On ne démocratise pas par la haine
  • ven, 19/02/2016 - 04:23

On démocratise dans l’écoute de toutes les opinions.

Dimanche 14 février 2016, la presse internationale, notamment Rfi (la radio publique française destinée à l’international), a annoncé l’arrestation en début d’après-midi du Député congolais Martin Fayulu Madidi. Quelques heures plus tard, on apprenait la libération de ce Député d’opposition. Qu’en est-il au juste?
Il faut d’abord préciser que le Député Fayulu n’a pas été arrêté mais seulement interpelé pour qu’il explique sa tournée de la ville, distribuant des messages de haine et d’incitation à la destruction.
En effet, depuis le vendredi 12 février 2016, ce Député à la tête d’un groupe d’amis, visitait les campus universitaires de la Capitale et certains quartiers périphériques non pas pour y faire de la politique, ce qui serait son droit le plus absolu, mais pour inoculer la haine et inciter la jeunesse congolaise à descendre dans la rue pour y opérer des casses. Tous ceux qui ont entendu ce Député de Kinshasa et ses acolytes témoignent dans ce sens.
Pour ce Député, la journée du 16 février ne devrait pas servir à commémorer - donc à penser aux victimes de la défunte dictature tombées alors qu’ils marchaient pacifiquement pour exiger la réouverture de la Conférence nationale, qui, elle-même, était assise sur une volonté d’entrer en démocratie par les voies pacifiques.
Travestissant l’histoire, M. Fayulu voulait faire du 16 février le début d’une insurrection qu’il espérait populaire. Que signifie le 16 février?
Cette date nous rappelle que le 16 février 1992, sous l’impulsion des Eglises chrétiennes, les populations congolaises s’étaient mobilisées pour contraindre la dictature, alors en place, d’entrer en dialogue en réouvrant la Conférence Nationale Souveraine interrompue par le régime Mobutu pour avoir été à ses yeux hostile au régime.
En cette date, nous devrions donc célébrer l’attachement des Congolais au Dialogue et à la Démocratie et non en faire le moment du déclenchement d’une insurrection qui doit venir perturber la mise en application d’un programme électoral déjà en cours.
L’action de Fayulu et ses acolytes est une tentative de détournement du symbole de cette date historique. Il faut donc dénoncer cette manœuvre politicienne.

LA DEMARCHEDE MARTIN FAYULU.
Les observateurs politiques savent que le champ d’action de ce Député et ses amis est limité dans les sphères de la partie de notre jeunesse la plus faible psychologiquement et intellectuellement. Ces politiciens escomptent, à l’aide de ce que nous appelons à Kinshasa les «Kuluna», déclencher des émeutes qui embraseraient la Ville selon leur vœu et, dans leurs sinistres espoirs, entraîneraient les forces de l’ordre dans une riposte qu’ils souhaitent sanglante pour des raisons évidentes.
Ceux qui aiment réellement la République Démocratique du Congo savent que ce n’est ni par la haine ni par la casse que notre pays ira vers une démocratie plus approfondie, mieux assurée et vers l’accroissement de sa richesse et du bien-être de sa population. La démocratie est un système d’échanges, de débats, de dialogue et de persuasion. Dans ce système politique l’arme se trouve être l’argument, non l’insulte, ni le jet de pierres, ni les attaques contre les biens d’autrui.
Est-il nécessaire de rappeler aux Congolais ce que la violence leur a déjà coûté, lors des pillages, en termes de morts (plus de 6 millions d’âmes sacrifiées) et en termes de destruction des embryons d’industrialisation de nos villes? Que dire du retard dans l’instruction de nos enfants qui a eu pour conséquence notre dégringolade dans tous les indices de développement humain pendant des années?
Les élites congolaises vont-elles laisser un homme, fût-il l’élu du peuple, déclencher un processus qui pourrait entraîner à nouveau le pays dans un cycle des violences, dont on connaîtrait le début mais jamais la fin et dont personne ne peut prédire le niveau de conséquence?
Manifestement le Député Fayulu et consorts veulent forcer l’alternance. Est-il indispensable pour accéder au pouvoir de détruire tout ce qui a été construit jusqu’ici? La RDC doit-elle mettre en place un cycle d’éternel recommencement?
Est-il politiquement raisonnable d’ignorer ou d’annihiler tous les efforts accomplis dans ce pays tant dans le domaine de la réconciliation, de la mise en place des institutions démocratiques que de la reconstruction des infrastructures?
Il est évident qu’il existe des différends au sein de la classe politique de notre pays quant à la manière de gérer le futur immédiat de l’Etat congolais.
Cependant, ce qu’attend le peuple congolais, c’est que ces divergences se résolvent autour d’une table, sans nécessairement exiger à un pouvoir encore légitimement en place d’écourter son mandat, ce qui équivaudrait à un coup d’Etat manifestement insoutenable dans une démocratie et interdit par l’article 64 de notre Constitution dont certains ne veulent voir appliquer que certaines lignes.
Comment comprendre qu’un élu qui, de plus, se prétend démocrate, s’enferme dans une logique insurrectionnelle alors que le pays est déjà engagé dans un processus électoral?
Le Député Fayulu devrait savoir que l’on ne démocratise ni par la haine ni par la casse mais dans l’écoute de toutes les opinions.
KAJEPA MOLOBI.

Martin Fayulu Madidi est un homme d’affaires congolais (chef d’entreprise, il investit dans l’hôtellerie, l’immobilier et l’agriculture) né à Kinshasa le 21 novembre 1956. De l’éthnie Mbala, originaire de l’ex-province de Bandundu (Bagata, Kwilu), il est également député national et président de l’ECiDé, Engagement pour la Citoyenneté et le Développement, parti d’opposition.
Il a fréquenté l’université Paris XII où il obtient une maîtrise en Economie générale, puis l’Institut supérieur de gestion de Paris, puis l’European University of America de San Francisco, Californie d’où il sort avec un MBA.
Il rejoint le groupe pétrolier Mobil Oil à Kinshasa en septembre 1984 et termine sa carrière dans le groupe en 2003 au poste de Directeur général d’ExxonMobil Ethiopie, après avoir assumé diverses responsabilités au siège de Mobil à Fairfax, aux Etats-Unis, au siège de Mobil Africa à Paris et dans d’autres groupes affiliés ExxonMobil Côte d’Ivoire, Kenya, Nigeria, Mali.
En 1990, il est Président de FDD, Forum pour la Démocratie et le Développement, membre de l’Union Sacrée de l’Opposition.
En 1991, il prend part à la CNS, Conférence Nationale Souveraine où il est Vice-président de la Commission Économie, Industrie et PME.
En 1993, il est élu par ses pairs membre du HCR-PT, Haut Conseil de la République-Parlement de Transition. Elu député provincial de la ville de Kinshasa en 2006, réhabilité député national par la Cour suprême, il opte de siéger à l’Assemblée provinciale de Kinshasa laissant ainsi son mandat de député national à son suppléant.
En mars 2009, il participe à la création de l’ECiDé, dont il est Président. Fayulu est aussi Coordonnateur des FAC, Forces Acquises au Changement, plate-forme politique qui regroupe une vingtaine de partis politiques. Ainsi que Sauvons la RDC, un regroupement socio-politique né le 18 novembre 2013.
D. DADEI.


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