en faut, un pacificateur. Kamerhe fut un manipulateur. Un manipulateur certainement hors pair.
Qu’il se soit affublé de ce titre vulgarisé par des musiciens stipendiés, en dit long sur ce qu’il est ou a été.
Il pourrait s’appeler tout en effet sauf «le Pacificateur». Lui qui, à ce jour, a nargué qui il a voulu pour être, rester, perdurer. Lui qui a livré les batailles les plus féroces. Même contre ce Rwanda, pays qu’il connaît le mieux, dont il se dit le plus proche, dont il parle la langue, qu’il a retrouvé le 13 mars 2019 après la victoire à la présidentielle de Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo et est revenu le 26 mars 2019 aux côtés du Président de la République, avec la même chaleur qu’il a renié et a combattu ce pays, se servant des guerres rwandaises qui passent opportunément trop mal au Congo et qui s’arrachent, pour qui sait les vendre, politiquement et électoralement dans les Kivu.
TERRIBLE PREDICTION D’UN EX-AMI.
Il lui avait prédit ce destin funeste qui, inexorablement, paraît lui arriver huit ans plus tard par le cerveau et le courage d’un magistrat, le procureur général près la Cour d’Appel de Matete, Alder Gisula Betika Yeye, l’Antonio Di Pietro congolais, engagé comme jamais, à ce jour, à l’instar du célèbre procureur de la Mani Pulite italienne, dans des procès anti-corruption et de détournement des deniers publics visant in fine l’assainissement de la scène politique au point d’avoir instruit un dossier dont une tête, la première, et pas n’importe laquelle et, on l’espère, qu’elle ne sera pas la dernière, vient de tomber avec fracas avec le jugement prononcé au premier degré le samedi 20 juin 2020 à la chambre foraine de la prison centrale de Makala, jamais, à ce jour, prononcé dans ce pays. Vingt ans de travaux forcés; dix ans de non-éligibilité après qu’il a accompli la première peine. Total : trente ans. Outre la confiscation des fonds et des biens meubles... Une catas !
Il avait pourtant tout été dans ce pays. Il avait fait rêver tant.
Comment être arrivé à un tel exploit et détruit tant de rêves, enfumé tout le monde sauf les siens biologiques?
On aurait bien voulu qu’une question lui fût posée, à lui, cousin de Massaro, sur le mur du million de $US qu’exhibe sur les réseaux sociaux son cousin et le somptueux et rutilant parc automobile qui est le sien. Sa réponse aurait certainement pu faire rire toutes les vaches de sa ferme...
Comme tout personnage public, il y aura une opinion pour contester le verdict, croire à un procès politique. Pourtant...
Augustin Katumba Mwanke avait eu l’honneur, me dit-il un jour, de me recevoir, en tête-à-tête, deux fois. Deux jours d’affilée.
Une première à son minuscule bureau officiel dans les annexes qui furent des salles de classe désaffectées d’une concession privée de Procoki cédées à l’AMP, l’Alliance de la Majorité Présidentielle. Quatre heures durant. Une seconde fois, le lendemain, à quelques encablures de là, à nouveau quatre heures durant, dans une autre minuscule pièce qui lui servait de bureau dans une petite bâtisse contiguë de son habitation, non loin de la Jewels International School of Kinshasa, l’école indienne de la capitale congolaise.
La première fois, le tout puissant Vice-Président de la République vissé dans un fauteuil quelconque, fondit en larmes quand il évoqua la mort de Guillaume Samba Kaputo en août 2007 survenue en Afrique du Sud, officiellement des suites d’un arrêt cardiaque.
Puis m’annonça sa décision de quitter son poste de Secrétaire exécutif de la Majorité Présidentielle.
«Je n’en peux plus avec ces traîtres» qui siègent au Bureau politique de l’AMP, me dit cet homme aussi trop puissant que détesté unanimement au point où quand il périt en février 2012 dans un mystérieux crash aérien intervenu à l’atterrissage du jet privé, à l’aéroport de Kavumu, à Bukavu, au Sud-Kivu, à bord duquel il avait pris place, ses amis ne voulurent pas laisser son corps passer une nuit dans la Capitale.
Déjà quand la nouvelle fût annoncée à ce Bureau politique, nul ne dit mot de la trentaine de convives. Silence de mort. Réuni autour du Chef à sa ferme, on se contenta du repas auquel on était convié alors que le Chef littéralement affligé s’était isolé, avant de reprendre le chemin retour...
Transféré le surlendemain à Kinshasa, une stricte et courte séance avait suffi au Palais du Peuple. Son vieil ami Evariste Boshab Mabudj a lu sur les marches une violente oraison funèbre à l’adresse de la classe politique kinoise et le corps était aussitôt exfiltré vers à l’aéroport. Direction Lubumbashi avant Pweto, sa ville où il repose.
Boshab fut de toutes les étapes...
A Kin, il n’y eut aucune de ces éternelles adorations des morts reconnus qui ont lieu dans le lobby du Palais du Peuple avec les différentes couches du pouvoir se succédant devant le corps lors des veillées et la succession des cultes.
J’avais préparé une gerbe de fleurs pour le cercueil à celui qui fut un voisin de strapontin. Il semble que cette séquence ne fût pas prévue...
Le jour de la rencontre dans la concession de Procoki, il m’expliqua que c’en était fini pour lui la politique. Il avait décidé de consacrer sa vie désormais à protéger «le Chef, le Raïs Kabila». Il ne voulait plus se mêler des hommes politiques...
«Je dois protéger le Raïs. Car Vital vient de tuer Guillaume. Il ne va pas manquer d’éliminer le Chef... Je ne peux pas accepter».
Face à une telle accusation, je n’avais plus ma voix. Comment Kamerhe, président de l’Assemblée nationale, aurait pu donner la mort au conseiller spécial du Président en matière de sécurité? Samba et Kamerhe avaient formé un duo à la tête de la délégation gouvernementale partie au Dialogue inter-congolais qui mit fin le 19 avril 2002 aux guerres des rébellions du RCD et du MLC par un accord de Sun-City.
Ce dialogue avait eu lieu au lendemain de l’assassinat à Kinshasa, le 16 janvier 2001, dans son bureau, du président Laurent-Désiré Kabila qui, avec des armées rwandaise, ougandaise, angolaise, érythréenne, etc., mit fin aux années Mobutu.
«Vital a mis Guillaume dans un tel état que Guillaume a fini par craquer. Mais, Vital va marcher à pied dans cette ville, ici à Kinshasa...».
Horreur !
Des phrases répétées à l’envi qui glacent le sang. A nouveau, pourquoi et comment Kamerhe aurait-il agi pour faire «craquer» un conseiller spécial du Président en matière de Sécurité? En même temps, comment un homme, fut-il Katumba Mwanke, peut-il prédire l’Enfer à un autre et, en plus, à un acteur politique majeur? Qui est-il pour prophétiser un tel avenir à un autre?
Face à cette éminence grise incontournable du Président, je restais sans voix. Qu’est-ce qui a pu se passer entre Vital et Guillaume? Vital avait-il pris Guillaume la main dans le sac avant de lui faire du chantage, de le traîner dans la boue?
Au lendemain du Dialogue de Sun City, Guillaume aurait-il empêché Vital de prendre l’une des quatre vice-présidences du régime 1+4 qui revenait, dans le fameux «partage équitable et équilibré», à la plate-forme Gouvernement, préférant la confier à un homme de l’Ouest, l’ami des années noires du père disparu, Abdoulaye Yerodia Ndombasi ?
Il est vrai que celui qui, à Sun City, se fit appeler «l’attaquant de base et de pointe» pour sa virulence contre une délégation du RCD-Goma déplorable soutenue par le Rwanda, avait dû se retrouver de justesse dans ce partage contraint d’accepter de se contenter d’un maroquin de bas niveau, le ministère de l’Information et de la Presse qu’un ancien journaliste de radio résidant en Afrique du Sud, Barnabé Kikaya Karubi, avait sportivement abandonné.
Mais AKM avait plus d’arguments à me faire valoir.
«Vital était des nôtres, m’expliquait-il. Il était prévu qu’il succède au Chef (dont le mandat arrivait à terme avant d’être miraculeusement prolongé, ndlr). Il le savait. Il n’avait qu’à travailler et à attendre son tour. Le poste lui revenait de droit. Il a tout gâché. Il a commencé par tuer Guillaume. Il ne restait qu’à éliminer le Chef. Ça, je ne peux l’accepter...».
Je l’écoutais longtemps, très longtemps sans réagir sauf pour dire à cet homme de petite taille, physiquement frêle, qui s’asseyait sur la dernière rangée de l’hémicycle, que nombre de ses collègues à l’Assemblée nationale ne connaissaient pas tellement qu’il n’avait pas pris la parole une seule fois et qui n’attire pas de regard quand il est dans les travées, que s’il voulait «vraiment protéger le Président», il n’avait pas à quitter son poste au Bureau politique de la Majorité Présidentielle qui enferme de grosses pointures susceptibles de faire mal.
Au contraire, il devait garder ce poste, travailler en interne à changer ceux qui l’entourent, faire bouger les lignes de sympathie auprès de ce cercle et auprès des Congolais qui ne connaissaient pas son Chef.
Katumba Mwanke ne m’avait pas entendu. Il ne se passa pas une semaine qu’il officialisait son départ. L’annonce en fut faite un jour de décembre 2009 par son adjoint, un homme aux ordres, un Mobutiste repenti, Louis Alphonse Koyagialo Ngbase te Gerengbo qu’il désignait à sa succession mais dont l’avenir politique sera étrangement bref.
PARCOURS POLITIQUE OMBRAGEUX.
Si Koyagialo, Vice-premier ministre en charge des PTNTIC dans le Gouvernement Muzito en septembre 2011 avant d’assurer l’intérim du Chef du Gouvernement du 7 mars au 9 mai 2012 à l’élection de Muzito comme député, avait succédé le 10 juin 2013 comme vingt-huitième Gouverneur du Grand Équateur, à l’ex-abbé Jean-Claude Baende Etafe Eliko combattu comme jamais un homme ne l’a été par l’élite politique de sa province, l’homme connu dans le monde dans l’affaire du massacre du campus de Lubumbashi du temps où il fut gouverneur du Katanga sous Mobutu, ne prit jamais ses fonctions à Mbandaka. Deux mois plus tard, en septembre, il fut foudroyé par une maladie inconnue. Hospitalisé à Kinshasa, évacué en Afrique du Sud, il meurt le 14 décembre 2014 à Johannesburg.
Avec l’épilogue le 20 janvier à la prison de Makala du premier procès anti-corruption et de détournement des deniers publics qui a vu la condamnation d’un homme à vingt ans de travaux forcés et à dix ans d’inéligibilité après qu’il a épuisé sa peine outre la confiscation de ses fonds dans des banques et de ses biens meubles et immeubles, la prédiction de Katumba Mwanke est-elle en voie de se réaliser huit ans après la disparition de celui qui fut l’homme fort de la Kabilie et qui le reste aujourd’hui?
Il fut tout. Co-fondateur du parti présidentiel PPRD dont il fut le premier Secrétaire général de l’histoire, Kabila lui confie en 2006 la direction de sa campagne présidentielle.
Au lendemain du triomphe électoral, Kamerhe se voit tout refuser mais parvient à enlever la présidence de l’Assemblée nationale par un vote massif des députés du PPRD et des opposants. Poussé à la porte trois ans plus tard par ses camarades PPRD pour avoir critiqué l’appel fait par Kabila aux troupes rwandaises de venir au Congo se battre aux côtés des forces loyalistes contre des mouvements armés, il tient Kabila en haleine trois mois mais doit abandonner son marteau quand ses co-équipiers du bureau le désavouent et démissionnent en bloc...
S’il broie du noir, l’homme de Walungu organise son rebond et crée une année plus tard en décembre 2010 son propre parti politique, UNC, l’Union pour la nation congolaise, avant de se porter candidat à la Présidentielle du 28 novembre 2011. Les chiffres officiels de la Commission électorale nationale indépendante lui accordent 7,74 % des voix. Résultat dont il est fier...
Il a affronté l’opposant de tous les temps, le président de l’UDPS, l’Union pour la démocratie et le progrès social, Étienne Tshisekedi wa Mulumba et refusé de former avec lui un ticket hostile à son ancien mentor Kabila dont il conteste la victoire, reconnaissant celle du «Sphinx» arrivé second, selon la CENI.
Qu’importe ! Celui qui, en politique, a fait ses premières armes au Frojemo (Front des jeunes mobutistes du MPR-parti-Etat) et que des camarades du campus de Kinshasa accusent d’avoir joué un rôle d’«informateur» des services de sécurité, a rejoint en 1983 les jeunes partisans de l’UDPS d’Étienne Tshisekedi.
Quand le régime Kabila fait face à une crise politique sans précédent et prépare un «glissement» de mandat, Kamerhe prend la tête d’un groupe de personnalités de l’opposition qui participe en septembre et en octobre 2016 à un énième dialogue, celui de la Cité de l’Union Africaine boycotté par toutes les têtes couronnées de l’opposition occupées au même moment à une grande rencontre qui ouvre ses travaux en juin 2016 à Genval dans une banlieue cossue de Bruxelles.
Kamerhe s’est laissé convaincre par le médiateur de l’Union Africaine, le Togolais Edem Kodjo qui lui a annoncé que Kabila lui donnerait la direction du Gouvernement qui en sera issu mais ce poste va à l’un des membres de sa délégation. Le 17 novembre 2016, peu avant midi, l’ex-UDPS Samy Badibanga Ntita est nommé, contre toute attente, Premier ministre. Kamerhe est effondré.
Mais la crise perdure et, face à son ampleur, les évêques catholiques ayant activement saisi la rue, réclament un plus large consensus...
Surnommé «Kamerhéon», très fortement contesté par l’opposition, Kamerhe monte en puissance sa capacité de transhumance en ralliant incroyablement le dialogue des ecclésiastiques.
C’est le dialogue du Centre inter-diocésain qu’a rejoint le Rassemblement de l’opposition réuni à Genval et qui donne lieu à l’Accord de la Saint-Sylvestre mais, à nouveau, le 18 mai 2017, la Primature échappe à Kamerhe. Et, rebelote, elle va à un autre ex-UDPS, Bruno Tshibala Nzenzhe.
Il a beau participer à chaque dialogue et concertation, c’est tout sauf lui. Marquée au fer fouge par la ligne Katumba Mwanke, la forteresse ne s’ouvre pas même s’il parle avec des membres de la famille biologique de Kabila. La famille politique tolère qui pourrait venir de lui. Sauf lui…
Qui a dit que les carottes sont cuites? Il aurait dû soulever une exception... Les carottes peuvent être cuites, elles ne le seront pas pour tout le monde. Jamais pour un acteur de trempe...
Car voilà qu’une présidentielle se prépare fiévreusement et que tous «aujourd’hui plus que jamais», faisant bloc contre Kabila. Contre lui. Fayulu, Bemba sorti de prison à La Haye, Moïse Katumbi Chapwe, etc. Ces deux derniers interdits de course par une CENI qui curieusement connaît le bien et le mal, a pris position, se laisse dicter les ordres.
Möise est très proche de Mwanke. Il n’a pas oublié Kamerhe. L’étranger qui, dans sa ville de Lubumbashi où il est un monarque absolu, a osé l’affronter publiquement et l’humilier sur ses terres...
Président de l’Assemblée nationale élu fin décembre 2006 et qui doit encore faire ses preuves, Kamerhe a atterri sur la piste de la Capitale cuprifère, l’ex Capitale du Katanga indépendant. Il a été désigné pour représenter le Président de la République aux festivités de l’indépendance le 30 juin 2007.
Et ce Kamerhe du lointain Kivu estime qu’il lui revient à lui et à lui seul, à son titre de représentant personnel du Président de la République, non de se précipiter à aller s’asseoir à la tribune d’honneur, mais de passer les troupes en revue, puis d’être accueilli par le gouverneur au pied de la tribune au terme de ce passage des troupes. Un air déjà de Président... avant l’heure ! Le roi du Katanga oppose un refus catégorique.
Le début des cérémonies attendra tant que l’accord n’aura pas été trouvé. Le roi reste dans son palais, attendant un règlement de la crise. Spécialiste de la parade, Kamerhe s’éloigne. Il fait intervenir le Président de la République.
Des députés de la délégation, avec Augustin Katumba Mwanke qui fut gouverneur ici sous Mzee, assistent incrédules à l’incident.
Quand Moïse déboule, debout, dans la limousine réhabilitée appartenu autrefois à l’autre roi du Katanga, l’autre Moïse (Tchombe), nul ne sait comment l’affaire s’est conclue... Dans la course pour cette présidentielle de novembre 2018, il a donc réussi un autre exploit : se faire adouber aux diverses rencontres anti-Kabila qui recherchent, sous une médiation internationale, un candidat commun susceptible d’affronter avec succès le dauphin de Kabila, les pays de la région, reprenant des thèses occidentales (l’Amérique de Trump veille, elle qui a fait venir à Kinshasa sa représentante aux Nations Unies Nikki Halley revêtue d’un titre d’envoyée spéciale du président de la première puissance de la Terre avec un message sans équivoque) ont juré de ne plus voir Kabila se succéder ou tenter de se succéder à lui-même. L’initiative qui consiste à faire barrage à Kabila ou à l’un des siens, est menée par un team d’organisations sud-africaines qui, soudain, se trouve en rupture de fonds. Qu’importe!
D’autres milieux anti-Kabila - le collectif des miniers très décidés - prennent la relève, mettent la main à la poche et, début novembre 2018, la rencontre de Genève a lieu. Pourtant, attiré dans les filets, Kamerhe n’est pas au bout de ses peines. Le manipulateur hors pair n’a vu venir aucun coup quand il lui est assuré que c’est à lui et à lui seul qu’irait la candidature commune.
Celle-ci est attribuée après un curieux vote - en l’espèce, tout sauf un mode de sortie de crise - au plus faible des candidats à la candidature, l’élu de Kinshasa, Fayulu qui a promis que s’il devenait Président, il organiserait des nouvelles élections au bout de deux ans et quitterait le pouvoir. Pour le remettre à ses mentors que la CENI a, à tort ou à raison, invalidés? Incroyable !
Plébiscité président du Rassemblement d’opposition après le décès de son père, l’homme qui occupe ce poste sur mesure, créé par un soutien politique affirmé et qui aurait logiquement dû lever cette candidature commune, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, a aussi été écarté. Colère et deuil parmi ses proches qui n’avaient jamais envisagé une autre candidature que la sienne et qui annoncent, bien avant que la nuit ne tombe, ce même 11 novembre 2018, le retrait de la rencontre et, aussi incroyable que cela, Kamerhe a senti le vent, et l’a rejoint. La donne a changé.
LE ROI EST MORT, VIVE LE ROI.
Ainsi naît, le 23 novembre 2018, à Naïrobi, sous l’égide du président kenyan Uhuru Kenyatta, la plate-forme électorale CACH, Cap pour le changement, que consolident à Kinshasa, des personnalités clés et qui va porter Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo au pouvoir.
Kamerhe a-t-il sous-estimé le fils du Sphinx que des observateurs disent qu’il porte 90% de l’ADN politique de son père? A voir sa posture après sa nomination comme Directeur de cabinet du Président de la République, tout porte à le croire.
A la Cité de l’Union Africaine où le Président a élu domicile, le Chef de l’Etat n’a pas accès à ses appartements et ne point en sortir sans être vu, approché, voire invité par ce DirCab très entreprenant qui a déménagé du Palais de la Nation et a pris ses quartiers dans un salon qui donne aux appartements présidentiels. Là, il fait défiler en nombre ses premiers invités, des dirigeants d’entreprises publiques et privées qu’il raccompagne à la sortie du bâtiment, comme s’il était le maître des lieux, mais signe de classe...
Si le DirCab n’est pas une entité constitutionnelle, cela ne l’empêche pas d’affréter des jets privés, d’embarquer femme et enfants et de poster au monde des photos du paradis. En public, il prend la main ou tient l’épaule du Président et passe un message sans équivoque : à la Présidence de la République, il y a un couple...
De même, il se dispute sinon la présidence, du moins, la préséance avec le Chef de l’Etat, faisant de l’officier d’ordonnance l’homme qui a mission de protéger le Président et son DirCab. Dans la ville haute, on s’alarme et le protocole se fait incendier quand l’avion présidentiel atterrit et que le Président emprunte la passerelle non avec le militaire dans le dos mais avec le DirCab comme si le garde armé se trouvait là pour assurer la protection des deux hommes. Quand il sent que le couple va, dans la perception publique, battre de l’aile en voyant le Président ne plus l’associer à des événements, il monte au front dans les médias, affirme qu’il n’est pas un DirCab «comme un autre». «Je suis d’abord le partenaire du Président de la République».
Quand la suspicion s’enfle, il pousse le dysfonctionnement jusqu’à produire, devant caméras, le drapeau du pays planté, un compte-rendu d’une rencontre ayant réuni loin des ors de la République le Président et son prédécesseur...
Le message est le même qui passe auprès de ses partenaires en affaires : admirez cette proximité et tirez-en les conclusions qui s’imposent. «Je ne l’ai jamais retoqué et il ne m’a jamais retoqué...», assure-t-il.
Lors de la publication fin août 2019 au petit matin du gouvernement Sylvestre Ilunga Ilunkamba, on le voit face au porte-parole, les yeux rivés sur une copie de l’ordonnance présidentielle accompanant mot à mot, jusqu’à la lie, une lecture suspicieuse.
Ce CACH légitimé qui a porté le fils du Sphinx au pouvoir et dont le nom revient de temps à temps dans certaines bouches, qui n’a pu exister, voici près de deux ans depuis la victoire à la présidence de la République de la plate-forme, est l’ombre de lui-même. Voyant l’arrivée d’hommes pouvant lui faire de l’ombre, il s’assure qu’il est seul face au Président expliquant que cela est mieux ainsi. N’a-t-il jamais confiance qu’à lui-même?
C’est là sous Tshisekedi qu’il commence un nouveau chemin de croix, peut-être sa véritable descente aux Enfers et qu’il a inexorablement entrepris de ruiner sa vie. Il a échoué toute reconnaissance politique - n’a eu le poste de Vice-Président après le Dialogue de Sun City, ni celui de Premier ministre après tous les dialogues, ni celui inscrit dans l’accord de Nairobi - sortant des années de braise, flairant, avec Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, tenir le bon filon, il a oublié qu’il n’y a de vie qu’ensemble. Autant en politique.
Il peut compter sur l’Est, les Sud et Nord Kivu comme sur une armée numérique faite de charmantes Amazones acquises ou penser à séduire le Congo en bagouillant des mots de la multitude de langues - son magistrat géniteur a été d’une zone linguistique à une autre - voire aller à l’étranger où il compte des amis Chefs d’Etat et vante une amitié avec un certain Michel Rocard sauf que la politique ne ressemble ni à l’église, ni à une fratrie.
Le roi est mort, vive le roi. S’il y a de la douleur à voir partir le roi, il y a de la joie à voir l’immortalité du pouvoir d’Etat. Qui contesterait à l’UNC cette loi et refuserait de reconnaître le nouvel homme qui y surgirait comme le firent ces anciens Français qui hésitèrent à reconnaître Philippe de Valois comme successeur de Charles le Bel? Début avril, au lendemain de l’arrestation de Kamerhe ordonnée par le procureur Gisula, le Président reçoit des membres de la direction du parti de Kamerhe puis, des femmes de ce parti.
Vendredi 19 juin, veille du verdict du procès de Kamerhe, le Secrétaire général a.i de l’UNC, l’un de ses beaux-frères, Aimé Boji Sangara Bamanyirue, a, devant des médias, ces paroles : «La coalition CACH se porte très bien. La mission classique reconnue à tout parti politique a toujours été la conquête du pouvoir, son exercice et sa conservation le plus longtemps possible et de façon la plus démocratique.
Désormais, l’UNC se donne cette mission de conserver, le plus longtemps possible, le pouvoir acquis avec le concours de ses partenaires de CACH».
Puis : «Si l’étape de la conquête a été parsemée d’embûches, celle de la conservation et de l’exercice ne l’est pas moins. J’en appelle au sens de responsabilité de chacun de nous...».
Entre-temps, que des UNC élevés, par des ordonnances présidentielles, à des postes de dirigeants d’entreprises du portefeuille de l’Etat, des services publics! Si, au lendemain de l’annonce de l’emprisonnement de cet homme, divers propos menaçants ou désacralisants ont rempli la Toile, ils paraissent depuis s’être évaporés. Sauf accident de circulation, nul ne voit un seul ministre UNC inscrire son nom sur une liste de candidats au départ…
T. KIN-KIEY MULUMBA.